


La compétitivité retrouvée des pays du sud de l’Europe ? Rien de plus qu’un conte de fées...
Les eurocrates continuent d’affirmer que la Grèce et les autres membres affaiblis de la zone euro sont sur la bonne route pour améliorer leur compétitivité, tout particulièrement parce que le coût du travail chute. Mais le travail n’est qu’un aspect de la compétitivité, et les pays ont aussi besoin d’autres facteurs de production, et en particulier de capital, facteur qui manque cruellement dans la crise actuelle.
Le meilleur indicateur de la compétitivité se trouve dans les prix à la production, c'est-à-dire les prix de vente des producteurs locaux aux distributeurs locaux. Les pays faibles ne gagneront en compétitivité que si les prix à la production industrielle locale sont inférieurs aux produits importés d’Allemagne et de Chine.
Or, les prix à la production industrielle grimpent bien plus rapidement dans la périphérie qu’en Allemagne :
Il y a deux semaines, Eurostat publiait l’indice des prix à la production industrielle pour octobre : seuls les prix à la production grecs ont commencé à chuter (ils ont connu une augmentation de +4,1% d’une année sur l’autre contre 5,1% en septembre), les autres pays à problèmes conservant des augmentations de prix semblables à septembre. Lundi, Eurostat publiait les statistiques des coûts du travail et des salaires. Les coûts du travail ont augmenté de 2% dans la zone euro au troisième trimestre. Les attentions de la BCE en termes de baisse de l’inflation semblent encore bien loin.
Les données d’Eurostat montrent qu’en dehors de la Grèce et de la Slovénie, aucun pays ne voit diminuer les coûts du travail nominal. Après une baisse du salaire horaire nominal en 2011, l'Irlande voit son salaire moyen augmenter en 2012.
La BCE affirme que les couts du travail diminuent
La BCE affirme régulièrement que les coûts du travail dans les pays périphériques chutent. En 2011, la forte augmentation de l’inflation espagnole, incluant l’augmentation des prix de production, a été utilisée pour faire croire que les coûts du travail diminuaient en Espagne. Pour ce faire, la BCE a utilisé les coûts réels (ajustés en fonction de l'inflation) et la chute du nombre d'unités produites : un tour de passe-passe récursif pour calmer le public.
Et pourtant, le coût du travail nominal augmentait en Espagne, comme le montrent les données d’Eurostat :
Les coûts du travail comparés aux salaires réels
Si dessous, le changement des coûts du travail nominal est comparé avec les salaires réels, c'est-à-dire ajustés en tenant compte de l'inflation. Plutôt qu'un ajustement à l'inflation à partir de l'indice de prix à la consommation, nous avons opté pour l'indice de prix à la production d'octobre 2012 (PPI), car il donne un meilleur aperçu de la compétitivité. Afin d'être compétitif, un pays périphérique doit être capable de produire moins cher que ses concurrents. Sinon, les détaillants préfèrent importer les produits d'Allemagne ou de Chine.
La comparaison dresse le portait suivant :
La Grèce a du être laissée de coté car elle ne rentrait pas dans le graphique, ses salaires ajustés au PPI ayant chuté de 12,3%
A Chypre, les salaires nominaux sont légèrement plus élevés, mais les prix à la production ont augmenté de 6%, ramenant les salaires réels ajustés par rapport à l'inflation à 5% à Chypre. Le tableau est similaire au Portugal, ou les salaires réels sont tombés entre 1% et 3%.
Les salaires réels baissent de façon très notable aussi aux Pays-Bas, en Belgique, en Slovaquie et au Royaume-Unis. Les causes en sont l'éclatement des bulles immobilières hollandaise et belge et le ralentissement du commerce global, et une augmentation des taxes en Slovaquie. Quant au Royaume-Uni, les pressions inflationnistes y sont collantes.
Malgré le ralentissement de la croissance mondiale, les salaires réels augmentent fortement en Autriche, en Allemagne, en Finlande, en Suède, et dans les pays de l'Est au cout du travail très bon marché. Les Etats-Unis se situent quelque part au milieu (voir les données FRED pour les salaires). Grâce aux prix à la production en baisse, les salaires réels japonais augmentent, et ce malgré le faible PIB du pays au troisième trimestre et les attaques du Premier ministre Shinzo Abe qui dénigre la BoJ (la banque centrale japonais) et le yen.
Article paru sur le site SNBCHF.com
Traduit de l'anglais par Julie Mangematin