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Faut-il taxer les délinquants pour aider les victimes ?
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Qu'ils mettent la main à la poche !

Un projet de création d'une "contribution victime" est actuellement en discussion. Elle pourrait aider au financement des associations d'aides au victime mais les condamnés pourront-ils s'en acquitter ?

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : Un projet de création d'une "contribution victime", basée sur la proposition d'une députée socialiste Nathalie Nieson (voir ici), est actuellement en réflexion au ministère de la Justice. Cette taxe, qui existe déjà au Canada, a pour objectif le financement des associations d'aide aux victimes, et le fonds d'aide aux victimes. L'institut pour la Justice dont vous faites partie soutient cette initiative. Qu'en attendez-vous ?

Alexandre Giuglaris : Nous espérons que cela aboutira rapidement et qu’il ne s’agit pas d’un simple effet d’annonce médiatique. C’est une idée de bon sens, inspirée du dispositif canadien de la « sur-amende compensatoire ».

C’est, par ailleurs, une idée qui fait consensus et dépasse les clivages politiques. Cela avait d’ailleurs déjà été proposé sous la précédente législature par des députés UMP comme Jean-Paul Garraud ou PS comme Martine Carrillon-Couvreur. Cette dernière proposition de loi ayant été soutenue par Mme Taubira et M. Ayrault, nous attendons donc qu’ils soient cohérents et que ce dispositif aboutisse rapidement.

Cela permettra d’assurer le financement des associations d’aide aux victimes qui en ont besoin et qui accomplissent un travail indispensable de soutien et d’accompagnement des victimes qui sont trop souvent oubliées ou écartées de la chaîne pénale.

Comment se concrétiserait-elle ? Le montant serait-il basé sur l'acte de délinquance, ou en fonction du préjudice subi par la victime ?

D’après les informations que nous avons, « cette contribution victime » fonctionnerait comme une taxe supplémentaire de 1% sur toutes les amendes payées par les personnes déjà condamnées à une amende pénale. Elle pourrait concerner l'ensemble des crimes et délits (y compris les délits routiers) condamnés qui comprennent une amende pénale. Mais il ne s'agit que d'un projet, on peut chercher à élargir ce dernier en créant des amendes automatiques et proportionnelles accompagnant toute condamnation pour délit (même pour les rappels à la loi, les sursis...).

Mais tout cela est encore en débat. Nous espérons que Mme Nieson pourra aller au bout de cette logique. Le Canada est un pays en pointe dans l’aide et l’accompagnement aux victimes. Les montants sont beaucoup plus élevés là-bas, l’amende minimale tournant autour de 40 euros. Il y a donc des marges de progrès.

Comment s'assurer que les condamnés pourront réellement s'en acquitter ?

C’est effectivement un enjeu important puisque selon les statistiques du ministère de la Justice, le taux de recouvrement des amendes en 2011 était légèrement supérieur à 80% (chiffre global sur les amendes prononcées) ce qui est encore insuffisant.

Christiane Taubira a évoqué récemment la création d’un Conseil de l’exécution des peines. Cette instance pourrait s’intéresser à cette question. C’est un vrai sujet car, là encore, imaginer des peines sans se donner les moyens de les faire exécuter, c’est la garantie de laisser l’impunité se développer.

On évoque l'effet pédagogique de cette taxe : est-ce réaliste ?

Il ne faut pas tout attendre d’une mesure comme celle-ci. Il existe bien d’autres priorités comme la construction de places de prison pour permettre l’exécution de toutes les peines prononcées.

Néanmoins, cette taxe pourrait renforcer, selon la manière dont elle est construite, la prise de conscience de son acte par la personne condamnée. Aujourd’hui, seul l’argent public finance le réseau d’aide aux victimes et les condamnés n’y participent pas.

Mais mieux encore, tout ou partie de cette taxe pourrait être dirigée vers les fonds d’aide aux victimes. L’effet pédagogique et de réparation de la faute serait bien plus fort avec une taxe proportionnelle et individualisée selon les actes commis et directement versée à des fonds d’aide aux victimes. Je le répète, mais il est indispensable de créer un système d'amendes automatiques et proportionnelles accompagnant toute condamnation pour délit.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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