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Lettre d'un socialiste à son parti
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Objectif 2012

Membre du PS et auteur de "Voyage au bout de la droite", Gaël Brustier aimerait que son parti se pose (enfin) les bonnes questions.

Gaël Brustier

Gaël Brustier

Gaël Brustier est chercheur en sciences humaines (sociologie, science politique, histoire).

Avec son camarade Jean-Philippe Huelin, il s’emploie à saisir et à décrire les transformations politiques actuelles. Tous deux développent depuis plusieurs années des outils conceptuels (gramsciens) qui leur permettent d’analyser le phénomène de droitisation, aujourd’hui majeur en Europe et en France.

Ils sont les auteurs de Recherche le peuple désespérément (Bourrin, 2010) et ont publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011).

Gaël Brustier vient de publier Le désordre idéologique, aux Editions du Cerf (2017).

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La gauche française rêve de « 21 avril à l’envers ». Elle rêve d’une élimination de Nicolas Sarkozy au premier tour de l’élection présidentielle de 2012. Elle rêve d’un face à face moral avec ce Front national new look, avec lequel le Président de la République est accusé d’avoir flirté. Elle rêve de ce duel avec l’original diabolisé qui serait le juste châtiment de la copie sarkozyenne envoyée au purgatoire et privée de second tour. Les sondages se suivent et on oublie l’essentiel.

2012 en ligne de mire

Gagner une présidentielle peut certes être la conséquence d’un carambolage électoral comparable à 2002. Mais, dans l’histoire, l’arrivée au pouvoir, son exercice dans la durée à fortiori, sont la conséquence d’une domination culturelle, de l’exercice ou non de sa capacité à définir un imaginaire collectif.

Or les droites, dans leur diversité ont la capacité de définir une vision du monde contestable mais cohérente. Et lorsque des contradictions se font jour, elles-mêmes assurent aux différentes composantes de la droite la capacité d’exercice du pouvoir dans la durée.

Cesser les postures morales aveugles

Le sarkozysme est une manifestation de la droitisation. Il n’en est pas la cause. Les postures morales omettent de voir la puissance politique du mouvement qui a porté ici Nicolas Sarkozy au pouvoir, qui a permis à Silvio Berlusconi de « descendre dans l’arène » politique italienne, à Aznar de dominer une décennie de vie politique espagnole autant qu’elle a permis aux Républicains américains d’accomplir leur éternel retour aux affaires aux Etats-Unis…

Mais la gauche oublie aussi volontiers que Silvio Berlusconi était, dans les années 1980, l’enfant chéri du Parti socialiste italien. On aurait d’ailleurs peine à ne pas rappeler aux Français que La Cinq, cette chaîne privée qui sombra par la suite, fut lancée au cœur des années 1980 avec le soutien du pouvoir socialiste de l’époque… La gauche feint de ne pas savoir que l’idéologue de la destra italienne est Giulio Tremonti, ancien technocrate proche du PSI, passé maître dans l’art de définir un imaginaire collectif…

Dans le champ intellectuel aussi, la droitisation est passée par la « gauche ». L’arrivée d’André Glucksmann au meeting de Bercy du candidat Sarkozy n’était-il pas l’accomplissement électoral d’une évolution en germes dans « La cuisinière et le mangeur d’hommes » ?  « L’ouverture » nourrit la « rupture ». Que la crise de 2008 soit venue brouiller les réalignements en cours en 2007 ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais les social-démocraties européennes ont-elles bénéficié électoralement de la contestation de l’ordre dominant ? Non…

Définir un imaginaire collectif alternatif

En France, le problème pour la gauche réside aussi dans sa capacité à définir un imaginaire collectif alternatif. Elle réside aussi dans sa capacité à se comprendre la géographie sociale de notre pays et à comprendre ses faiblesses dans la France périphérique, dans les zones périurbaines, dans les zones rurales et les mondes ouvriers…

Le paradoxe de la domination locale des socialistes et de leur faiblesse relative aux élections nationales tient dans la capacité des droites à munir l’électeur, au moment d’une élection comme l’élection présidentielle, d’une vision du monde, d’un « décodeur » du fonctionnement du monde, du coin de la rue à Kaboul…

Compréhension de la géographie sociale du pays et constitution d’un « bloc historique » alternatif à celui des droites sont les deux clés d’une reconquête dans la durée du pays par la gauche française.

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