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Où le gouvernement va-t-il bien pouvoir trouver les milliards qui se sont envolés de son projet de budget?
©D.R.

Course aux sous

Prévisions de croissance revues chroniquement à la baisse, censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs mesures du projet de loi de finances pour 2013, la France va avoir du mal à boucler son budget et à respecter ses engagements. Alors que le FMI met en garde contre les conséquences des politiques d'austérité, il reste quelques pistes à explorer pour limiter les dégâts.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Après l’annulation d’une série de mesures fiscales par le Conseil constitutionnel pour un montant total d’un milliard d’euros, la loi de finances 2013 laisse le gouvernement les bras ballants, les poches vides et une ardoise à combler. Il fut un temps (lointain) de rigueur intellectuelle où un milliard était une somme colossale. Décadence républicaine oblige : cette somme ne paraît plus justifier un collectif budgétaire immédiat. L’intendance suivra !

Cette insouciance ira droit au coeur de tous ceux qui se sont entendus refuser la moindre indulgence dans des demandes portant parfois sur quelques dizaines de millions d’euros. Elle ne manquera pas non plus de jeter la suspicion sur la sincérité de promesses qui nous annoncent plusieurs dizaines de milliards d’économies sur le budget de l’Etat.

Au passage, les esprits aguerris et attentifs auront noté dès le début décembre 2012 la nature abracadabrantesque des promesses officielles sur la réduction des dépenses publiques. Début septembre, François Hollande avait ainsi promis une stabilité du budget de l’Etat. Et le 7 décembre, les services du Trésor ont publié la situation mensuelle des comptes de l’Etat au 31 octobre : un glissement de 10 milliards, c’est-à-dire 3%, sur un an.

Que la France ne tienne pas ses engagements communautaires en 2013, en termes de finances publiques (retour à 3% de déficit public), est une certitude absolue. La question qui se pose est de savoir combien de temps le gouvernement va pouvoir annoncer le contraire de la réalité. Car, au train où vont les choses, le déficit 2012 sera bien plus grave que prévu, et bien plus difficile à rattraper en 2013.

L’accalmie des marchés financiers ne devrait donc pas durer : lorsque la vérité des chiffres éclatera, la France devra concéder qu’entre ses paroles et ses actes, le divorce est consommé. Et la crédibilité du politique s’en ira au profit d’une nouvelle aventure spéculative.

Mais supposons que l’ardoise à combler pour 2013 soit réellement limité à un milliard, où les trouver?

Je suggère que le gouvernement applique à la réduction des dépenses la même règle qu’à la hausse des impôts: qu’elle ne frappe que les plus fortunés du service public. Comme j’imagine que les services de Bercy sécheront brutalement sur le sujet, j’ajoute quelques pistes concrètes à cette suggestion.

1ère mesure : instaurer une contribution exceptionnelle de l’Assemblée Nationale et du Sénat équivalente à 15% de leur budget. Gain = 120 millions. Cette mesure se décomposerait comme suit :

  • 80 millions d’euros prélevés sur l’Assemblée Nationale (budget total de 540 millions aujourd’hui), dont 30 millions sur le personnel de l’Assemblée (soit le budget 2012 moins 10%), et 50 millions sur les indemnités des parlementaires (soit l’équivalent du budget 2011 moins 15%) ;

  • 40 millions d’euros prélevés sur le Sénat (budget total de 322 millions aujourd’hui), dont 10 millions sur le budget de fonctionnement (des travaux pléthoriques sont prévus, avec des études préparatoires générant plus de 2 millions d’honoraires...), 10 millions sur le personnel du Sénat (soit 8% d’économies), et le solde sur les indemnités des sénateurs et les aides qu’ils reçoivent à l’exercice de leur mission (soit 12% de réduction de budget).

2è mesure : lever une contribution exceptionnelle de 10% du budget alloué au Conseil d’Etat et à la Cour des Comptes. Gain = 40 millions. Cette contribution exceptionnelle reviendrait à ramener ces deux nobles institutions à leur budget... 2012, moins 10 millions. Admettons-le: cette mesure est quasiment indolore.

3è mesure : rationaliser le fonctionnement des services du Premier ministre par une diminution de 10% de ses moyens. Gain = 50 millions. Les 500 millions alloués au Premier Ministre sont en effet difficiles à comprendre. Ils prévoient plus de 100 millions d’euros d’investissement. Est-ce bien raisonnable en période de difficulté budgétaire? En outre, les documents budgétaires indiquent que, selon des sondages, 50% seulement des Français se déclarent bien informés sur l’action du Premier Ministre...

Manifestement, la rue de Varenne souffre d’une profusion de moyens mal utilisés. Il est temps qu’elle se mette à gérer un peu son budget en se préoccupant d’efficacité.

4è mesure : diminuer de 10% le budget de l’état-major des services fiscaux, qui dépense 1 milliard d’euros à lui seul... Gain = 100 millions. Ces services dépensent à seul titre d’exemple environ 50 millions d’euros annuels pour leurs déplacements. S’agissant de fonctions essentiellement informatiques, ce montant laisse pantois...

5è mesure : diminuer de 5% le budget des services fiscaux «actifs», c’est-à-dire au contact des citoyens. Gain = 325 millions. Rappelons à cette occasion que la fusion des différents services fiscaux en 2008 a coûté au contribuable un surcoût annuel de plus de 200 millions d’euros, distribués en primes nouvelles de diverses sortes, destinées à acheter une paix sociale financée par la dette. L’économie réelle proposée ne représente donc que 100 millions d’euros environ, soit un effort inférieur à 1,5% du budget normal. Une paille.

6è mesure :instaurer une contribution exceptionnelle pour les 45.000 cadres dirigeants de l’Etat, à hauteur moyenne de 4% de leur salaire net annuel. Gain = 100 millions. Bien entendu, cette contribution pourrait être modulée selon la rémunération réelle, avec un taux plus lourd pour les personnels dotés de rémunérations supérieurs à 100.000 euros.

7è mesure : supprimer l’édition papier du Journal Officiel et limiter la diffusion de celui-ci aux supports numériques. Gain = 100 millions d’euros. Quelqu’un lit-il encore le JO sur format papier? Sauf pour se faire plaisir bien sûr.

8è mesure :abroger Hadopi. Gain = 10 millions. Cette loi inepte oblige à dépenser 10 millions d’euros pour une poignée de condamnations symboliques annuelles, et un impact inexistant sur un trafic Internet mondialisé.

9è mesure :diminuer les crédits de l’administration centrale de la culture de 15%. Gain = 100 millions. Répétons-le, l’argent de la culture doit servir à la culture, pas à une administration opaque et gaspilleuse dont l’inefficacité n’est contestée par personne. En revanche, cette mesure suppose que le ministre (quel qu’il soit) s’occupe enfin de gérer son ministère.

10è mesure :cesser de fustiger notre passé et remettre de l’ordre dans la gestion des anciens combattants et de la mémoire nationale. Gain = 55 millions. La politique des anciens combattants coûte près de 3 milliards d’euros annuels. Si le paiement des rentes et autres actions au profit direct des anciens combattants et de leurs ayants-droits paraissent naturels (2,75 milliards), les 275 millions d’euros restants devraient pouvoir être rationalisés. Pour information, ceux-ci se décomposent en une grosse centaine de millions consacrés à l’indemnisation de civils ou de descendants de civils victimes de la Seconde Guerre Mondiale. 100 autres millions sont consacrés à la journée civique dont l’impact n’a été mesuré par personne...

Il ne s’agit bien entendu pas de supprimer, mais de rationaliser...

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