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Pourquoi la Corée du Sud s'en sort mieux que le Japon... et ce que nous devrions en retenir
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Petit dragon deviendra grand

Une industrie en pleine forme et une balance commerciale qui ne fait que grimper : la Corée du Sud a de quoi faire des envieux en pleine crise économique. Leçons à tirer d'un dragon asiatique que personne n'attendait au tournant.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : L'économie sud-coréenne affiche une santé insolente en cette période de crise avec une balance commerciale en pleine croissance et une industrie toujours plus performante. Comment expliquer qu'à l'inverse du voisin japonais, la Corée du Sud s'en sorte aussi bien ?

Emmanuel Lincot : la tentation est grande de vous répondre en avançant des arguments culturalistes, comme le confucianisme, le respect de l’ordre, le sens du travail par ailleurs très réel (d’après le International Labor Organisation, avec 2315 heures par an, les Sud-Coréens consacrent le volume horaire de travail le plus important au monde)... Mais il n’existe pas de miracle coréen. La population a travaillé et récolte aujourd’hui les fruits de ses investissements. N’oublions pas qu’au début des années 1970, la Corée du Sud était l’un des pays les plus pauvres de la planète. Depuis quarante ans, elle a investi en moyenne chaque année 3 % de son revenu national en Recherche et Développement.Le contexte de la guerre froide aidant, elle a également bénéficié d’une aide américaine substantielle contre la menace communiste. Ce volontarisme et cette conjoncture ont été très favorables au développement de cette société qui a massivement investi dans l’éducation de ses jeunes. A cela s’ajoute une organisation économique qui repose encore sur les Chaebols ou conglomérats industriels ; véritable fer de lance de l’économie sud-coréenne.

C’est grâce à cette structure de l’économie et à sa très grande compétitivité que la Corée du Sud a réussi à se hisser au rang de challenger dans des domaines où on ne l’attendait pas comme le nucléaire civil qui a emporté récemment le marché de quatre réacteurs aux Emirats Arabes Unis face à Areva. Le Japon par ailleurs est dans une phase de résilience et n’a pas dit son dernier mot. Quant à Taïwan, autre acteur régional influent, son économie sort largement gagnante de son rapprochement avec le continent chinois depuis la signature, en 2008, des accords ECFA. De nouvelles configurations s’ébauchent à présent dans cette triangulaire que forme la Corée du Sud, le Japon et Taïwan.  

La stabilité politique de la démocratie coréenne instaurée dans les années 1980 peut-elle aussi expliquer ce phénomène ?

C’est une stabilité relativecar la Corée du Sud est constamment défiée par son voisin du Nord. Que la conservatrice Park Geun-hye ait été élue n’a rien de surprenant dans un contexte de défiance et de poussée de fièvre nationaliste dans toute la région. Je ne suis pas sûr non plus qu’il faille prendre au sérieux le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, dans ses velléités de rapprochement avec Séoul. En 2000 et 2007, dans le cadre de la « sunshine policy », les deux Corée avaient manifesté de pareilles intentions qui ont très vite trouvées leurs limites.

Une chose est certaine, en revanche, et pour répondre à votre question, cette jeune démocratie sud-coréenne, qui fait figure d’assiégée, rencontre une sympathie très réelle en Occident. Il n’est que de voir le nombre de jeunes qui, en France même, manifestent leur intérêt pour la culture coréenne pour en mesurer l’importance. La réussite du modèle politique instauré par Séoul s’est traduite aussi par l’élaboration d’un Soft Power qui partout en Asie fait florès. Et pourtant, cette stabilité est mise au défi par un certain nombre d’enjeux. Le déclin démographique, l’écart social entre les riches et les pauvres, et le défi éventuel que représenterait le coût d’une réunification avec le Nord. Pourtant, la conjoncture reste très favorable et la Corée est en train de devenir le hub incontournable de tous les échanges en Asie du nord-est.

Quels enseignements l'Europe pourrait-elle tirer de cette réussite ?

A chacun son histoire.Nous allons assister partout à une relocalisation des productions industrielles. L’Europe a un avenir moins funeste qu’on ne le dit. A condition qu’elle s’y prépare en misant davantage sur les R&D et l’éducation supérieure.

Réciproquement, l’Asie du nord-est et ses dirigeants seraient bien inspirés de suivre le modèle de réconciliation que la France et l’Allemagne ont initié. La première des réussites pour une société donnée, c’est celle de la paix. Cette dernière ne se décrète pas. Elle se construit à la fois auprès des opinions et sur le plan institutionnel. C’est ce que nous sommes aussi en droit d’attendre de la part des Coréens aujourd’hui.

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