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Front national : comment Louis Aliot s'est imposé comme le VRP de la dédiabolisation du parti
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Grand ménage

Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard expliquent comment Louis Aliot est devenu le chantre de la dédiabolisation du FN. Extrait de "Dans l'ombre des Le Pen : une histoire des numéros 2 du FN" (2/2).

Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard

Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard

Nicolas Lebourg est historien (CRHiSM-Université de Perpignan Via Domitia), spécialiste des extrêmes droites.

Joseph Beauregard est auteur et documentariste.

Ils sont les auteurs du livre "Dans l'ombre des Le Pen : une histoire des numéros 2 du FN" aux éditions nouveau monde poche.

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5 décembre 1998. Louis Aliot vient juste d’intégrer le conseil national quand celui-ci se déchire sous ses yeux. Il est révulsé d’entendre huer et siffler son président. Il est ulcéré d’entendre traiter de « nègre » le conseiller Stéphane Durbec – qui démissionne en 2012 en estimant qu’il ne peut plus être la caution noire et musulmane d’un FN ayant choisi « l’islamophobie ». De retour à Toulouse, il adresse un courrier aux militants de Haute-Garonne, les adjurant de demeurer fidèles. Il y attribue la crise au rôle des médias, cherchant à « nous braquer les uns contre les autres » et à la volonté de Charles Pasqua de faire exploser le parti au profit du RPR. Il met en cause « une minorité d’activités extrémistes qui… développent et diffusent des pensées racialistes et démagogiques que Jean-Marie Le Pen a décidé de ne plus accepter ». Il dénonce les « mensonges », les « calomnies » et la « folie putschiste » de ceux qui voudraient détruire le parti et son président. Spécifiant qu’il a pris « le chemin de l’honneur, de la fidélité et de la discipline », il appelle les militants à ne pas répondre à la pétition exigeant la convocation d’un congrès. Il adresse copie au siège. Samuel Maréchal apprécie le document de son cadre occitan, il le fait lire à son beau-père. Au nom de Bruno Gollnisch, une copie du document est envoyée à tous les adhérents. Carl Lang nomme Louis Aliot secrétaire départemental en lieu et place du mégrétiste en poste. Le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen participe aussi à la scission. Le président propose le poste au fidèle toulousain. Louis Aliot est nommé directeur de cabinet en janvier 1999.

Bien qu’il convienne sans ambages que sa promotion fulgurante dans le parti ait eu lieu grâce à la scission, il en conserve un vif ressentiment pour les mégretistes : « Quand Mégret trahit, ce n’est pas que Le Pen qu’il trahit. Il détruit un truc où on a sacrifié des carrières, des vies universitaires, nos vies personnelles. C’est nous tous qu’il trahit. » Le contact entre les deux générations se passe bien. Pour Louis Aliot, son président « est tel que je me l’imaginais. Il est tout le temps de bonne humeur, il rigole, beaucoup d’humour, et surtout une connaissance historique qui finalement m’apprend beaucoup sur l’Algérie ». En retour, le vieux chef le trouve « courageux, intelligent, dévoué… quelques fois assez vif ». L’efficacité de leur relation tient probablement aux caractères des deux hommes. Tous deux sont fiers de leurs racines populaires et de leur cursus universitaire, sans toutefois avoir fait leurs les codes comportementaux de la bourgeoisie comme en témoignent leurs sensibilités éruptives. Jean-Marie Le Pen ne supporte pas qu’on lui résiste, mais encore moins qu’on ne lui résiste pas. Dans des relations en face-à-face, il est apte à la discussion. Or, le directeur de cabinet, par définition, est dans cette position de dialogue, et non de contradiction publique. Quant à Louis Aliot, il entretient vis-à-vis de Jean-Marie Le Pen une fidélité absolue à sa personne, tout en épousant une ligne qui épure Jean-Marie Le Pen de ses radicalisations des années 1987-1998. C’est un lepéniste inconditionnel mais dubitatif face au lepénisme. Il exorcise en fait le lepénisme de sa « diabolisation » pour en faire ce que l’on nommera le « marinisme » : « Jean-Marie Le Pen ne veut pas être pris en défaut par le système. C’est un anarchiste complet, il ne veut pas être emmerdé, dit-il. Alors il accueille aussi tous les parias. Les parias, quoi qu’ils disent comme conneries, ils ont sa sympathie. Mais Le Pen sait que le chemin qu’il aurait dû prendre c’est celui qu’a pris Marine aujourd’hui. » Cependant, en 2000, le directeur de cabinet rend son tablier pour pouvoir être auprès de sa famille lors de la naissance de son premier enfant. Il envisage d’arrêter la politique après la présidentielle de 2002 et de se consacrer à la carrière universitaire, appréciant profondément l’enseignement. Mais surtout, quelques doutes politiques le travaillent. S’il n’en a aucun sur Jean-Marie Le Pen, il en nourrit quant à la suite, lâchant : « C’est l’avenir après Le Pen que je n’arrive pas à déceler. Ce n’est pas la question de qui, c’est la question de qu’est-ce qu’on va faire ? Il y aura quelque chose, mais si ce quelque chose consiste à se réunifier avec ceux qui nous ont craché dessus, pour moi, c’est non. » La campagne électorale lui permet de trouver la solution à son dilemme : l’après Le Pen doit encore se nommer Le Pen…

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Extrait de "Dans l'ombre des Le Pen" aux éditions nouveau monde poche (30 novembre 2012)

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