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Fashion week et mannequins squelettiques : qui se préoccupe de l’anorexie masculine ?
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Manorexie

L’anorexie chez l’homme se déclare en général plus tardivement que chez la femme, entre 16 et 20 ans.

Jean Chambry

Jean Chambry

Jean Chambry est pédopsychiatre et chef de pole au GHU Psychiatrie Neurosciences de Paris.

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Atlantico : Alors que les défilés de mode se sont achevés dimanche dernier, le problème de l’anorexie refait surface. L’objet du débat porte sur la photo d’un mannequin d’une maigreur extrême et qui a défilé pour Yves Saint Laurent, à Paris. La photo, parue dans le tabloïd britannique le Daily Mail, a déclenché une véritable polémique sur Twitter entre pro et anti-ana. L’anorexie est trop souvent associée aux jeunes filles. Mais les hommes aussi peuvent en souffrir. L’anorexie masculine est-elle réservée au milieu de la mode ou un vrai problème de société ?

Jean Chambry :  L’anorexie n’est absolument pas limitée au milieu de la mode. C’est l’expression d’une souffrance dans le rapport au corps, que l’on retrouve chez des jeunes de milieux très différents. On en parle peut-être plus dans le monde de la mode du fait de sa visibilité mais les patients qui viennent consulter sont des « monsieurs tout le monde ».

L’anorexie chez les femmes a fait débat, les créateurs notamment ont réussi à tordre le coup aux clichés et leurs mannequins ont une corpulence approchant de plus en plus la moyenne.

N’est-elle pas sous-estimée chez les hommes ? Pour quelles raisons ?

En réalité, l’anorexie chez les garçons est largement sous-estimée car on y pense moins. Il faut dire que croiser un homme d’une maigreur extrême dans la rue n’est pas courant. Les cas sont bien évidement plus rares qu’au sein de la gente féminine. De plus, la mauvaise information des médecins, ne s’attendant pas à ce qu’un homme ait un rapport difficile avec son corps, rend le diagnostic difficile. Les symptômes sont en effet très différents de ceux des filles, dans la mesure où, eux, ne sont pas attachés au poids. Ils veulent un corps en apparence musclé. Ils disent même vouloir prendre du poids, mais n’y arrive pas. Leur discours est finalement radicalement opposé à celui des jeunes femmes anorexiques qui souhaitent pour leur part atteindre un poids idéal.

Qui sont ces hommes anorexiques ?

L’anorexie chez l’homme se déclare en général plus tardivement que chez les femmes, entre 16 et 20 ans. Cette pathologie peut ensuite durer très longtemps. Malheureusement, aucune étude ne détermine quelle est la part de la population la plus touchée. Cependant, il est logique que cela ne concerne pas particulièrement les jeunes hommes de catégories défavorisées, dans le sens où leur rapport à la nourriture est plus précieux. Ces derniers profiteront plus du peu qu’il leur est possible d’avoir. Et c’est tout le paradoxe : qu’il y ait tout pour manger à sa faim, et pourtant qu’ils ne mangent pas.

Autre explication au fait que l’on ait pas de chiffre sur ces cas : le manque de suivis par le médecin.Très souvent, ces garçons n’osent pas demander d’aide. La maladie leur fait honte car ils la perçoivent comme une « maladie de fille ». Souvent, ils me font part de leur gène et aimeraient que la médecine trouve un autre nom afin de qualifier ce mal qui est différent de celui des jeunes femmes. Ils ne sont pas comme les filles. Non seulement il est difficile pour eux de consulter et donc de reconnaître la maladie, mais en plus c’est une maladie qui leur enlève un peu plus de virilité.

Le phénomène s’accroît. Avant les années 2000, il y avait environ un homme anorexique pour dix filles. Aujourd’hui le ratio est plus faible puisqu’il est de deux à trois hommes pour dix filles. L’une des explications est la place que prend l’esthétique masculin dans notre société notamment avec le phénomène des Dieux du stade, des hommes dénudés dont la plastique est irréprochable. Les anorexiques ont par exemple une obsession sur les abdominaux. D’ailleurs, on retrouve dans la presse masculine l’équivalent des « comment maigrir en dix recettes » avec les « comment sculpter ses abdos en dix leçons ». La femme veut être mince, l’homme musclé.

Quelles sont les causes de la maladie chez l’homme ?

La maladie prend ses racines dans des préoccupations corporelles. Etre plus performant dans les activités sportives, ressembler aux idéaux masculins actuels. Mais ces hommes, comme les femmes sur ce point, ont une mauvaise image d’eux-mêmes. Ils ont le sentiment que s’ils arrivent à améliorer leur corps, ils s’aimeront plus.

S’ils tombent dans la maigreur, c’est parce qu’ainsi, leurs muscles apparaissent plus sous leur peau. En consultation, ils ne disent pas vouloir perdre du poids. Mais leur corps ne doit en aucun cas laisser apparaître de la graisse.

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