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Ce que la décision de François Hollande d'ouvrir maintenant un front sur le non-cumul des mandats révèle de son état d'esprit
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Dans sa tête

Le projet de loi sur le non-cumul des mandats pourrait être présenté en Conseil des ministres au début du mois de mars. François Hollande devrait préciser le calendrier ce mercredi lors de ses vœux aux parlementaires.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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A l’occasion du traditionnel échange de vœux avec les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, François Hollande va confirmer la mise en œuvre d’une réforme que certains espéraient renvoyée "à plus tard", à savoir la fin du cumul des mandats. Il va en effet demander solennellement au Premier ministre de préparer un projet de loi pour mettre fin à cette exception française qui consiste à pouvoir cumuler un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local.

François Hollande a-t-il décidé de la faire sienne une méthode a été appliquée avec plus ou moins de bonheur en d’autres temps par Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin : "l’action dans le mouvement", qui consiste à ne jamais attendre qu’un dossier soit bouclé pour en ouvrir un autre ? Pour ne pas laisser planer une impression d’immobilisme ou d’attentisme, pour ne laisser aucun répit à ses contempteurs et aussi pour faire passer d’autres polémiques au second plan. Le débat sur le "mariage pour tous" promet  justement de prendre mauvaise tournure à l’Assemblée où la droite a décidé de harceler le gouvernement pour obtenir un référendum sur ce sujet, ce que l’exécutif exclut, bien sûr.

En mettant la réforme du non-cumul des mandats sur les rails, François Hollande ne fait qu’appliquer un engagement de campagne qui reprenait une disposition du programme socialiste, engagement qui avait aussi été fortement préconisé par la commission Jospin chargée de réfléchir sur la rénovation de la vie politique. Mais cette réforme n’est pas sans risque pour le chef de l’Etat car elle est loin de faire l’unanimité au sein de la gauche, surtout au Sénat où le sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen a pris la tête de la fronde. Il aurait l’appui de près de 80 sénateurs socialistes, sans compter celui des Radicaux de gauche, moins nombreux, mais tout aussi déterminés à défendre leur ancrage local.

Concrètement la réforme marquerait la fin du député et du sénateur-maire, ainsi que du parlementaire président de Conseil général ou président de Conseil régional, ces derniers devant se contenter à l’avenir d’un mandat local non exécutif (conseiller municipal, général ou régional). Un rapport du Sénat de février dernier sur le cumul des mandats, indiquait que 83% des députés et 78% de sénateurs exercent un autre mandat électif. A l’Assemblée la majorité du groupe socialiste est favorable à la réforme et d’ailleurs plusieurs députés se sont déjà mis en conformité avec l’engagement de leur parti et se sont démis de leur mandat exécutif local. Pour le moment les adversaires de la réforme se montrent discrets, mais pas moins déterminés en privé. Au Sénat les Verts apportent leur soutien sans faille à ce projet qui divise également la droite. A l’Assemblée, Noël  Mamère est le seul à cumuler un mandat de maire (Bègles), avec celui de parlementaire de la Gironde.

Aujourd’hui François Hollande a décidé de passer outre et ne craint pas d’ouvrir un front avec une partie de sa majorité. Il peut arguer qu’il respecte le calendrier annoncé, d’autant que le non-cumul est populaire, et plébiscité dans les sondages. C’est exact, mais il veut aussi conforter l’image du Président déterminé, qui sait ce qu’il veut et où il va, et gommer l’image d’un homme hésitant, voulant rester en retrait, qu’il a donnée au début de son mandat. La détermination dont  François Hollande fait preuve dans le conflit malien y contribue. La signature de l’accord entre les partenaires sociaux ouvrant la voie à une flexisécurité à la française conforte la méthode de la négociation qu’il préconise. Elle n’est pas encore concrétisée et on verra sous peu s’il s’agit d’une véritable révolution ou d’une simple "séquence" comme le prétendent certains élus de l’opposition. Pour l’heure elle apparait  comme un succès à porter au crédit du chef de l’Etat.

La réforme du cumul des mandats sera, elle, compliquée à mettre en œuvre. Elle pose de multiples problèmes constitutionnels et va faire le régal des docteurs en la matière. Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone a déjà créé un groupe de travail sur la modernisation des institutions. La première question qu’elle va poser lors de son adoption, est la date de sa mise en application : immédiate ou en 2017, au moment du renouvellement  de l’Assemblée ? En cas d’application immédiate, qu’adviendra-t-il si un député préfère son mandat local à celui de parlementaire ? Est-ce son suppléant qui va siéger automatiquement ? "Si ce n’est pas le cas, cela équivaudrait à faire une dissolution", redoute-t-on dans l’entourage du président de l’Assemblée. Par ailleurs, l’Assemblée peut-elle avoir le dernier mot pour des dispositions concernant le Sénat ? Les questions sont multiples. Un député qui s’est démis de son mandat de maire pour conserver son mandat parlementaire, raconte avec un  brin de dépit amusé qu’il s’attendait à un déluge de protestations de la part de ses concitoyens et qu’il n’en a rien été. Au PS cela a valeur d’avertissement pour les adversaires de la réforme. En tous cas François Hollande semble décidé à jouer l’opinion contre "ses" barons. Ce qui fait dire à un responsable socialiste que "le quinquennat commence maintenant ".

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