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Livre numérique : mal fichu et sans intérêt !
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Salon du livre

C'est ce vendredi 18 mars à Paris que s'ouvre au public le Salon du livre. A l'inverse de ces dernières années, le numérique brille par son absence. Et s'il était temps de s'interroger sur le concept même du livre numérique ?

Brieuc Benezet

Brieuc Benezet

Brieuc Bénézet est directeur général des Éditions Ellipses, maison d'édition spécialisée dans les publications universitaires et les ouvrages de langue.

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Le salon du livre de Paris ouvre ses portes au public ce vendredi 18 mars dans une ambiance plus apaisée que l’an dernier – pas d’absence d’éditeurs majeurs – mais aussi plus discrète : les cinq jours traditionnels du salon ayant été réduits à quatre pour cette édition. Particulièrement discrète cette année, la présence du numérique ne se fait plus sentir de manière aussi forte et conquérante que dans les années passées où on annonçait à l’envi l’arrivée en fanfare des livres de demain, des livres modernes.

Livre numérique : ex-futur star...

Déjà, à la foire du livre de Bruxelles de cette année, on pouvait remarquer l’absence des espaces d’exposition et de démonstrations de lecteurs et autres plaquettes mises en avant à grand renfort de publicité depuis trois ans au profit d’un retour au livre papier classique. Cette tendance semble donc se confirmer pour le salon de Paris où le numérique sera bien évidemment sujet de conférences et de débats mais n’investira pas davantage les espaces d’exposition et de vente du salon.

On est en droit de s’étonner - si ce n’est de sourire - de ce repli constaté : en tant qu’éditeur papier, on vient m’expliquer depuis des années, et encore plus depuis l’arrivée des tablettes, ce que sera l’avenir prochain du livre. Un avenir qui passerait par la fin du vieux papier au profit de supports numériques tantôt animés, tantôt interactifs, toujours plus compliqués à concevoir qu’un livre mais bizarrement jamais très coûteux dans l’esprit de ceux qui en parlent…

A écouter ces apôtres du livre numérique, gare à l’éditeur qui ne prendrait pas en marche le "train de l’histoire" en délaissant son papier préhistorique au profit du "numérique moderne" : il ne lui restera qu’à pleurer sur ses stocks de livres invendables, comme jadis l’industrie du disque pleura sur ses CDs.

... et concept erroné

En réalité, qu’en est-il de cette modernité et de ce sens de l’histoire ? Pour le moment ce qui est proposé au lecteur consiste le plus souvent en des fichiers PDF améliorés, conçus dans des formats différents qui correspondent à autant de supports exclusifs des différentes tablettes du marché : difficile donc de s’y retrouver, de l’éditeur au lecteur, pour savoir que fournir à quoi et que lire sur quel support.

Mais au-delà de ce souk commercial qui relègue la guerre historique VHS/Pal Secam des années 1980 à une dispute de cour d’école, pouvons-nous dépasser l’argument d’autorité de la sacro-sainte modernité numérique pour nous demander quel est l’intérêt réel des produits qui sont ainsi proposés ? Lire un livre de 200, 300 pages à faire défiler du bout du doigt sur sa tablette ? Certes, mais quelle est la plus-value de ce système par rapport au livre papier ?

D’un côté, une masse de textes, plus ou moins dynamique, sur un écran. De l’autre un contenu mis en forme, avec une mise en pages réfléchie et adaptée qui peut être au choix raturé, annoté, surligné, corné ou déchiré : bref, qu’on peut s’approprier et utiliser et qui peut même servir, après lecture, d’objet de décoration. On pourrait croire que cette description avantage trop délibérément les atouts du livre papier par rapport à ce que propose son homologue numérique, mais en réalité, cet inventaire exprime bien l’erreur commise par ceux qui semblent penser qu’un livre classique peut facilement devenir un objet numérique valable. Si le concept de musique n’est lié ni au vinyle, ni au CD, ni même au mp3 - celle-ci pouvant rester la même musique indépendamment de son support - le papier et, plus généralement, l’impression, est partie intégrante du concept de livre. Sans ce support matériel, un livre cesse d’être un livre et l’information donnée par un autre support, tout intéressante et valable soit-elle, ne peut être qualifiée de livresque.

Allez, encore un effort !

Cette distinction conceptuelle est importante pour suggérer l’erreur de fond commise par les défenseurs du livre numérique et pour expliquer ses débuts plus que balbutiants. Il est illusoire de penser qu’une simple copie, même améliorée, du contenu d’un ouvrage sur un support numérique puisse améliorer et même conserver l’intelligence et l’utilité de l’objet livre dont elle est issue.

Il n’est pas question ici de railler les tentatives de faire évoluer les supports de diffusion de l’information et des connaissances : il est louable de chercher à concevoir une intelligence , une utilité et même une rentabilité du numérique dans ce domaine, seulement cette forme à venir ne peut être celle, trop simpliste, du livre numérique tel qu’il se propose aujourd’hui : sa découverte demandera de l’imagination et encore du travail pour déboucher, pourquoi pas, sur une idée radicalement nouvelle et originale, laquelle fera naître, une industrie et un objet tout aussi nouveau et inattendu. Avançons-nous donc un peu : l’idée du livre numérique n’est pas encore née et l’idée qui, un jour, rencontrera le succès sous cette dénomination n’est pas encore conçue. Sans aucun doute, le jour de cette invention viendra et ce jour-là beaucoup de ceux qui s’embourbent aujourd’hui dans leurs livres numériques seront forcé de dire : « on n’y avait pas pensé ! ».

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