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Le CRAN poursuit l'Etat pour crime contre l'humanité : comment expliquer l'enfermement des associations antiracistes dans des stratégies contre-productives ?
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Coup d'épée dans l'eau

Le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) assigne l'Etat français en justice pour "crime contre l'humanité", partant du principe qu'il est responsable de la traite négrière au XVIIIe siècle.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Atlantico : L'action menée par le CRAN, visant à honorer la mémoire des descendants d'esclaves, ne va-t-elle pas davantage cristalliser l'opinion au lieu de la sensibiliser ?

Paul-François Paoli : Si cette organisation avait voulu démontrer que l'idéologie va très souvent à l'encontre du sens commun, comme l'a démontré Hanna Arendt, elle ne s'y serait pas prise autrement. Comment voulez-vous que les Français contemporains se sentent responsables d'un crime contre l'humanité - car de fait l'esclavage en est un - qui s'est produit à une époque révolue ? L'Etat est un ensemble d'institutions ; ce n'est pas un principe détaché de l'histoire et intemporel que l'on peut attaquer en justice pour des actes commis il y a trois siècles. Non seulement cette démarche est absurde mais en plus elle tombe très mal. Les Français qui voient leur pays s'enfoncer dans la crise ont d'autres chats à fouetter.  

Je pense qu’ils ne se cristalliseront même pas sur cette action médiatique, l’ambiance générale étant plutôt à l’indifférence devant un tel corporatisme. Les dirigeants d’association antiracistes rencontrent du reste très peu d’écho dans l’opinion malgré un fort relais médiatique, ces derniers n’ayant ni légitimité démocratique (ils ne sont pas élus), ni de message particulièrement consensuel à porter.

Quand on compare cette situation à celle de SOS Racisme dans les années 1980, on se rend compte qu’il y a eu une véritable perte de popularité pour la cause antiraciste en général, les associations concernées ayant peu à peu abandonné leur message multi culturaliste et universaliste pour tomber dans un clientélisme très politisé. On le voit à travers les revendications du CRAN aujourd’hui, où encore à travers celle de la LICRA qui n’est plus tant un organe de lutte contre l’antisémitisme qu’une officine de promotion de la politique israélienne. Chacun se retrouve ainsi aujourd’hui à défendre son pré carré alors que la lutte antiraciste se veut à la base une idéologie qui parle à tous et qui défend en premier lieu la dignité humaine de manière générale.

Au-delà du rabattage médiatique peut-on dire que cette action sera concrètement bénéfique au débat public ? Y-a-t-il encore aujourd'hui de vrais discours discriminatoires en France contre lesquels il faudrait lutter ?

Nous seulement il n'y a pas de discours discriminatoire en France mais nous sommes saturés par un discours anti raciste qui, ainsi que je l'ai montré dans mon essai Pour en finir avec l'Antiracisme idéologique (François Bourin, 2012), fonctionne comme une menace pour tout un chacun et est donc potentiellement liberticide. Ce discours semble procéder d'une sorte de lobbying pseudo communautaire lequel n'est certainement pas représentatif sur un plan démocratique.

Leurs instigateurs apparaissent comme des copieurs du politiquement correct américain qui a promu une discrimination positive dont les Français, à juste titre, ne veulent pas car il va à l'encontre de l'idée de mérite et d'effort. Il ne s'agit pas de se braquer sur un républicanisme dogmatique mais s'il y  a quelque chose de valable dans l'idée républicaine c'est bien l'idée de mérite et donc d'examen, le même pour tous, aussi bien à l'école qu'à l'université. Pourquoi les jeunes Chinois qui ne sont pas francophones réussissent-t-ils, ou les jeunes Vietnamiens ? (Voir à ce sujet le livre de Hughes Lagrange, Déni de culture, aux éditions Seuil NDLR).

Les responsables de l'association estiment qu'une assignation de l'Etat français en réparation est nécessaire par devoir moral envers "les populations qui subissent encore aujourd'hui les conséquences issues de cette histoire". Peut-on dire pourtant que la société française a hérité d'un véritable traumatisme lié à l'esclavage ?

Quelle réparation? Quel manque de fierté ! La réparation collective cela ne peut par définition pas exister. Est-ce que vous voyez les Vendéens contemporains dont plus de 170 000, selon l'historien Jean-Clément Martin, ont été massacrés durant la très courte guerre de Vendée, demander des réparations pour le traumatisme vécu par leurs aïeux? Les descendants de victimes lointaines n'ont aucun droit à des réparations pour des torts qu'ils n'ont pas subi eux même, cette logique fonctionnant tout autant pour les descendants des auteurs d’exactions. La notion de traumatisme historique est d'ailleurs difficilement saisissable lorsque l’on prend un peu de recul. Les enfants vietnamiens et cambodgiens dont les parents ont fui des régimes qui les persécutaient se sont-ils plaints de leurs traumas? Que l'on sache, on n'entend guère parler d'eux et ils ne demandent aucune discrimination positive.

Il n'y a pas de réelle question noire en France (contrairement aux Etats-Unis NDLR). Il y a donc un double malaise : celui de ces français de souche, y compris antillais, qui ont l'impression que l'immigration africaine est devenue irrésistible dans certaines villes comme Paris et celui de certains noirs, français ou non, d'origine africaine ou antillaise, qui quoiqu'on dise ou quoiqu'on fasse ont l'impression d'être rejetés. 

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