Intervention au Mali : sur quels soutiens la France peut-elle compter ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurent Fabius rencontre ce jeudi ses homologues européens pour les convaincre d'appuyer davantage les troupes françaises au Mali.
Laurent Fabius rencontre ce jeudi ses homologues européens pour les convaincre d'appuyer davantage les troupes françaises au Mali.
©Reuters

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Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, rencontre ce jeudi ses homologues européens pour les convaincre d'appuyer davantage les troupes françaises au Mali.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Laurent Fabius rencontre ce jeudi ses homologues européens pour convaincre l’UE d’appuyer davantage les troupes françaises au Mali. Comment expliquer l’actuelle solitude de la France sur le dossier malien ?

François Géré : Sur le principe du soutien, le consensus est sans faille. La France n’a fait qu’appliquer la résolution 2085 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais elle a du intervenir dans l’urgence créée par l’avancée des forces salafistes sur le sud du Mali menaçant la capitale et tous les ressortissants européens qui s’y trouvent. Nos troupes interviennent pour protéger tous ceux qui sont menacés à commencer par les citoyens maliens qui à Tombouctou subissent les persécutions des fanatiques. Si nous n’avions rien fait on aurait critiqué notre manque de résolution, notre impuissance coupable.

La France ne dispose pour l’instant que d’un appui logistique de la part des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et du Danemark. Un appui matériel et militaire sur le terrain est-il envisageable et quels pays seraient le plus susceptibles de le fournir ?

Maintenant, il importe de souder dans les faits l’Union européenne quand bien même ses moyens sont limités, quand bien même elle traverse une crise économique sans précédent. La France n’est pas seule, elle a anticipé et M. Fabius va demander l’accélération du soutien. Même si ce n’est pas encore à l’ordre du jour il faudra que l’OTAN s’engage. L’évolution rapide de la situation, les actions terroristes à travers l’ensemble du Maghreb et jusqu’en Somalie font comprendre qu’il y a urgence à agir avec la France. Tous les expatriés sont des otages en puissance.

Peut-on envisager concrètement que la France se retrouve comme le seul pays développé engagé sur le terrain ?

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne s’engagent en soutien. Est-ce suffisant ? Pas encore. On n’a pas pris la mesure complète de la gravité et de la complexité de la situation. Dans les jours qui viennent il faut s’attendre à un sursaut européen  et à une accélération de la coopération militaire. Mais cela ne suffit pas. Cette intervention est au bénéfice du Mali, au service de la liberté et de la souveraineté des Etats de la région menacés par la tentative des groupes islamistes pour prendre le pouvoir et faire reconnaître par la communauté internationale la légitimité d’un Etat soumis à la sharia.

En parallèle l’organisation d’une force combattante africaine de 3200 hommes, prévue pour la semaine prochaine, semble traîner en longueur. Y a-t-il un véritable consensus de la part des pays de la CEDEAO sur cette intervention ? Pourquoi ?

Il n’est donc pas question que la France, seule, porte le fardeau. C’est d’abord l’affaire des Maliens  qui auront à apaiser leurs divisions, à retrouver la voie de la démocratie. C’est aussi l’affaire des pays voisins et des Africains qui, dans une période de croissance économique, doivent faire la démonstration de leur capacité à coopérer et à se prendre en charge. La crise malienne constitue un test pour l’Afrique émergente. Le risque évidemment est de voir chacun des voisins du Mali  chercher à tirer la couverture à soi, à tirer parti de l’avenir incertain du pays en fonction de ses intérêts particuliers. Compte tenu de la relative faiblesse des autorités maliennes, ce risque est important et pèse lourdement sur la réussite ou l’échec de l’intervention française. Bref nous ne pouvons aider ceux qui ne seraient pas disposés à s’entre aider. 3200 hommes ou même plus ne signifie rien s’ils ne sont pas réellement opérationnels, s’ils ne sont pas employés dans une stratégie précise qui vise à détruire les forces adverses mobiles,  réactives, bien armées  et militairement compétentes. Le problème est donc à la fois politique et militaire.

Derrière cet épisode se dessine l’impression que la France n’a plus la même force d’entraînement qu’auparavant sur la scène internationale. S’agit-il d’un réajustement logique lié à son statut de puissance moyenne ou d’une réelle perte de ses prérogatives diplomatiques?

Il est étrange que l’on s’interroge sur la capacité d’entrainement de la France. Hier, au Tchad, en Centre Afrique on critiquait ses interventions brutales synonymes de néo-colonialisme. Aujourd’hui quand elle intervient avec modération en prenant soin d’une légitimité fournie à grand peine par le Conseil de Sécurité des  Nations-Unies, on lui fait reproche de son affaiblissement. Il convient d’admettre que l’Afrique est soumise à des forces perturbatrices nouvelles (le salafisme violent, conquérant) qui cherchent à s’imposer sur la scène internationale. Par ailleurs la France agit aujourd’hui, autant que faire se peut au sein de l’UE, avec ses alliés. Elle a mené des opérations dans divers Etats africains parce qu’elle est, avec les Britanniques, le seul pays qui dispose des capacités techniques de conduite des opérations.

Dans l’état actuel des choses les intérêts particuliers de la France sont devenus indissociables de ceux des autres pays occidentaux et même de ces pays émergents qui comme la Chine, la Turquie et d’autres prennent pied sur l’immense Afrique.

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