2012 par Atlantico : et s’il n’y avait qu’une chose à en retenir, pour vous, Eric Deschavanne, ce serait quoi ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
2012 par Atlantico : et s’il n’y avait qu’une chose à en retenir, pour vous, Eric Deschavanne, ce serait quoi ?
©

Le fait marquant

Pour le philosophe Eric Deschavanne, l'année 2012 marque un "petit pas" de plus vers un fédéralisme économique en Europe.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

Voir la bio »

La grande affaire politique de l'année 2012, à tout le moins pour les pays qui en sont membres, fut assurément la crise de la zone euro. Le 30 janvier, le Conseil européen arrêtait le principe d'un Pacte budgétaire européen conçu comme une contrepartie nécessaire à la solidarité financière requise pour sauver l'union monétaire. Signé le 2 mars par les 25 Etats membres de l'Union européenne (hormis le Royaume-Unis et la et République Tchèque), ratifié par la France le 11 octobre, il entrera en vigueur le 1er janvier 2013. Le traité impose le respect de la fameuse "règle d'or" par laquelle un pays s'engage à avoir un budget en équilibre. Combiné avec le MES (Mécanisme européen de stabilité) et l'union bancaire, il apparaît comme un pas important en direction d'une gouvernance économique de la zone euro. La souveraineté des parlements nationaux s'en trouve relativisée du fait que les budgets votés seront désormais supervisés par les institutions européennes.

Le traité budgétaire n'a rien de fondateur ni d'irréversible : il est caractéristique de la politique des "petits pas", dictés par les circonstances, vers le fédéralisme économique. Il n'est du reste pas certain que celle-ci suffise à surmonter la crise de la dette et à écarter la menace d'éclatement de la zone euro. En revanche, les implications politiques de cet impératif d'intégration économique européenne commencent déjà à se faire sentir. Le Pacte budgétaire européen, à cet égard, marque un tournant dans la vie démocratique des pays concernés. Il apparaît de plus en plus clairement que les grandes décisions stratégiques qui engagent la santé économique, et donc aussi la survie du modèle social et la puissance politique future des Etats européens se jouent désormais à l'échelon européen, ce qui relativise fortement les enjeux des élections nationales. Les périodes électorales sont désormais perçues par les "partenaires" comme des moments de turbulences, des parenthèses où les états d'âme des peuples peuvent s'exprimer mais qu'il convient de vite refermer pour que le cours des choses sérieuses puissent reprendre. Tout se passe comme si la vie démocratique nationale consituait un obstacle entravant la marche vers l'intégration nécessaire des politiques économiques européennes.

L'élection présidentielle française en 2012 a offert l'illustration de cette situation nouvelle. C'est-à-dire qu'elle a constitué un symptôme remarquable du délitement du débat démocratique. Alors que le pacte "Merkozy" venait d'établir le "cadre" de la politique française pour les années à venir, limitant par avance les marges de manoeuvre des gouvernants, les principaux candidats en lice, par une sorte de consentement mutuel tacite, ont délibérément choisi de laisser la véritable Histoire de côté durant la campagne électorale. On a ainsi pu entendre le concepteur du Pacte budgétaire exiger le retour des "frontières", tandis que le futur président de la République évoquait vaguement la  possibilité de renégocier un traité qu'il allait faire ratifier quelques mois plus tard. Cette étrange campagne dissimulait mal le fait désormais patent que les "partis de gouvernement" qui s'opposent sur la scène électorale nationale défendent les mêmes orientations sur la scène européenne, où le clivage entre "gauche" et "droite" importe moins que celui des intérêts nationaux. Au  regard des véritables enjeux politiques, Marine Le Pen n'a pas tort de pointer l'existence d'une union UMPS : il y a bien aujourd'hui deux visions historico-polititique irréconciliables, l'une portée par les partis de gouvernement, l'autre par les "Fronts" du refus. La nécessité de fédérer artificiellement les électorats en fonction du clivage gauche/droite classique  fausse cependant le débat démocratique, lequel abandonne les questions essentielles à une élite "technocratique".

La contradiction entre l'impératif stratégique de l'intégration économique européenne et le caractère national de la souveraineté démocratique a cessé en 2012 d'apparaître purement théorique ; elle risque dans les années à venir de provoquer une crise des démocraties européennes. On peut en effet se demander combien de temps pourra durer cette déconnexion entre une politique nationale démocratique mais irréelle et une politique européenne aux prises avec les défis historiques réels mais qui demeure technocratique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !