Affaire Proglio : libérer la parole au sein de l'entreprise ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Affaire Proglio : libérer
la parole au sein de l'entreprise ?
©

Frenchleaks

Frenchleaks, le nouveau site lancé par Mediapart, a publié récemment une note d'Henri Proglio à ses employés. Dans cette lettre, le PDG d'EDF délivre quelques "éléments de langage" à ses troupes, en pleine controverse sur le nucléaire. Et s'il était temps de changer les pratiques ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Le siteFrenchleakspublie utilement la lettre qu’Henri Proglio, patron d’EDF, vient d’envoyer à ses salariés sur le drame du Fukushima. Il est manifestement inquiet : «de multiples voix se font déjà entendre, parmi les politiques et les associations, demandant un moratoire, voire «l’arrêt du nucléaire»», et ça, Henri Proglio n’aime pas trop. Évidemment, pour EDF, cette «tragédie hors du commun qui frappe le peuple japonais» tombe assez mal. C’est pourquoi notre ami Henri se lance dans une minutieuse explication très rassurante auprès de ses salariés, sur l’improbabilité de voir une même tragédie se produire en France. Et il conclut: «Je sais que je peux compter sur votre mobilisation dans cette période délicate pour l’industrie nucléaire.»

La langue de bois dont on ne veut plus

Sur le fond, notre ami Henri vient d’écrire ce que les Japonais ont lu pendant des années avant la catastrophe et que nous ne voulons plus jamais lire en France : un long et sérieux : «dormez tranquilles, votre sécurité est assurée par des experts», qui se termine en fusion partielle de réacteur nucléaire. Nous avons tous bien compris l’intérêt économique qui habite l’industrie nucléaire. Nous connaissons sa capacité à domestiquer des scientifiques pour diffuser sa propagande sous forme de rapports prouvant que tout ira pour le mieux sur la plus saine des planètes grâce à l’uranium de nos centrales. Mais face aux événements japonais, les industriels doivent prendre leurs responsabilités et comprendre que la survie de nos sociétés ne peut être mise en balance avec les profits à court terme qu’ils souhaitent préserver.

En diffusant sa lettre, malheureusement, Henri Proglio nous conduit à penser que l’industriel est têtu, et qu’il ne lâche jamais rien de ses calculs à courte vue. Cela fait tâche au moment où le gouvernement essaie de donner le change sur sa transparence et sa capacité à prendre, en France, les mesures nécessaires pour éviter un nouveau Fukushima.

Les salariés d’EDF doivent-ils être des propagandistes?

Mais le plus choquant n’est pas qu’Henri Proglio défende le bout de gras nucléaire. C’est plutôt qu’il invite officiellement ses salariés à faire de même, comme si un patron pouvait demander, au titre du contrat qui le lie à ses salariés, de renoncer à la liberté de conscience. Car faire la transparence sur notre parc nucléaire et sur son état réel, décider de notre stratégie énergétique, sont des choix citoyens libres, qui relèvent de l’exercice démocratique. De quel droit un employeur cherche-t-il à faire pression sur ses salariés à propos de tous ces sujets qui relèvent de la vie privée? Proglio appellera-t-il bientôt ses salariés à voter pour les partis politiques qui défendent la filière nucléaire?

 Dans la foulée de l’affaire Renault où l’on a découvert qu’une grande entreprise piétinait le droit à la vie privée de ses salariés, cette invitation de Proglio à ses salariés révèle une nouvelle fois comment la pensée unique du monde patronal dérive presque naturellement vers une remise au pas des consciences. Dans l’intérêt économique du pays, bien entendu.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !