Le Louvre prend ses quartiers à Abu Dhabi : l’exportation des œuvres d’art un processus pas si hérétique que ça<!-- --> | Atlantico.fr
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Le musée du Louvre n’a jamais caché son ambition de sillonner le monde, une partie de sa collection sous le bras.
Le musée du Louvre n’a jamais caché son ambition de sillonner le monde, une partie de sa collection sous le bras.
©Flickr/edwin.11

Art nomade

Changement de décor pour les œuvres du Louvre : certaines iront séjourner dans deux ans dans une nouvelle aile du musée construite à... Abu Dhabi. 64 000 mètres carrés de locaux pour en faire le premier musée universel du Moyen-Orient et une passerelle pour le rayonnement de la culture française.

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara est ancien correspondant du Quai d'Orsay en Tunisie puis en Macédoine.

Depuis 2001, il est consultant en géopolitique pour plusieurs entreprises internationales. Vivant à Londres, il voyage beaucoup, notamment dans l'ex-bloc soviétique, en Afrique et en Asie.

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Lorsqu’on pense au rayonnement contemporain de la culture française par delà les frontières, nous viennent à l’esprit des noms de groupes célèbres, de couturiers non moins illustres, d’artistes, d’acteurs ou de réalisateurs ayant réussit à percer outre-Atlantique. On pourra ainsi citer, pêle-mêle, Daft Punk, Phoenix, Luc Besson, Michel Gondry, Jean Nouvel, Daniel Buren, Marion Cotillard, Jean Dujardin ou encore Jean-Paul Gaultier, entre autres célébrités disponibles à l’export. On pense moins à la circulation d’institutions, d’entités culturelles, et par leur biais d’œuvres d’art. A tort. En effet, non contente de compter pléthore d’artistes de dimension internationale, la France recense aussi nombre d’œuvres plastiques remarquables : tableaux, sculptures, etc… Des créations de plus en plus souvent amenées à voyager, au même titre que les structures dans lesquelles elles s’insèrent.

Emblématique de ce mouvement de libre circulation des biens culturels, le musée du Louvre n’a jamais caché son ambition de sillonner le monde, une partie de sa collection sous le bras. Le célèbre musée a ainsi, à de nombreuses reprises, posé ses bagages dans des régions du globe dévastées par des catastrophes naturelles. Haïti, la Louisiane ou plus récemment Fukushima, au Japon, ont pu profiter d’un nombre restreint de tableaux de maîtres  à l’instar des « Trois Grâces supportant l’Amour » de François Boucher ou du « Portrait de trois hommes » de François-André Vincent. Une initiative visant à redonner un semblant d’espoir, par l’admiration de chefs-d’œuvre, à une population passablement anéantie par la fatalité. On pourra trouver cela futile, dérisoire et pour tout dire assez vain, de lutter contre des drames humains à grand renfort d’huiles sur toiles, il n’empêche, si le diable se trouve dans les détails, pourquoi n’en irait-il pas de même de l’espoir ?

Mais le Louvre ne se fait pas itinérant qu’en cas de catastrophe. Ila ainsi pour ambition d’installer une de ses ailes à Abou Dhabi ; un projet déjà en chantier, dont l’achèvement est prévu à l’horizon 2015. Le concepteur de ce colosse du désert n’est autre que Jean Nouvel, architecte superstar à l’origine d’une poignée de bâtiments futuristes égrenés aux quatre coins du globe. Si l’ouverture de ce Louvre Abou Dhabi a été largement décriée par une partie de l’opinion française, au motif qu’elle participait d’une logique de pillage du patrimoine hexagonal, elle n’en demeure pas moins, une fois la première vague de réactions d’orgueil et de chauvinisme passée, captivante. Pour de nombreuses raisons.

On ne compte plus le nombre de théoriciens de l’art qui ont avancé, à juste titre, que le public façonnait l’œuvre autant que l’artiste. Davantage qu’un simple prolongement de l’acte créatif (comme c’est souvent le cas dans l’art contemporain, où des installations ne prennent sens que dans la mesure où elles sont « complétées » par la présence de visiteurs), le public constitue en effet un médium, filtre par lequel l’œuvre sera traitée et dévoilée sous un nouveau jour. Autrement dit, l’œuvre se renouvelle à chaque fois qu’un regard neuf se pose sur elle, ce qui ne manquera pas d’être le cas à Abu Dhabi, émirat diamétralement opposé à la France sur le plan culturel. En ce sens, cette initiative doit être perçue comme une possibilité d’enrichissement importante, à même de diffuser une lumière inédite sur des tableaux dont on croyait les interprétations épuisées.

Par ailleurs, si l’on se départi un tant soi peu de notre nombrilisme, comment ne pas percevoir l’implantation d’une succursale du Louvre à Abu Dhabi comme une formidable opportunité d’édification pour la population locale ? On reproche souvent au pays pétroliers de se complaire dans une certaine forme de superficialité, déserts où surnagent des oasis de béton qui sont autant de supermarchés géants. Ce serait quand-même un comble de leur reprocher à présent de faire un pas dans le sens de la culture. A ce titre Patrice Brunet, General Manager chez Swan Operations à Abu Dhabi, envisage cette implantation comme une volonté de la ville de se positionner en tant que nouvel axe culturel où se confrontent, se métissent et même fusionnent deux visions du monde, celle de l’Orient et de l’Occident. Un carrefour des civilisations, des langues et des arts, en somme. Difficile de ne pas y voir un souffle nouveau, bénéfique à tout point de vue.

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