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Ce qui se passe dans la tête du patient ET du psy lors d'une séance
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Histoires de divan

En psychothérapie, que l'on soit psy ou patient, on aimerait souvent savoir comment l'autre nous voit. Laurie Hawkes nous aide à réaliser ce fantasme. Extrait de "Une danse borderline" (1/2).

Laurie Hawkes

Laurie Hawkes

Laurie Hawkes est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle est co-fondatrice de l'Ecole d'Analyse Transactionnelle-Psychothérapie-Paris-Ile-de- France au sein de laquelle elle enseigne. Elle pratique une psychothérapie relationnelle basée sur l'analyse transactionnelle.

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De grosses larmes se mirent à couler sur le visage d’Ivana. Elle saisit un mouchoir en papier dans la boîte posée sur la table basse et se moucha bruyamment. Ce n’était pas le moment de la questionner sur sa relation avec les femmes. Il y avait pourtant de quoi intriguer : Ivana avait vécu avec un homme, elle avait même eu un enfant… S’était-elle découverte homosexuelle après avoir tenté de vivre une histoire classique ?

Mais il était déjà 19h35, la séance se terminait dans 10 minutes et Mathilde n’avait pas encore eu l’occasion de poser de cadre avec sa patiente. Elle interrompit Ivana alors que cette dernière s’apprêtait à reprendre ses lamentations. Il importait de se mettre d’accord sur les modalités de travail avant tout.

— Nous allons bientôt nous arrêter. Avant de nous séparer, nous allons discuter de ma façon de travailler et décider si nous poursuivons ensemble. Nous avons déjà parlé du tarif au téléphone. Avez-vous d’autres questions à me poser sur moi, sur ma formation ou sur ma pratique par exemple ? 

Ivana fut surprise, elle s’attendait visiblement à parler plus longtemps. Elle regarda sa montre en fronçant les sourcils, hésita, l’air irrité. Finalement, elle répondit :
— Non, j’ai vu votre profil sur les moteurs de recherche. Il faut vraiment qu’on arrête là ? Comme je suis arrivée plus tard, je pensais…
— Oui, nous terminerons toujours à l’heure prévue, même si vous êtes en retard.
— Pour le même prix ?
— Oui, la séance est due dans son intégralité, à moins que vous ne l’annuliez au moins 48 heures à l’avance.

Ivana semblait indignée. Elle ouvrit la bouche, se ravisa. Finalement elle demanda :
— Je peux venir une fois de temps en temps ? Une fois par mois, par exemple ? Ce serait moins cher, et puis je suis très occupée.
— Non, de temps en temps, ça ne marche pas bien, surtout au début. Une fois par semaine, c’est un bon rythme. Ça vous laisse le temps de digérer la séance, et vous venez suffisamment souvent pour entrer dans le processus et vous laisser changer.
— Comment ça, « me laisser changer » ? Vous pensez que je ne veux pas changer ?
— Bien sûr, vous venez ici parce que vous voulez changer. Enfin, une partie de vous veut changer. Mais le plus souvent, il y a aussi une partie de nous qui ne veut pas, qui résiste, qui veut garder ce qu’elle connaît, même si c’est source de souffrance. Si on vient seulement une fois de temps en temps, cette partie-là a tendance à reprendre le contrôle très vite et à tout figer.
— Hmm, bon… Alors, je viens toutes les semaines. Et comment ça se passe ? Vous allez me poser des questions ?
— Je vous en poserai de temps en temps. Une bonne partie du temps, je vais vous laisser parler, et j’interviendrai à différents moments. Davantage au début, quand nous allons chercher à vous donner plus de stabilité. Puis, si vous souhaitez continuer au-delà de cette amélioration, pour changer plus profondément votre façon de ressentir et d’appréhender le monde, nous passerons à une autre phase. À ce moment-là, il ne s’agira plus de viser des changements volontaires, mais plutôt de laisser se développer entre nous les dynamiques relationnelles que vous vivez aussi en dehors. Nous les regarderons ensemble, nous utiliserons notre relation pour affecter vos perceptions profondes, inconscientes. 
— Pfouh… Alors ça peut durer longtemps ? 

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 Extrait de "Une danse borderline" - Petite psychothérapie romancée d'une personnalité limite, Editions Eyrolles (septembre 2012).

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