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Baisse chronique du nombre de mariages : pourquoi décide-t-on (quand même) de s’unir devant le maire ?
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A l'heure du débat animé autour du mariage homosexuel, le mariage a de moins en moins la cote chez les hétérosexuels. Mais cette institution a toujours de beaux jours devant elle.

Jean-Claude Kaufmann

Jean-Claude Kaufmann

Jean-Claude Kaufmann est sociologue spécialiste des couples et de la vie quotidienne.

Il est l'auteur de "Mariage, petites histoires du grand jour de 1940 à aujourd'hui" aux éditions Textuel et de "Un lit pour deux, la tendre guerre", Lattès, 2015, 18 €. Il tient également un blog.

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Atlantico : Chaque année, le nombre de mariages célébrés diminue de 50 000. Comment expliquer la baisse du nombre de mariage ?

Jean-Claude Kaufmann : Il n'y a pas un effondrement du nombre de mariage mais une diminution régulière depuis plusieurs années. Une partie de la diminution vient du fait qu'on se marie de plus en plus tard. Les personnes reportant donc à plus tard le mariage, cela fait diminuer les chiffres. On passe d'un modèle du mariage à un autre. Autrefois, on rentrait dans la vie à deux et dans le couple par le mariage. Souvent, cela se faisait relativement jeune et cela durait toute la vie. Aujourd'hui, on commence la vie à deux simplement en se mettant en couple avec une personne. On multiplie les partenaires afin de faire le bon choix. Le premier temps de la vie à deux reste relativement léger car on veut pouvoir se retirer si les choses ne se passent pas bien. Le fait de faire "linge en commun" marque une étape très importante dans le couple moderne. Il y a toujours dans la tête des personnes en couple la possibilité de se séparer. C'est une sorte de "couple sans-papiers", avec la possibilité depuis qu'il existe le Pacs de passer à une étape supérieure en étant couple pas forcément engagé pour la vie, surtout pour des questions de protection légale.

Quelles sont les raisons qui poussent aujourd'hui les couples à se marier ?

Plus tard, arrive un moment où l'envie prend certains couples de sortir de cette situation "précaire" pour s'engager autour d'un projet familial. Le mariage est en effet très lié à la volonté de faire des enfants mais aussi à la volonté de proclamer à tout le monde son couple. C'est là que le mariage apparaît aujourd'hui comme un second temps de la vie familiale. On passe du chapitre couple au chapitre famille.

Par ailleurs, le mariage n'est plus obligatoire. On peut très bien fonder une famille sans être marié. Enfin, le Pacs a connu un très grand succès chez les couples hétérosexuels, notamment car il permet de répondre à cette phase intermédiaire entre le "couple sans-papiers" et l'engagement dans le mariage. Cette situation intermédiaire du Pacs peut aussi se prolonger très longtemps. Il peut faire reporter le mariage à beaucoup plus longtemps ou même le remplacer totalement notamment car le jour du mariage aujourd'hui a pris une grande importance et cette organisation gigantesque peut faire peur aux jeunes couples, tant financièrement que symboliquement.

Depuis une vingtaine d'années, il y a un surinvestissement incroyable dans le jour de la cérémonie. Certains couples sont prêts à se ruiner pour organiser la plus belle des fêtes. Il faut que la journée soit parfaite et les couples sont prêts à passer beaucoup de temps et à dépenser beaucoup d'énergie pour cela.

Comment expliquer un tel engouement pour la journée du mariage ?

Dans les années 1950, la journée du mariage était une énorme cérémonie organisée par les familles parce que c'est une institution fondatrice. Il n'y avait pas de vie sexuelle avant le mariage, ou très clandestinement avec le partenaire avec lequel on va se marier. La jeune fille passe du statut d'enfant à celui de femme adulte et mariée. C'est donc un moment fondateur. Puis dans les années 1960, c'est la révolte au nom de la liberté sexuelle, de l'émancipation des femmes, et on envoie un peu en l'air le mariage, même si on continue majoritairement à se marier en transgressant les codes.

Depuis une vingtaine d'années, on voit cette montée en puissance de la cérémonie avec une volonté d'en faire quelque chose de personnel. Cela s'explique par deux raisons : tout d'abord, on n'est plus obligé de se marier mais le mariage demeure un passage symbolique. Enfin, cela s'explique par un désir de fête, d'autant plus que la cérémonie est unique, la jeune mariée est une princesse, une star d'un jour. Nous vivons dans une société de petite passion : la cérémonie correspond à une passion ponctuelle dans laquelle les couples se surinvestissent. Ces deux raisons sont assez contradictoires, l'envie de fête pousse à des extravagances qui sont souvent rattrapées par le symbole, qui pousse, lui, à plus de traditionalisme.

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