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Roland Dumas, un Talleyrand au petit pied, chaussé Berluti
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"Ce ne serait pas plus mal qu'il reste. C'était quelqu'un qui tenait son pays". Ainsi s'exprimait Roland Dumas en parlant de Mouammar Kadhafi le 8 mars dernier... Mais qui est vraiment celui qui fut ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand et président du Conseil constitutionnel ?

Christian Millau

Christian Millau

Grand reporter, critique littéraire notamment pour le journal Service Littéraire, satiriste, Christian Millau est aussi écrivain.

Parmi ses parutions les plus récentes : Au galop des hussards (Grand prix de l'Académie française de la biographie et prix Joseph-Kessel), Bons baisers du goulag et aux éditions du Rocher,  Le Petit Roman du vin, Journal impoli (prix du livre incorrect 2011), Journal d'un mauvais Français (21 avril 2012) et Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi (Rocher, 2013)

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François Mitterrand haïssait Talleyrand qu’il trouvait « répugnant ». Il en eût toutefois un à ses côtés qui porta sa livrée. Un Talleyrand au petit pied – chaussé Berluti – dont il s’accommodait fort, tant l’animal était habile à naviguer entre turpitudes et services rendus à l’Etat. On disait à l’époque : « Mitterrand a deux amis avocats : Robert Badinter pour le droit,  Roland Dumas pour le tordu ».

A 88 ans, en guise d’adieux à la scène, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui rêvait dans sa jeunesse de devenir chanteur lyrique, n’arrête pas d’en pousser une nouvelle, qui à chaque fois, nous laisse sans voix. Michel Charasse, observateur sagace en matière d’arsouillerie, à qui l’on demandait un jour quel était son personnage balzacien préféré, répondit : « naturellement et à tous égards, Roland Dumas ».

Il y a du Rubempré, du Rastignac et même du Vautrin dans celui qui, il y a une dizaine d’années, présidait le Conseil Constitutionnel avant d’être condamné pour complicité d’abus de confiance dans l’affaire de la succession du sculpteur Giacometti à douze mois de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende. Mais il fait penser plus encore à Henri de Marsay, le tigre sans faiblesses ni scrupules de « La fille aux yeux d’or », des « Illusions perdues » et de « Ferragus » qui finit président du conseil et chez qui « une flamme courte jaillissait de temps en temps des prunelles, d’ordinaire froides comme de l’acier ». Carnassier, lui aussi, aux détentes redoutables, sous son air d’abonné à l’Opéra Garnier, Roland Dumas est également abonné à la chance comme d’autres le sont à la guigne.

L'ami des dictateurs

Quand il se jette au cou de Kadhafi, assurant que lui seul possède un « pouvoir légal » (excusez du peu : après s’être auto-promu colonel, le capitaine Kadhafi avait chassé le roi et pris sa place, pour liquider, ensuite, ses bons camarades de complot), c’est encore le moment où l’on ne donne pas cher de la peau de l’Ubu de Tripoli. Eh bien, le voilà  qui à présent écrase son malheureux peuple et l’on verra peut-être bientôt notre preux Roland sabler le champagne avec le psychopathe des sables.

Quand il se rend à Abidjan avec Me Jacques Vergès et proclame que son vieux comparse de Laurent Gbagbo, qui bourre les urnes à la vitesse du singe grattant ses puces, « représente une Afrique nouvelle, une Afrique qui ne s’incline pas », le monde démocratique déclare vainqueur légitime son adversaire Ouattara. Ce dernier ne saurait donc s’attarder bien longtemps ; mais qu’à cela ne tienne. Dumas a une main d’enfer et encore aujourd’hui, on n’a toujours pas réussi à sortir le président sortant. « La chance, c’est ce qu’on ne mérite pas », disait Paul Guth, mon professeur à Janson de Sailly. En vertu de quoi, notre moraliste, même sous des trombes d’eau, à quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent les pieds secs.

Paix aux cendres des crapoteuses affaires Elf et des frégates de Taiwan dont il se tira avec souplesse après avoir écopé de six mois fermes et deux ans avec sursis. Ne tirons pas non plus de la corbeille aux vieux papiers les écoutes de la cellule de l’Elysée. Sortons plutôt du cabas des marchandises plus fraîches telles que le soutien à Dieudonné, condamné pour propos antisémites ou la photographie où on le voit aux côtés de Bruno Gollnisch et Jany Le Pen. Il ne manquait que son vieux copain Jean-Marie avec qui, au début des années 80, il avait fignolé l’émergence du Front National afin de le mettre dans les pattes du RPR et de l’UDF et faire voter en sous-main pour Mitterrand.

Curieusement, un silence assourdissant accueillit, le 16 décembre dernier dans l’émission « Ce soir ou jamais » de Frédéric Taddéi, des propos qu’auraient pu tenir l’ineffable Marion Cotillard ou le comique troupier Jean-Marie Bigard. « Le 11 septembre, avait-il lâché, je n’y crois pas ». Les calembredaines de notre vieux Dumas nous auraient-elles rendus sourds ?

Le dernier livre de Christian Millau s'intitule Journal Impoli, un siècle au galop 2010-1928 (Le Rocher Littérature, 2011).

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