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Comment Google tente d'imprimer durablement l'imaginaire de nos jeunes élites
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Bonnes feuilles

Pascal Perri raconte comment Google tente d'influencer nos élites en construction. Extrait de "Google un ami qui ne vous veut pas que du bien" (1/2).

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Plus les procédures antitrust gagnent du terrain, plus les interventions tous azimuts de la firme se multiplient.

Derrière le rouleau compresseur des actions officielles accomplies au grand jour, les dirigeants du moteur de recherche investissent aussi le territoire des élites. Ils participent au financement de chaires d’enseignement dans les écoles censées produire les gouvernants et les décideurs de demain. À l’École de journalisme de Sciences Po, l’observateur ne manquera pas de remarquer que les enseignants de la chaire culture numérique sont très majoritairement des cadres de France TV Interactive (FTVI). Or n’est-ce pas précisément France Télévisions, contre toute logique de service public, qui s’est engagé dans une coopération profitable pour Google en acceptant la diffusion d’une partie de ses contenus sur Google TV ? Comment expliquer par ailleurs que le responsable numérique de France Télévisions, M. Patino, cherche par tous les moyens à combattre le standard HbbTV, sous lequel diffusent TF1, France TV (eh oui), Arte, M6? Le système HbbTV, adopté par tous les grands pays européens, forme une barrière à l’entrée pour les pure players du Web, dont Google fait partie. Il est destiné à préserver le paysage audiovisuel français des immixtions prédatrices des majors de l’Internet, toujours intéressées par nos recettes publicitaires.

Au CSA et dans les cénacles où se joue l’avenir des entreprises de télévision françaises et des producteurs de contenus, le discours du dirigeant numérique intrigue. Quels intérêts sont ici défendus? Ceux du service public? Ceux de l’industrie française de la production audiovisuelle? Non. Pour vraiment comprendre, il faut lire le blog du syndicat CGC de France Télévisions en octobre 2012 : Bruno Patino, « le lieutenant interactif » de Rémi Pflimlin, étoffe à France Télévisions son annexe de Sciences Po et du Monde.fr !

Résumons-nous : l’équipe numérique de France TV s’en prend étonnamment à une norme d’émission défavorable à Google, ses dirigeants enseignent à l’École de journalisme de Sciences Po, école au financement de laquelle Google participe activement. Troublantes (et troubles !) relations...

Interrogé lors d’une cérémonie de parrainage de Google à Sciences Po, l’intéressé, directeur de l’école, avait déclaré : « Cet accord est le reflet d’un intérêt croisé. Il nous est impossible d’enseigner le journalisme sans aider nos étudiants à maîtriser l’information en réseau, ses outils, ses fonctionnalités et ses mutations, en ligne et sur mobiles. Et Google, de son côté, sait quel est l’apport essentiel des professionnels dans le domaine de l’information. » On rit sous cape en écoutant un tel discours, en particulier quand on sait quelles difficultés rencontre la presse européenne et française face au géant de Mountain View. Les actionnaires de France Télévisions pourront-ils longtemps laisser perdurer une situation aussi ambiguë, eux qui sont garants de la défense de l’intérêt général ?.....

Enfants de la culture américaine rompus aux techniques d’influence, les patrons de Google font appel aux meilleurs : anciens régulateurs, avocats médiatiques, grands témoins, figures intellectuelles en vue. Les services de ces grandes signatures ne sont jamais gratuits, mais ce sont aussi des investissements productifs.

Le lobbying de Google est à double détente. Dans un premier temps, les collaborateurs externes de l’entreprise veillent dans les antichambres de l’Assemblée nationale et du Sénat et dans les coursives du ministère de la Communication. Il faut pouvoir donner le change très vite et surveiller la production législative. Dans un second temps, la politique de Google vise à imprimer durablement l’imaginaire des jeunes générations. Dans les grandes écoles, elle influence les élites en construction. C’est une sorte de tenaille qui ne laisse rien au hasard et profite très largement du silence qui entoure le débat sur les nouveaux outils technologiques et sur leur impact économique. La menace est très silencieuse et très discrète. Elle avance sous les traits du progrès et du modernisme. C’est une cible mouvante qui s’alimente de nos faiblesses et de notre ignorance. Pourtant, le contrôle de la culture et de l’information est un véritable enjeu de pouvoir. Ce sont les idées qui mènent le monde et, répétons-nous, celui qui possède le tuyau peut aussi le remplir.

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Extrait de "Google un ami qui ne vous veut pas que du bien"

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