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Lincoln : que vaut Hollywood pour les films historiques ?
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Il était une fois en Amérique

D'ores et déjà encensé par la critique, le film Lincoln de Steven Spielberg, qui sort aujourd'hui dans toutes les salles de cinéma, est le dernier exemple en date de la capacité des réalisateurs hollywoodiens à créer de grands films historiques.

Patrick Brion

Patrick Brion

Patrick Brion est historien du cinéma et animateur de ciné-club.

Une grande partie de ses recherches porte sur les genres cinématographiques (film noir, comédie musicale, cinéma fantastique, etc.) et sur le dessin animé. C'est grâce à lui que le grand public, en France, a redécouvert Tex Avery.

Il a écrit un ouvrage de référence sur le réalisateur américain de dessins animés intitulé Tex Avery (Le Chêne, 1984).

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Atlantico : Le film Lincoln de Steven Spielberg sort en salle ce mercredi. Les Américains sont-ils les meilleurs pour réaliser des films historiques ?

Patrick Brion : Les Américains ont une tradition de réalisation de films historiques que nous n’avons pas en France. Le personnage de Lincoln apparaît dans plusieurs films, d’autres ont été réalisés sur Roosevelt, sur Kennedy, etc…  Les Américains ont une grande habitude de travailler sur l’histoire, quelle que soit les périodes. Des dizaines de films ont été réalisés sur la Première Guerre mondiale, alors qu’en France jusqu’à ces dernières années on ne parlait que des Croix de bois (Roman de Roland Dorgelès).

Nous avons cette habitude de ne jamais parler de l’histoire en général. Il a fallu attendre Andrzej Wajda pour faire un film sur Danton, il n’y avait quasiment pas de film sur la Commune, très peu sur la Révolution ou encore Napoléon. Ce phénomène est très curieux. Certaines guerres sont sujettes à polémique, comme la guerre d’Algérie ou d’Indochine, mais ce n’est pas le cas de la Première Guerre mondiale. Est-ce une autocensure ? Peut-être. Est-ce par manque d’habitude ? Certainement.

On constate depuis quelques années que c’est la télévision qui s’attèle à réaliser des films historiques et non pas le cinéma. Deux téléfilms ont été réalisés sur Jean Moulin mais aucun film n’a vu le jour. Cette semaine encore un téléfilm a été diffusé sur la possibilité d’assassinat de Robert Boulin.

Comment expliquer l’engouement pour les films historiques aux Etats-Unis comparé à la timidité française ?

Ce phénomène est difficilement explicable car les magazines d’histoire connaissent un fort succès, tout comme les livres historiques. Dès qu’on arrive dans le domaine du cinéma, on constate une grande frilosité. L’autocensure et le manque d’habitude peuvent expliquer cette différence.

Outre-Atlantique, le cinéma a toujours eu une grande liberté de ton. Le cinéma américain est un mélange d’idéal rooseveltien – on essaye de faire ce qu’il y a de mieux – et d’opportunisme économique. Néanmoins, lorsqu’il y a un problème aux Etats-Unis, on le montre plutôt que de le cacher. Des films ont abordé les questions de racket dans le milieu de la boxe, sur l’alcool, sur le gangstérisme, sur le monde politique corrompu, etc..

En France, lorsque l’on fait un film sur les fusillés pour l’exemple, il est réalisé par Stanley Kubrick avec Kurk (Les sentiers de la gloire), et cela ne se fait pas en France.

On peut également expliquer ce phénomène car historiquement les producteurs américains étaient des immigrés russes, victime de pogroms, du bolchevisme et qui croient à la démocratie. Cela peut paraître naïf mais le principe de la démocratie est de dire lorsque quelque chose ne va pas.

Si Hollywood a pu réaliser des fresques assez spectaculaires, qu’en est-il de la réalité des faits historiques ? Par exemple, qu’en est-il du dernier film de Quentin Tarantino, Django Unchained ?

L’avantage de ces films historiques est de poser les problèmes. Par exemple, le film JFK d’Oliver Stone est un film très ambigu et n’est, par moment, historiquement pas très sérieux mais il soulève des questions. Le film Nixon du même Oliver Stone, qui détestait, ce personnage invite malgré tout à se poser des questions sur la personnalité de cet ancien président des Etats-Unis. On ne cache pas les choses.

Le dernier Tarantino est beaucoup plus compliqué et ambigu. Nous n’avons pas attendu Tarantino pour parler de l’histoire de l’esclavage. De nombreux films ont été réalisés sur la thématique de l’esclavage et de la ségrégation raciale. Les Américains ont fait preuve de courage dans ce domaine, ce qui n’est pas le cas en France. Il ne faut pas oublier qu’une partie des acteurs hollywoodiens comme Charlton Heston ou encore Paul Newman, ont combattu contre la ségrégation.

La vision de l’histoire européenne produite par les Américains est-elle fantasmée ?

Toute vision de cinéaste est un peu fantasmée. Auparavant, lorsque les Etats-Unis réalisaient un film sur Paris, les Parisiens étaient représentés avec un béret, une baguette sous le bras et un litron dans l’autre main. Ce n’était pas très sérieux. En revanche lorsqu’ils ont réalisé des films sur l’engagement militaire des Etats-Unis, que ce soit en 1917 ou en 1944, ils ne blaguaient pas du tout.

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