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La zone euro a-t-elle raison de s'inquiéter que Londres soit la première place financière européenne ?
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Droit de City

Christian Noyer a effectué lundi une sortie sur la légitimité de la City à être la première place financière d'Europe. Le président de la Banque de France semble cependant oublier que cette place est due au savoir-faire inégalé des Britanniques en la matière.

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi est président de Société, auteur d’ouvrages financiers, Enseignant à Sciences Po Aix et Neoma.

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Atlantico : M. Noyer, président de la Banque de France, a fustigé hier le fait que la principale place financière d'Europe se situait en dehors de la zone euro. En quoi cette configuration est un problème pour la monnaie unique ?

Jean-Michel Rocchi : Critiquer Londres doit d’abord s’analyser comme un aveu de faiblesse :

- les pays de la zone euro se portent globalement mal et assez logiquement leur monnaie est fragilisée

- si l’euro se traite davantage à la City c’est parce qu’elle est aux yeux de la communauté financière perçue comme la place la financière la plus compétitive

- elle bénéficie d’avantages concurrentiels qui lui sont propres (banque d’affaire plus développée, présence des fonds souverains, importance des hedge funds, fonds de private equity, présence des meilleurs professionnels)

- la common law est devenue le cadre juridique usuel des investisseurs.

Pourquoi ne pas essayer de remédier à ses faiblesses plutôt que comme toujours être tentés par la bureaucratie et le protectionnisme ?

En souhaitant réduire l'importance de la finance britannique la zone euro ne fragilise-t-elle pas un partenaire européen de premier plan ? Pourrait-on à la place imaginer une coopération renforcée et plus équilibrée entre la Grande Bretagne et le Continent ?

Je pense qu’une fois de plus l’analyse des hauts fonctionnaires est décevante car le marché une fois de plus est perçu non pas comme une opportunité extraordinaire mais comme une force malfaisante qui engendre une peur absolue et dont il faut absolument  se protéger. La City est elle même aussi « challengée » par des places financières qui séduisent de plus en plus les investisseurs institutionnels. En effet, la réalité c’est que la place de Londres commence à être sérieusement attaquée par des places financières certes émergentes mais de plus en plus plus attractives comme peuvent l’être désormais Hong-Kong ou même Dubaï. La Suisse et Singapour sont elles aussi à être sérieusement ébranlées dans leurs anciennes certitudes.   

Quels seraient, le cas échéant, les candidats de substitution les plus crédibles pour l'UE ?

Malheureusement, le constat est sans appel. Aucune place continentale n’est véritablement crédible dans les pays de la zone euro pour jouer un rôle international. Les places comme Paris, Francfort ou Milan, ne peuvent pas espérer autre chose que de prospérer sur leur propre marché domestique dans un cadre ultra-protégé. Les industries bancaires bénéficient en effet d’un niveau élevé de protectionnisme qui est dissimulé derrières les soit disant garanties offertes aux investisseurs et aux déposants (du type directive AIFM). Les investisseurs internationaux ne sont plus dupes depuis longtemps, mais la banque de détail demeure incontestablement plus captive.

Le prix à payer risque d’être une industrie qui dans les faits (ou factuellement)  demeurera peu performante, ne se réformera pas et sera condamnée à un lent déclin.

La réalité ce sont les sorties massives de capitaux de la zone euro, et il ne s’agit pas uniquement de considérations fiscales (« on vote avec ses pieds » selon l’expression bien connue). Le constat est malheureusement plus grave : il s’agit clairement d’une expression de défiance à l’égard de la zone euro et de déconsidération au profit d’autres zones. Les affaires ont lieu ailleurs.

Que les pays de la zone euro commencent à réduire leurs déficits budgétaires abyssaux et ils pourront peut être espérer jouer un rôle grandissant en rétablissant un début de confiance auprès des milieux d’affaires internationaux.     

Peut-on considérer qu'une vision anglo-saxonne de la finance s'est imposée a l'Europe, parfois a son détriment ? 

La finance est anglo-saxonne c’est un fait. De même que le Français n’est plus la langue qui domine le monde depuis la mort de Louis XIV, le déplorer ne sert à rien. La France pas plus que l’Allemagne ne constituent des places financières. Pourtant, les choses peuvent toujours s’améliorer. La voie du progrès passe par une amélioration de la productivité et une modernisation. La solution qui semble s’esquisser risque d’être une fois de plus la bureaucratie et le protectionnisme déguisé pour essayer de lutter contre la prééminence de la City. Si tel était le cas, il n’en sortira comme toujours rien de bon. La situation pourrait même accroître encore les sorties de capitaux. Une place comme Paris souffre d’une instabilité juridique et fiscale qui nuit profondément à l’environnement des affaires. Pour le prix nobel d’Economie Douglas North le rôle des Etats devrait pourtant être de réduire les incertitudes.  Enfin, comme le disait Benjamin Franklin « Where Liberty Is, There Is My Country » (Ou se trouve la liberté, se trouve mon pays), la finance internationale pense ainsi, il serait temps que les gouvernants nationaux le comprennent avant qu’ils ne réveillent dans un pays sans capitaux.   

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