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Barack Obama a-t-il vraiment gagné la bataille du Fiscal Cliff ?
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Malgré un tour de force réussi avec l'adoption de la taxation des hauts revenus à 39,6 %, Barack Obama devra faire face à une nouvelle bataille législative autour de la réduction des dépenses de l'Etat fédéral. Retour sur une victoire en demi-teinte pour un président fraîchement réélu.

Denis Lacorne

Denis Lacorne

Denis Lacorne est Directeur de recherche au CERI- Sciences Po.

Il est l'auteur de De la Religion en Amérique (Gallimard, 2007) et coéditeur (avec  Emmanuelle Le Texier et Olivier Esteves) de Les Politiques de la diversité (Presses de Sciences Po, 2011).

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Atlantico : Un accord in extremis a été trouvé dans la nuit du 1er janvier par le Congrès américain pour éviter de précipiter le pays dans la « falaise fiscale ». Peut-on pour autant parler d’une victoire pour le camp Obama ?

Denis Lacorne : Il m’apparaît difficile d’utiliser ici le mot victoire puisque cet accord est avant tout un compromis qui n’a pu se réaliser qu’à travers des concessions dans les deux camps. D’aucuns à l’aile gauche du parti démocrate lui reprochent ainsi d’avoir relevé le plafond de cette nouvelle imposition des Américains les plus riches dont les revenus annuels dépassent 400 000 dollars/an pour un individu et 450 000 dollars/an pour un couple alors qu’elle devait initialement concerner tous les revenus dépassant 250 000 dollars. Cette mesure devient donc somme toute symbolique et n’aura qu’un impact limité sur la réduction de la dette américaine qui reste aujourd’hui l’enjeu majeur des négociations.

On peut néanmoins parler d’une avancée pour M. Obama sur le plan politique puisqu’il respecte l’un de ses engagements de campagne tout en réussissant à briser l’intransigeance quasi-théologique des républicains sur les hausses d’impôts des hauts revenus. Le premier mandat de l’actuel président avait été assombri par de nombreux échecs de négociation avec le Congrès, contrôlé par l’opposition depuis 2010 et l’on peut dire qu’il a réussi aujourd’hui à briser cette image d’homme sans poigne. Côté républicain on peut dire qu’il s’agit d’un relatif camouflet puisqu’il faut ainsi rappeler que 238 représentants et 41 sénateurs issus du « Grand Old Party » avaient signé en novembre « l’engagement de Norquist » (du nom du conservateur républicain Grover Norquist NDLR) où ils affirmaient qu’ils s’opposeraient radicalement à toute augmentations des impôts fédéraux. Cette promesse a aujourd’hui volé en éclat et l’on peut dire que les signataires de cet engagement se retrouvent dé-crédibilisés, au moins pour un temps.

Le président américain a mis en garde contre la volonté de « revanche budgétaire » des républicains. Peut-on s’attendre à un nouveau blocage jusqu’à la dernière minute ?

Le déficit budgétaire américain atteint aujourd’hui 7% du PIB (contre 4,5% en France NDLR) et la dette publique devrait atteindre selon estimation 90% du PIB en 2020. Dans ce contexte on peut effectivement s’attendre à une guerre de tranchées entre la Maison Blanche et le Congrès autour de la réduction des dépenses publiques qui reste aujourd’hui un impératif, et les élus républicains compte ici utiliser au maximum l'avantage que leur confère leur majorité au Congrès.

Cela est vrai pour les sénateurs et l’est d’autant plus pour les élus de la Chambre des représentants où 80% des parlementaires sont absolument certains de se voir réélire en raison de la faible volatilité des votes. Les représentants, qu’ils soient républicains ou démocrates, sont donc contraints de pratiquer une politique très partisane puisqu'ils devront faire face, lors des primaires électorales, à un adversaire du même parti soit plus conservateur qu’eux-mêmes dans le cas républicain, soit plus progressiste qu’eux dans le cas démocrate.

Les sénateurs sont par nature plus modérés, puisque leurs circonscriptions sont à l’échelle d’un Etat fédéré tout entier. Ils doivent donc satisfaire une clientèle électorale très variée et hétérogène, ce qui les incite à la modération. Les élus de la Chambre des représentants sont trop souvent issus, à l’inverse, de petites circonscriptions électorales, socialement et idéologiquement homogènes, qui les incitent à défendre des positions extrêmes, proches du mouvement de la Tea party dans le cas républicain. D’où l’extrême bipolarisation des positions dans la Chambre des représentants. Ceci explique pourquoi les votes du Sénat ont été plus faciles, et plus bipartisans que les votes de la Chambre.

Sur quelles mesures la bataille budgétaire qui s'annonce va-t-elle se mener ?

Les républicains sont partisans d’une réduction massive des dépenses publiques qui inclurait une baisse des versements sociaux, ce qui reviendrait à détricoter Obamacare, le programme de santé instauré lors du premier mandat Obama. En face le camp présidentiel répond, et il s’agit là d’une position de départ à négocier, que chaque dollar enlevé aux dépenses de l’Etat sera compensé par une augmentation identique de revenus, ce qui fait évidemment pousser des cris d’orfraie aux républicains les plus libéraux. Cet actuel blocage politique devrait une fois de plus accoucher d’un compromis, et l’on pourrait imaginer ici une réforme du code fiscal ainsi qu’une réduction de certaines niches fiscales. Ainsi les déductions non plafonnées des intérêts des prêts immobiliers représentent pour l’Etat fédéral un manque à gagner de 100 milliards de dollars par an. Les déductions pour les organisations caritatives représentent aussi une niche conséquente (30 à 40 milliards annuels) et pourraient se voir imposer un plafonnement. Une fois de plus on imagine facilement que ces éventuelles mesures ne font pas vraiment sourire l’opposition.

Il s'agira là d'un chantier difficile qui vient s'ajouter à ceux sur lesquels M. Obama s'est déjà engagé pour l'année à venir : la réforme du système d'immigration, la défense environnementale et le renforcement du contrôle des armes à feu étant ici les trois principaux. La bataille entre démocrates et républicains sera donc menée sur plusieurs fronts en 2013 et il apparaît évident qu'au delà de l'accord arraché le 1er janvier, le plus dur reste à faire pour l'actuel locataire de la Maison Blanche

Propos recueillis par Théophile Sourdille

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