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Doit-on davantage se préoccuper de la guerre qui se profile entre le Japon et la Chine que du conflit contre l’Aqmi ?
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Alors que le Japon et la Chine se sont engagés dans un bras de fer diplomatique au sujet des îles Senkaku, le nouveau Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a choisi la semaine dernière pour son premier voyage à l'étranger de se rendre en Asie du Sud-Est, un choix qui n'est pas anodin.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : Le climat semble se détériorer rapidement entre la République Populaire de Chine et le Japon. La semaine dernière, trois navires gouvernementaux chinois sont entrés dans les eaux territoriales japonaises de l'archipel des Senkaku, les îles revendiquées par les deux pays. Mercredi 16 janvier, le Premier ministre japonais Shinzo Abe s'est déplacé en Asie du Sud-Est, un soutien économique et politique d'importance dans ce conflit entamé en septembre dernier. Dans ce contexte, une guerre est-elle sur le point de se déclencher ? Pour quelles raisons sérieuses ?

Jean-Vincent Brisset : Dans un premier temps, il faut noter que, si Shinzo Abe a été investi, ce n'est pas encore le cas de Xi Jinping. Le président de la République Populaire de Chine et son Premier ministre sont encore Hu Jintao et Wen Jiabao. Le remplacement ne sera effectif que lors de la prochaine réunion plénière de l'Assemblée nationale populaire, qui aura lieu en mars prochain. A ce jour, il reste encore des arbitrages à rendre et des luttes internes, parfois féroces, pour les places de dirigeants. Ceci passe avant les problèmes internationaux, même s'il existe certainement à l'intérieur du Parti Communiste des factions nationalistes qui seraient ravies d'en découdre avec le Japon.  

L'attitude plutôt dure de Shinzo Abe envers la Chine a été notée, mais elle n'empêche pas un certain pragmatisme.De son côté, Xi Jinping aura de nombreux défis à relever quand il aura pris l'intégralité du pouvoir et il cherchera probablement à ne pas envenimer les relations. Les économies de la Chine Populaire et du Japon sont assez étroitement imbriquées et un conflit d'envergure serait coûteux pour les deux parties. De plus, malgré une évidente supériorité numérique, l'Armée Populaire de Libération est encore d'un niveau opérationnel qui ne lui garantirait pas la victoire en cas d'affrontement. Ceci d'autant plus que les accords de défense entre le Japon et les Etats-Unis sont tels qu'une intervention au moins indirecte de la première puissance mondiale ne serait pas à exclure.    

Quels en seraient les enjeux ? 

Qu'il s'agisse du conflit des Senkaku ou de celui de la Mer de Chine du Sud, on parle beaucoup de ressources en minéraux et en hydrocarbures qui existeraient dans les zones contestées. A ce jour, ces ressources ne sont pas réellement prouvées, et encore moins exploitées. Par contre, il existe de vraies ressources halieutiques, pour lesquelles les deux nations ont des appétits importants.  

Mais le principal enjeu est un enjeu de souveraineté. Depuis quelques années, la Chine s'est tournée vers le grand large et a fait des efforts considérables pour moderniser sa marine de guerre, à laquelle elle a adjoint d'importantes forces maritimes paramilitaires. Son ambition est de contrôler, à l'horizon 2050, l'ensemble de l'espace maritime de la Mer de Chine et du Pacifique Ouest. Les Senkaku et la mer de Chine du Sud ne sont que les premières marches de cette ambition. 

Quelles en seraient les conséquences sur la région et sur le reste du monde ?  

Un éventuel conflit aurait des conséquences dévastatrices s'il prenait de l'ampleur. Tout d'abord pour la Chine elle-même. Son modèle de développement, même s'il conduit à de brillants résultats, demeure très fragile. Un revers important pourrait remettre en cause toute la stabilité du pays. Dans la région, il concrétiserait les peurs que la Chine suscite déjà et accentuerait le sentiment de rejet. Il faut aussi se souvenir que 40% du trafic mondial de marchandises transitent dans la zone.  

Au niveau mondial, la Chine s'isolerait très rapidement des pays les plus avancés, dont elle est un créancier majeur. Or, elle en a un besoin crucial tant que sa richesse est essentiellement liée au fait qu'elle demeure l'usine du monde. De son côté, ce dernier a tout autant besoin de la Chine, qui est la seule à produire à des prix acceptables de nombreux biens d'équipement.  

Quel rôle joue l'Asie du Sud-Est dans ce conflit ? Ne peut-elle pas aider à le résoudre ? 

La politique du fait accompli pratiquée par Pékin en Mer de Chine du Sud a été accompagnée d'une utilisation subtile de ses alliés (Cambodge en particulier) au sein de l'ASEAN (Association des nations d'Asie du Sud-Est) pour y provoquer des divisions. Très paradoxalement, cette attitude rapproche nombre de pays de l'ASEAN, des Etats-Unis, et entre eux dans une réaction commune contre les visées de Pékin. Abe ne s'y est pas trompé, en consacrant son premier voyage comme Premier ministre à cette région. Pour ces pays, d'ailleurs, le contentieux des Senkaku est un problème beaucoup moins grave que celui de la Mer de Chine du Sud et ils ne comprennent pas que les médias occidentaux, et même les chancelleries, se laissent prendre au piège : "Faire du bruit à l'Est pour attaquer à l'Ouest". 

Paradoxalement encore, Taïwan, qui revendique aussi les Senkaku, a fait une proposition de médiation. Celle-ci n'est cependant pas acceptable pour Pékin, même si l'île peut servir afin d'organiser des rencontres plus discrètes. 

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