Pourquoi le passage de 3 à 9% de la part des dividendes dans la valeur ajoutée n’est pas le reflet de l’atroce cupidité des capitalistes<!-- --> | Atlantico.fr
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Sur le plateau de "Mots Croisés", Jean-Luc Mélenchon s'était désolé du fait que la part des dividendes dans la valeur ajoutée soit passée de 3 à 9 %
Sur le plateau de "Mots Croisés", Jean-Luc Mélenchon s'était désolé du fait que la part des dividendes dans la valeur ajoutée soit passée de 3 à 9 %
©Reuters

Sorry Jean-Luc

La part des dividendes a triplé en trente ans et les entreprises françaises deviennent, elles, de plus en plus dépendantes des marchés financiers. Faut-il s'en inquiéter ? Jean Luc Mélenchon s'en désole face à notre ministre du budget plutôt satisfait de la situation.

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad est président de la commission financement des entreprises de la CGPME. Il est également président du think-tank Etienne Marcel et assureur.

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De 1983 à 2009, la part des dividendes dans la valeur ajoutée est passée de 3,5% à 8%. Comment expliquer cette évolution ?

Bernard Cohen-Hadad : C’est un sujet complexe à la fois éminemment technique, politique et économique. Technique parce qu’il touche aux fondements même de "la rémunération" des actionnaires et des investisseurs dans les entreprises, quelles que soient leur taille, dans le cadre des économies de marchés. Il ne faut pas mélanger ce qui se passe dans les grands groupes internationaux, les ETI et dans les PME. Politique car en braquant ainsi le projecteur sur des chiffres lapidaires, sans les mettre dans leur contexte global, on veut faire passer le message simpliste que supprimer les dividendes permettrait de redistribuer des sommes phénoménales pour augmenter, de facto, le pouvoir d’achat en faveur des salariés. Economique, car il sous-entend que les actionnaires et les investisseurs ne jouent pas le jeu de l’entreprise et ne sont pas engagés de manière sociétale. Ils utilisent "l’outil de travail", priorisent leurs revenus propres avant l’intérêt de l’entreprise, son développement et la valorisation du travail.

Dans ces conditions, seul l’Etat, à travers les nationalisations, pourrait être l’arbitre et le garant d’une meilleure redistribution en faveur des salariés. Il faut arrêter de passer, en 2013, les entreprises et leurs actionnaires au grill à moins de ne vouloir trouver qu’un désert de cendres industrielles ! Les entreprises ont vécu et vivent encore des moments difficiles. Face aux difficultés d’accès aux financements bancaires et au renforcement des règles prudentielles, elles ont dû pour se stabiliser, se développer et sauvegarder l’emploi, faire appels aux investisseurs et aux marchés. Tout cela a un prix et tout cela a un coût. Arrêtons donc cette myopie idéologique. Quand aux dividendes, ils sont naturellement une partie de la rémunération du capital investi. On a trop tendance à oublier que dans beaucoup d’entreprises les dividendes sont rarement totalement distribués. A cette occasion, le pouvoir d’achat des salariés de ces entreprises a-t-il baissé ? Non. Rappelons qu’en France moins de 17 % des PME distribuent des dividendes. Enfin, on peut se demander si pointer du doigt la part des dividendes sans prendre en considération, les frais financiers ne relève pas du procès d’intention. 

Alors que les banques prêtent de moins en moins, les entreprises françaises sont-elles plus réticentes que leurs homologues étrangères (notamment anglo-saxonne) à se financer sur les marchés financiers ? Comment expliquer ce paradoxe ?

Nous sommes dans une économie de plus en plus mondialisée et si les discours de préaux peuvent faire rêver, ils n’apportent que peu de vraies solutions. Ils n’inverseront pas cette interdépendance des économies et donc des moyens de financement qui ne peut que s’amplifier. Il convient donc de ne pas fragiliser nos banques face à la concurrence financière internationale et particulièrement anglo-saxonne en leur imposant des contraintes prudentielles que nous serions les seuls, en France et en Europe, à appliquer  rigoureusement. Et ne craignons pas d’encourager les établissements financiers à se diversifier pour être l’appui de nouveaux modes de financements alternatifs face au système de financement classique.

Pour l’instant, le système bancaire reste pour beaucoup d’entrepreneurs la voie première pour le financement de leurs activités, leur développement, l’exportation ou la reprise d’entreprises. C’est le cas pour les TPE et les PME.  Rappelons que 62 %  des entreprises de moins de 2.5 millions d’euros de chiffres d’affaires hors taxe n’ont qu’un seul partenaire financier qui est une banque. Cela doit changer dans l’intérêt des entreprises et des banquiers. Les grandes entreprises n’ont pas  cette appréhension, ni ce complexe pour se financer sur les marchés. Elles savent trouver rapidement des capitaux et des investisseurs. Et cela aux meilleurs taux. Mais pour la majorité des autres, c’est un problème de culture d’entreprise, de culture d’entrepreneurs et de dirigeants.

C’est aussi un problème de culture des banquiers. Leur métier a changé ! L’expérience de la crise depuis 2009 a été une prise de conscience. Aujourd’hui les entrepreneurs comme les banquiers se tournent progressivement vers le capital investissement ou l’accès aux marchés financiers pour accompagner de manière complémentaire les activités des entreprises. Encore faut-il que la confiance soit restaurée et que les conditions économiques permettent le mouvement et non "la bunkerisation". Ce grand mouvement prendra du temps. C’est néanmoins une condition d’existence pour les entreprises les plus dynamiques.

Faut-il s'inquiéter de cette nouvelle dépendance des entreprises - issues de l'économie réelle - aux marchés financiers ?

Il convient d’apprivoiser ces mécanismes nouveaux, accepter les changements inéluctables et se donner les moyens institutionnels de mettre en place de nouveaux outils performants et rapides de financement des entreprises. C’est en quelque sorte une exigence si l’on veut rester dans le peloton de tête des économies mondiales. Faire grandir nos entreprises, leur donner une autre dimension, de nouvelles capacités et d’autres moyens. Avec notre particularité, notre vision du monde de l’entreprise et de ces choix sociétaux, certes. Mais ce n’est pas en jouant les autruches que l’on fait disparaître une réalité. Une des façons d’aider les entreprises à se développer, face à la concurrence, créer durablement de la richesse et donc de l’emploi est de favoriser un accès au marché financier protégé. D’autres pays et d’autres économies nous ont montré la voie. En France, un certain nombre d’évolutions sont en cours pour favoriser l’accès des entreprises et particulièrement les PME-ETI aux marchés financiers.

C’était nécessaire. Reconnaissons que, jusqu’à présent, nos outils n’étaient ni confortables ni attractifs pour ces structures moyennes et cela malgré une volonté politique affirmée en 2007 puis réaffirmée en 2009. Acceptons aussi de laisser au placard les idéologies qui font croire que les marchés financiers sont des vampires ! Il faut faire preuve de pédagogie. Jouer sur cette peur infondée des mécanismes que connaissent peu la majorité des Français n’apporte rien. Aidons plutôt les entrepreneurs à maitriser toute la chaine du financement pour renforcer leurs entreprises. En effet pourquoi se résigner à faire tapisserie ? Nos entreprises peuvent redevenir compétitives à condition de trouver les moyens économiques et faire aussi bien que le Royaume-Uni ou l’Allemagne. On en parle depuis des années. Faisons-le.

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