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Il se pourrait que la population de la France dépasse celle de l'Allemagne d'ici 2050, selon l'INED.
Il se pourrait que la population de la France dépasse celle de l'Allemagne d'ici 2050, selon l'INED.
©Reuters

Faites des enfants !

La population française pourrait dépasser celle de l'Allemagne dans les prochaines décennies. Mais les questions de formation et d'emploi sont essentielles pour que notre pays pèse dans la balance économique mondiale.

Catherine  Rollet

Catherine Rollet

Catherine Rollet est professeure émérite à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle a enseigné la démographie et est membre du comité de rédaction des Annales de démographie historique. Elle a notamment publié La population du monde. 6 milliards… et demain ? (Larousse, 2004)

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Atlantico : Selon les chiffres publiés par l'INSEE aujourd'hui, dans son bilan démographique 2012, la population française progresse "plus modérément ". Chiffrée à 0,47 %, soit 300.000 personnes de plus qu'en 2011, la hausse qui ressort des douze mois écoulés "est la plus faible des dix dernières années". Notre État providence pourrait-il subsister si nous avions une démographie différente ? Nous rapporte-t-elle plus qu'elle nous coûte ?  

Catherine Rollet : L’État providence n'a aucun rapport avec la taille de la population d'un pays. Cependant, la dynamique de la population entre en compte. Avec moins d'immigrants, notre population active serait moins nombreuse. Avec moins de naissances, nous aurions des perspectives de population active plus faibles.

L'immigration, la natalité sont des facteurs de progression dans le futur de la population active. Mais ce n'est pas le seul critère à prendre en compte. Si cette population immigrée et ces nouveaux nés n'ont pas d'emploi, cette dynamique démographique ne sert à rien. La démographie ne peut pas à elle seule expliquer toute la dynamique future de la société française. La capacité des États à mobiliser des ressources pour créer des emplois sur le sol national,  exporter,… entre en compte, il ne faut pas l'oublier. La démographie ne peut pas tout faire, et tout expliquer.  

La France ne fait pas suffisamment d'efforts. Le coût de l'éducation des jeunes enfants et celui du vieillissement de la population (hébergement des personnes âgées, prise en charge des problèmes de santé) doit être compensé. Si on veut équilibrer les choses, on a besoin d'un apport de population jeune qui puisse ultérieurement prendre en charge le vieillissement de la population. C'est tout l'enjeu du vieillissement. L'espérance de vie progresse, mais les moyens financiers pour compenser ce phénomène se trouvent auprès des jeunes et des enfants.

Deux enfants par femme permettent le renouvellement des générations. On peut donc dire que la France est à l'équilibre, et il est envisageable qu'on aura plus tard une population active pas trop faible pour pouvoir prendre en charge les personnes âgées.

L'augmentation de la population peut-elle permettre de repeupler et dynamiser certaines zones dépeuplées ? 

Il y a évidemment des perspectives de dispersion de la population, et de repeuplement de certaines zones un peu désertées, grâce à des formes d'emploi qui sont notamment accessibles grâce à l'Internet. 

Mais cela va-t-il compenser l'exode rural qui ne cesse de s'amplifier ? On observe plutôt qu'autour d'agglomérations grandes ou moyennes se forment des zones suburbaines, ou semi-rurales. Mais repeupler le grand Limousin, l'Ardèche, ou certaines régions de Vendée est un peu utopique compte-tenu de la situation actuelle.

Il se pourrait que la population de la France dépasse celle de l'Allemagne d'ici 2050, selon l'INED. En quoi cela pourrait-il être un avantage, notamment par rapport aux pays dont le taux de natalité décline ? 

L’Allemagne, par exemple, est engagée depuis avant la réunification dans une baisse de sa natalité. Mais c'est aussi le cas de l'Italie, de l'Espagne, et d'autres pays d'Europe centrale et méridionale. Une population plus forte peut changer à la limite la position de la France. Dans notre société, le nombre n'est pas déterminant. Une population plus grande de 1, 5 ou encore 10 millions plus tard ne fera pas une grande différence. La France et l'Allemagne doivent faire face à des géants comme l'Inde ou la Chine. Les Pays-Bas par exemple sont plus petits, mais jouent un rôle important. Si l'Allemagne fait venir beaucoup d'immigrants, elle peut compenser son handicap de la natalité. La France est un des seuls pays d'Europe à avoir limité l'apport de l'immigration par rapport à la natalité.

Les autres pays d'Europe, pour compenser leur déséquilibre démographique ont beaucoup fait appel à l'immigration, comme la Suisse et le Luxembourg.

Une population conséquente peut être un atout, mais il faut garder à l'esprit que ce qui est valorisé aujourd'hui est l'aspect créativité, efficacité, compétitivité, et le brainstorming. Les Allemands sont sur ce plan très forts. Toutes les études des sociologues tendent à montrer que le vieillissement d'aujourd'hui n'est pas le même qu'hier car les générations qui vont composer les seniors d'aujourd'hui et de demain sont fortement éduquées et vont continuer à avoir un dynamisme important.

Avons-nous tendance à nous réfugier derrière notre bon taux de natalité pour repousser les réformes économiques nécessaires ?

La France doit se poser la question : comment offrir du travail, élargir l'accès à l'emploi à une population active capable de travailler ?  La France doit trouver des moyens d'offrir du travail aux jeunes à partir de 18-20 ans et aux seniors à partir de 50 ans. Ce qui est absolument effarant, c'est de voir  qu'à partir de 50 ans le taux d'activité chute de façon vertigineuse par rapport aux autres pays. C'est cela le défi.

Il est vrai que rendre accessible la retraite à 60 ans est un droit et non une obligation. Mais si les gens partent à la retraite aussi tôt c'est parce qu'on les vire. Le grand déséquilibre est l'étroitesse de la population active. En France, les gens sont actifs de 30 à 45-50 ans, c'est beaucoup trop peu. Ce créneau devrait s'étendre de 20 à 60 ans. On souffre beaucoup de cela en France, les pouvoirs publics et les entreprises privées ont mis en place pendant des années des politiques négatives en mettant des gens dehors et en n'embauchant pas de jeunes. En cela, le contrat de génération est une bonne chose.

Mettons-nous suffisamment à profit notre potentiel démographique ?

On a une progression lente et certaine, mais attention on n'est pas dans un boom, comme celui d'après-guerre. Cette progression est due à notre taux de natalité plus élevé que notre taux de mortalité, en plus d'un petit bilan migratoire positif. Cela nous donne une croissance. L’Allemagne, elle, du fait et de ses migrations et surtout de sa natalité, a une population légèrement décroissante.

Mais encore une fois, le nombre importe moins que la qualité. Le niveau de formation, d'éducation, de qualité de diplômes, l'absence de rupture dans la formation, les qualifications,… Tout cela participe à la compétitivité, et la France doit être compétitive sur tous ces plans.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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