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Stop à la paranoïa, non, ça n’est pas si simple de censurer Internet
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Rectification

La société américaine de veille du trafic Renesys estime que 61 pays courent un "risque grave" d'être complètement coupés d'Internet.

Maxime Pinard

Maxime Pinard

Maxime Pinard est directeur de Cyberstrategia, site d'analyse stratégique portant sur les enjeux du cyberespace et de la géopolitique en général. Il est adjoint aux formations à l'IRIS, en charge de l'enseignement à distance et de la formation "Action humanitaire : enjeux stratégiques et gestion de projet".

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Il a suffi d’une analyse de la société spécialisée dans la surveillance de l’état du réseau Renesys pour que l’on assiste à un emballement médiatique, aussi puissant que difficilement explicable d’un point de vue rationnel.

En reprenant les grandes lignes de l’analyse, au demeurant forte intéressante sur d’autres aspects, on apprend qu’il y aurait une soixantaine d’Etats qui pourraient être coupés d’Internet de façon quasi instantanée, selon le bon vouloir de leur dirigeant. Le Yémen, la Birmanie, Cuba ou encore l’Ethiopie figureraient sur la liste, tandis que la Chine représenterait un risque faible, et la quasi intégralité des démocraties occidentales un risque nul.

Pour établir cette classification des risques, la société Renesys s’est concentrée sur le nombre d’entreprises autorisées à fournir un accès à internet, considérant qu’un monopole engendrait une vulnérabilité accrue, de par la dépendance que cette entreprise créerait pour toutes celles requérant ses services. Ce n’est qu’à partir de 40 fournisseurs qu’un pays serait considéré comme capable de résister à toute volonté de coupure.  

Le résultat est visuellement intéressant, quasiment l’ensemble de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie présentant des risques à des niveaux divers. Il est d’ailleurs en partie confirmé par l’actualité assez chargée ces derniers temps pour ce qui est de la cyber-censure : le président Moubarak n’avait-il pas ordonné la coupure d’Internet en janvier 2011 lorsqu’il commençait à perdre pied dans sa lutte pour son maintien au pouvoir ? Pas plus tard que la semaine dernière, le régime syrien n’a-t-il pas fait preuve d’un calcul stratégique pour le moins idiot en coupant pendant trois jours toutes les communications du pays ? N’y-a-t-il pas, à un niveau beaucoup plus faible certes, des épisodes de cyber-censure avec des coupures ciblées opérées par le régime chinois ?

Ces exemples montrent que l’on a beau associer Internet à la mondialisation, au dépassement des frontières, en mettant en exergue sa capacité à supplanter le pouvoir des nations, il n’empêche que chaque Etat a toujours la possibilité d’agir et de menacer directement et brutalement la puissance même d’Internet. En se coupant de ce dernier, l’Etat lui fait perdre par la même occasion une partie de sa spécificité, à savoir son accessibilité universelle.

Mais pour autant, et c’est en cela qu’il faut se garder de tout alarmisme, l’Etat a tout à y perdre en coupant l’accès à Internet et ce pour plusieurs raisons :

  • L’opération de cyber-censure est connue de façon quasi immédiate.
  • L’Etat doit faire face à son opinion publique et à l’opinion internationale.
  • Il se coupe de tout contrôle des internautes alors que dans le cas syrien par exemple, cela permet à la Syrian Electronic Army de surveiller les communications.
  • Il ne peut éviter l’émergence de moyens de communication parallèles plus ou moins sophistiqués, fournis par les Etats-Unis par exemple ou par des hackers animés par des sentiments libertaires.

Ainsi, l’Egypte et la Syrie avaient étudié le « cas tunisien », lorsque Ben Ali avait brutalement coupé l’accès à Internet, scellant le désaveu du peuple à son encontre et sans que cela ne lui permette d’aboutir à une solution de sortie de crise. Leurs tentatives de couper Internet répondent donc plus à des logiques d’intimidation qu’à une réelle stratégie. D’ailleurs, ces deux pays ont rétabli leurs services d’accès à Internet, face à la gronde populaire nationale et face aux condamnations internationales.

On ne peut nier que l’Internet est aujourd’hui soumis à des pressions importantes, aussi bien économiques que géopolitiques. Ce n’est pas un outil apolitique ou purement technique. Il obéit à des impératifs politico-stratégiques majeurs, qui peuvent heurter les sensibilités de chacun. Au lieu de se focaliser sur la prochaine brève coupure d’Internet opérée par tel ou tel Etat, on ferait mieux d’étudier avec attention le sommet de Dubaï qui approche, et où va réellement se jouer l’avenir d’Internet.

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