Et si l'émergence de l'esprit relevait de notre nature biologique plutôt que de notre culture ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Il se pourrait que notre esprit soit davantage conditionné par notre nature biologique que nous le pensons.
Il se pourrait que notre esprit soit davantage conditionné par notre nature biologique que nous le pensons.
©Reuters

Philo

Philip Clayton rappelle que l’élaboration de nos idées sociales et culturelles est en fait bien plus fortement influencée par notre nature et notre histoire biologiques que nous ne le pensions autrefois. Extrait de "Les Origines de la liberté : l'émergence de l'esprit dans le monde naturel" (2/2).

Philip Clayton

Philip Clayton

Philip Clayton est un philosophe et théologien américain, professeur invité aux universités de Harvard et Cambridge. Il est actuellement le doyen de l'Université de Lincoln Claremont en Californie. Il a publié plusieurs dizaines d'ouvrages sur la rencontre entre science et spiritualité.

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Nous avons découvert de solides preuves plaidant en faveur de la thèse selon laquelle les humains seraient des animaux sociaux. Bien que les prédispositions sociales restent ancrées dans le monde biologique, elles produisent néanmoins progressivement un monde social commun se fondant sur l’apprentissage et la transmission culturels. Ce monde social croît en subtilité au cours de l’évolution des primates (ainsi qu’ailleurs, bien entendu) alors que des organismes plus complexes font leur apparition. La dimension socioculturelle alimente ensuite le sentiment individuel de soi et la nature exacte de son expérience consciente. Cette relation entre eux est si forte que, la personne que nous sommes réellement – ce qu’est le fait d’être telle ou telle personne particulière – se définit graduellement selon ces identités et rôles sociaux, linguistiques et culturels.

L’élaboration de nos idées sociales et culturelles est en fait bien plus fortement influencée par notre nature et notre histoire biologiques que nous ne le pensions autrefois. Nous nous retrouvons à faire des choses dont nous ne serons conscients que plus tard (voire pas du tout !), et inhibons ou renforçons consciemment les réponses que notre structure biologie a, en nous, déjà amorcé (cf. les expériences de Libet évoquées chapitre 1). Alors que nous étouffons nos pulsions biologiques sous des expériences et interprétations conceptuelles, morales et religieuses, interprétations qui colorent et retouchent ces pulsions à d’importants égards, nous ne transformons ou ne supprimons toutefois que rarement complètement nos sources biologiques. Plusieurs dimensions de notre expérience reflètent le contexte de nos origines évolutionnistes, enracinées dans les savanes d’Afrique – allant de la préférence que manifeste l’homme pour la restauration rapide, à nos rituels de rencontre, en passant par les différences existant entre les comportements émotionnels, cognitifs et sociaux des hommes et des femmes, ou la tendance à la série de liaisons monogamiques, ou bien encore la disposition invariable de l’homme à résoudre les différends politiques et personnels par la guerre et la violence. Nous pouvons, et devrions même reconnaître toutes ces influences sans avoir à croire au réductionnisme biologique de la sociobiologie et à certaines formes de psychologie évolutionniste.

L’aptitude de l’homme à se lier aux autres, à communiquer, à se forger des représentations des autres et de lui-même et à participer à des réseaux sociaux et culturels complexes, s’enracine indéniablement dans le monde biologique. Ces racines et fonctions biologiques continuent à influencer même les interactions humaines extrêmement complexes et évoluées. Mais la biologie seule ne peut tout expliquer. Les structures biologiques sont des conditions nécessaires mais non suffisantes à la pensée symbolique et à l’action. Comme Greenspan et Shanker le notent :

Chez les êtres humains […] même les outils d’apprentissage doivent être assimilés et réassimilés par chaque nouvelle génération. Cela inclut l’aptitude à assister l’autre et à interagir avec les autres, à se lier sur les plans a! ectifs et sociaux, à élaborer des modèles complexes, à organiser l’information de façon symbolique et à utiliser des symboles pour penser. Ces « outils » nous permettent de développer des connaissances, la sagesse et l’empathie. Ce sont également des moyens concédant une protection, une sécurité et des organisations sociales et politiques efficaces.

L’émergence de la culture apporte-t-elle un nouvel éclairage sur la question de la liberté ? Le fait que la pensée et l’action

symboliques soient apparues chez l’Homo sapiens signifie-t-il que nous agissions librement ? Si oui, dans quel sens pouvons-nous considérer être libres ?

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Extrait de "Les Origines de la liberté :l'émergence de l'esprit dans le monde naturel", Editions Salvator (octobre 2012)

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