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CSA : les nouveaux membres pourront-ils sauver une institution à la dérive ?
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Les trois mousquetaires

Le CSA doit accueillir le mois prochain trois nouveaux membres. Cela suffira t-il à renforcer le pouvoir de contrôle et d'orientation de l'institution ? Rien n'est moins sur : les candidats devront convaincre quant à leur volonté de faire bouger les choses.

Guillaume Evin

Guillaume Evin

Guillaume Evin est journaliste. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Je n'aime pas les riches (Editions du Moment / 2012) et Le livre noir du CSA (Editions du Moment / 2011).

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Atlantico : En janvier les trois présidents (Assemblée Nationale, Sénat, République) vont renouveler trois membres du CSA. Vous avez essayé de jeter un pavé dans la mare avec votre Livre noir du CSA (Editions du Moment) à la rentrée 2011, en soulignant les dérives et les gaspillages de l’institution de contrôle de l’Audiovisuel. Où est le principal problème ?

Guillaume Evin : Le principal problème n’est pas le gaspillage (encore qu’on pourrait ricaner du salaire exorbitant de ses membres, des frais de bouche en 2009 : 287000 €). Non, l’essentiel est que le rôle de cette institution ne cesse de s’étendre (il va peut-être s’étendre aux compétences de l’ARCEP ou le contraire si les deux organismes sont réunis), mais que son pouvoir réel perd sans cesse de sa profondeur et de sa signification.

Par exemple il était censé nommer les directeurs de chaîne ce qu’il a fait jusqu’à Nicolas Sarkozy, mais le fait d’avoir perdu cette façon d’orienter l’audiovisuel par la nomination d’un président de chaîne, donc par l’approbation d’un style de gestion, fait que désormais son rôle est devenu négligeable alors que sa tâche sur le papier devient écrasante.

Vous déplorez une dérive. A votre avis, quand le cap a-t-il été perdu ?

Quand Dominique Baudis, alors président, a été pris dans les filets de l’affaire Alègre et a passé la moitié du temps à répondre aux questions des enquêteurs au lieu de participer aux réunions. Il n’avait plus la tête à cela, il n’était plus présent physiquement ni moralement. Ensuite incontestablement le fait que Nicolas Sarkozy ait décidé de ne plus laisser nommer les présidents de chaîne publique par le CSA a privé l’institution de la plus prestigieuse de ses prérogatives, et elle ne s’en est toujours pas relevée. Rappelons que Jean Luc Hees et Rémy Pfimlin ont traîné comme un boulet l’origine présidentielle de leur nomination, ce qui n’était pas très bon pour leur influence sur le terrain.

Comment jugez vous sa prétention à contrôler jusqu’au contenu de Youtube lorsqu’il s’agit des temps de parole avant les élections ?

Entièrement utopique. La situation n’est pas saine,  le côté tâtillon de la balance s’est manifesté plusieurs fois lorsqu’on a reproché au président de la République de faire son métier alors qu’il était en campagne. Parallèlement, on ne sait pas comment juger les commentaires des journalistes, sont-ils censés faire leur métier ou défendre un poulain lorsqu’ils approuvent les propos ou la stratégie d’un candidat ? Personne ne le sait, donc ce n’est pas au CSA de se prononcer davantage, il devrait se limiter à ce qui est contrôlable, et ne pas essayer de légiférer sur ce qui lui échappe. Quant à étendre le contrôle à Youtube,  non seulement c’est irréalisable mais cela participe du phénomène décrit plus haut : on essaie de gagner du terrain horizontalement en mettant son nez partout , en élargissant le champ des compétences, mais on ne fait pas son travail en profondeur, on n’a aucune politique, aucune direction, aucune réflexion sur la nature du contrôle à exercer.

Cela ne dépend-t-il pas aussi des personnalités nommées ?

Ca le devrait, mais quand une institution a peu de pouvoir,  de prestige, le corollaire c’est la nomination de gens qui ne sont pas susceptibles de s’en plaindre et d’en réclamer davantage. Le fait d’être inamovibles pendant six ans, de percevoir une septième année de salaire pour retrouver du travail, d’être ultra bien payés, de disposer d’une voiture de fonction, de recevoir n’innombrables sollicitations, de n’avoir de comptes à rendre à personne, pas même au président, fait des candidats nommés des électrons libres : libres d’être paresseux ou grossiers en réunion par exemple, libres de leur absentéisme chronique, libres de partir en vacances, mais pas tellement déterminés à devenir des procureurs  sérieux et incorruptibles. La seule ressource qui leur reste est de montrer leurs muscles de temps à autre par le biais de remontrances  souvent inutiles et souvent adressées aux chaînes qui n’ont pas d’appuis politiques.

Il n’y a pas d’incompatibilité entre le fait d’avoir fait carrière à la télé et celui de juger la télé ?

Non s’il y a démission préalable. Mais dans le cas de deux au moins des membres actuels on a laissé s’installer une ambiguité, ils n’ont pas démissionné de la télé, ils se sont mis en disponibilité. C’est légal, mais est-ce moral ? On peut se poser la question. Ils sont devenus juges et sont restés partie.

La couleur politique du CSA en ce moment est-elle plutôt à droite ou à gauche ?

On ne peut répondre à cette question que sur la base d’indices, mais ils concordent sur une évidence, nous ne sommes pas dans la représentativité stricte, ni  même approximative, des tendances générales de la population, soit 49/51. Disons que si les trois nommés de janvier sont à gauche, le déséquilibre deviendrait  flagrant.

Quel serait votre principal conseil aux prétendants à ce poste ?

Je leur conseillerait de percevoir le salaire mirobolant (plus de 10 000 euros) , mais d’endonner le tiers ou la moitié, devant huissier, à un organisme caritatif quelconque. Dans le contexte budgétaire actuel, c’est une histoire de pudeur, il y a des choses qui ne se font plus, de nos jours, avec l’argent public. Il faudrait de plus faire en sorte que l’organisme limite ses compétences aux domaines où il est réllement capable d’agir quitte à les définir plus fermement.

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