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Marine le Pen durablement installée dans le paysage politique ?
Marine le Pen durablement installée dans le paysage politique ?
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Analyse

Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, décrypte l'analyse réalisé par l'Ifop, pour Atlantico, sur la hausse du Front National sur toutes les catégories de population.

Dominique Reynié

Dominique Reynié

Dominique Reynié est professeur des Universités en science politique à l’Institut d’études politiques de Paris et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Populismes : la pente fatale (Plon, 2011).

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Évolution des intentions de vote de Marine Le Pen entre juin-octobre 2010 et février-mars 2011

Que retenez-vous de cette étude ?

Avant toute chose, il me semble important de rappeler qu’il ne s’agit là que d’intentions de vote. On ne peut pas exclure un usage protestataire du sondage. Il pourrait donc y avoir une surcote car les sondés ont identifié le degré d’affolement produit sur la classe politique de sondages favorables au Front national.

Il est frappant de constater que l’évolution à la hausse du FN s’effectue sur quasiment toutes les catégories socioprofessionnelles, à l’exception des professions intermédiaires, mais ce n’est pas significatif. Nous assistons donc à une nationalisation de l’influence du FN : dans toutes les strates d’âges ou de métiers, on trouve un niveau significatif de vote en faveur de Marine Le Pen.

Le FN grignote l’électorat de droite, mais aussi celui de gauche. On a tendance à l’oublier : quand Marine Le Pen est a un niveau élevée dans les intentions de vote, la gauche est à un niveau bas. Compte tenu de l’impopularité de Nicolas Sarkozy, la gauche devrait être à un niveau plus élevé.

Surtout, le FN est en train d’installer un nouveau clivage, non plus entre la gauche et la droite, mais entre les partis de gouvernement qui n’arrivent plus à convaincre les électeurs et les partis contestataires. Ce clivage est une vraie nouveauté avec pour le FN l’ambition de s’imposer comme seul parti d’opposition.

Comment analysez-vous l’intention de vote en forte progression chez les 35-49 ans ?

Je ne suis pas surpris. Les 35-49 ans – même s’ils forment une catégorie hétérogène – expriment depuis plusieurs années à l’occasion des débats politiques ou des conjonctures électorales une insatisfaction et un mécontentement qui peinent toujours à être traité par les hommes politiques en place.

Il s’agit d’une classe d’âge sur lesquels se concentrent tous les problèmes que connait aujourd’hui la société française : ce sont les 35-49 ans qui connaissent à la fois des soucis avec leurs parents et avec leurs enfants. Ils doivent les gérer en tant que charge et se demandent comment assurer l’éducation de leurs enfants et que faire avec leurs  parents qui deviennent âgés.

Au-delà des 35-49 ans, depuis les années 1980, le FN a de bons résultats chez les jeunes (18-24 ans) ! Leur discours parvient à toucher les jeunes sans diplôme qui ont du mal à trouver du travail. C’est  un monde oublié dans le système de représentation médiatique : on considère qu’aujourd’hui  tous les jeunes sont diplômés, c’est faux.

Peut-on parler d’un « effet Marine Le Pen » ?

Sur les 35-49 ans, qui est la génération de Marine Le Pen, oui. Par ailleurs, comme le montre l’étude, jusqu’à présent le FN avait un électorat plus masculin que les autres. Dans toute l’Europe, les femmes votaient moins à l’extrême-droite que les hommes. Avec Marine Le Pen, c’est terminé. C’est sans doute liée à sa personne, parce qu’elle est une femme, mais pas seulement. Elle a fait évoluer le discours de son parti qui devient plus populiste, avec un caractère moins violent qui est susceptible de séduire davantage les femmes.

Les résultats de cette étude sont-ils structurels ou conjoncturels ? Les intentions de vote favorable au FN sont-elles amenées à durer ?

Sans hésiter, je dirais que c’est structurel. C’est  un phénomène qui va s’installer durablement. Aujourd’hui, un cinquième voire un quart de l’électorat vote FN. Un score de 25% est possible pour Marine Le Pen. Ca ne veut pas dire qu’elle le fera, mais c’est possible.

Et puis le succès du FN correspond à un phénomène plus général : aujourd’hui toute l’Europe vote à droite. Pour diverses raisons : la mondialisation ou l’évolution démographique, par exemple).

Ce sondage montre aussi que la gauche ne va pas bien, qu’elle ne tient pas le bon discours aux bonnes fractions de la société. Elle s’adresse aux classes laborieuses avec un discours adapté aux classes moyennes, et réciproquement.

Par exemple, sur la fiscalité, les classes moyennes ne veulent pas de prélèvement supplémentaire. Une pression fiscale à la hausse leur fait peur : les classes moyennes redoutent que la redistribution se fasse sur leur dos. Elles ont peur de glisser vers les classes populaires, ou d’y revenir. En vérité, la gauche semble imaginer qu’il y a une solidarité entre les classes moyenne et laborieuse, alors qu’en fait c’est un antagonisme qui existe. C’est un élément que Marine Le Pen a bien compris : elle assemble des éléments qui parlent aux uns et aux autres, même s’ils sont incohérents entre eux. Elle évoque ainsi la laïcité et la pression fiscale pour les classes moyennes, et parle d’’islam et d’immigration pour les classes laborieuses. Résultat : le FN gagne des électeurs du côté des classes moyennes et prend donc des électeurs à la gauche.

Il séduit également, selon l’étude, parmi les électeurs de Nicolas Sarkozy en 2007…

La vérité, c’est qu’en 2007, Nicolas Sarkozy a réalisé un exploit. Dans un contexte de populisme en pleine expansion en Europe, il a réussi à contenir le FN.

Contenir ou faire reculer ?

Contenir. Si vous comparer les résultats du FN entre la présidentielle de 2002 et celle de 2007, vous vous apercevez que le nombre d’électeurs n’a diminué que d’un million. Si le score de Jean-Marie Le Pen est passé de 16,86 % en 2002 à 10,44 % en 2007, il n’a perdu en réalité qu’un million d’électeurs. Il y a un effet d’optique lié au taux d’abstention (28,4 % en 2002, 16,23% en 2007). Le rôle de l’abstention en 2012 sera fondamental. S’il est élevé, cela bénéficiera tout naturellement au FN.


En collaboration avec Jérôme Fourquet pour l'IFOP

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