Neige : pourquoi il ne serait pas rationnel pour la France d'avoir les mêmes moyens que le Québec ou la Norvège<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, les épisodes neigeux sont, comme leur nom l’indique, épisodiques.
En France, les épisodes neigeux sont, comme leur nom l’indique, épisodiques.
©Reuters

Blanc manteau

Cette année encore, la neige a paralysé une partie de nos infrastructures, ralentissant du même coup l'activité économique du pays. La France ne semble pourtant pas être décidée à s'attaquer à ce problème récurrent.

Sébastien Pinchon

Sébastien Pinchon

Sébastien Pinchon est responsable du département environnement et météorologie au sein de l'association Planète Sciences nationale. Planète Sciences est une association à but non lucratif qui se destine à la sensibilisation des jeunes aux questions scientifiques (environnementales,météorologiques, astronomiques,robotiques) via ses 1000 bénévoles et ses 80 permanents répartis en 11 délégations régionales. 

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Atlantico : Depuis quelques années, la France connaît d’importants épisodes neigeux qui paralysent à chaque fois une partie des infrastructures du pays. Comment expliquer que la France n’arrive pas réagir à cela quand certains pays d’Europe ne sont absolument plus gênés par le phénomène ? Manquons-nous d’une vision à long terme ?

Sébastien Pinchon : Malgré la latitude de la France, notre climat est ce que l’on appelle un climat océanique tempéré. Cela est dû à l’influence de ce courant chaud dont on entend beaucoup parler sans vraiment savoir de quoi il s’agit : le Gulf Stream. Ainsi, notre latitude et notre climat sont très différents des pays scandinaves qui, eux, ont une culture logistique de la neige et qui y sont beaucoup plus accoutumés. En France, les épisodes neigeux sont, comme leur nom l’indique, épisodiques et même s’ils sont réguliers ils ne s’abattent pas sur le pays pendant de très longues durées comme c’est le cas en Scandinavie. C’est ce constat qui pousse bien souvent les régions et les départements à ne pas s’équiper puisque le rapport entre le coût du matériel et la longueur des épisodes n’est pas intéressant et les DDE (Direction départementale de l’équipement, ndlr) sont sous-équipées face à des épisodes neigeux qui durent. Au-delà des achats d’équipements lourds, la logistique de lutte contre la neige passe également par le stockage du sel qui est assez complexe. Celui-ci nécessite en effet une conservation bien particulière à l’abri de l’humidité dans de grands silos et les stocks en sont donc structurellement limités alors que le traitement salin des routes de France implique des quantités énormes.

La France n’arrive-t-elle pas à s’avouer qu’elle est un pays neigeux et qu’elle doit agir en conséquence ?

Il est clair que depuis quelques années, notre pays connaît un épisode neigeux régulier qui dure en général entre deux à quatre semaines. Pour autant, il n’est pas possible sur le plan scientifique d’établir cela comme quelque chose de tendanciel en se basant simplement sur quelques années consécutives. En météorologie, l’établissement d’une véritable évolution climatique résulte d’un suivi sur une dizaine d’années voire plusieurs, parfois même un demi-siècle. Ce qui se passe en France n’est en réalité considéré que comme des aléas ou des événements météorologiques.

L’autre paradoxe dans l’idée qui consiste à dire que la France n’a pas toujours été un pays neigeux est que lorsque l’on parle avec nos aïeuls, ils nous peignent de manière constante l’image d’une France qui passait ses hivers sous la neige. Il est donc complexe de savoir si la France connaît une évolution ou s’il s’agit simplement d’une mémoire à court terme de nos concitoyens qui oublient les épisodes neigeux dès que le printemps revient et que l'on se remet à parler de réchauffement climatique. Rappelons aussi que l’hiver, malgré son aspect parfois douloureux, permet d’assurer le fonctionnement de mère nature et plus généralement de la saisonnalité.

Certaines théories attribuent d’ailleurs ces hivers rudes et neigeux au réchauffement climatique. Qu’en est-il vraiment ?

Plusieurs théories s’affrontent à propos de l’origine de ces hivers très froids. Il faut savoir que la France est à peu près sur la même latitude que le Québec qui comme chacun sait connait des hivers bien plus froids que les nôtres. Cette différence est due à deux phénomènes principaux, d’une part un régime des vents plus doux que celui de nos cousins francophones ainsi que le Gulf Stream que j’évoquais précédemment. Ainsi, certains modèles non vérifiés, ce que nous appelons des simulations, prennent en compte la modification de ce fameux courant à cause de l’augmentation dans les océans de la proportion d’eau douce provenant de la fonte des glaciers et donc de la modification de la salinité et des caractéristiques physiques des océans. Ces changements pourraient donc selon ces théories faire dévier ce courant chaud et ainsi augmenter l’ampleur climatique qui jusqu’à maintenant nous offraient des hivers plutôt cléments. Si cela devait continuer à changer, nous connaîtrions probablement des épisodes neigeux plus intenses et des températures plus basses.

Cette perception confuse qu’ont les Français de l’hiver est-elle due à un manque d’information sur les questions climatiques ?

Il existe effectivement une grande confusion dans l’esprit des gens qui est due aux différentes informations qui nous sont livrées de manière ponctuelles, évoquant tour à tour les hivers de plus en plus rudes et les étés de plus en plus chauds. Si ces derniers peuvent sembler logiques au milieu de l’usage permanent du concept du réchauffement climatique, les hivers froids sont difficiles à comprendre. Je ne parle même pas des histoires de moustique qui traversent la Méditerranée et qui transmettent le paludisme et la dengue en France. Toutes ces informations provoquent un gigantesque méli-mélo d’informations bien souvent incompréhensibles pour les Français qui ne savent plus quoi penser de l’environnement. C’est dans ce cadre que nous inscrivons notre travail associatif de sensibilisation notionnelle aux questions climatiques pour les enfants, les jeunes et les adultes. Nous essayons de les éduquer afin qu’ils ne soient pas des moutons et qu’ils puissent se faire leur propre idée des logiques environnementales et ainsi aborder l’arrivée des hivers très froid sereinement, en comprenant les tenants et les aboutissants de ce grand système de vases communicants planétaires qu’est la météorologie.  

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