Japon : faut-il reposer la question du principe de précaution ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Japon : faut-il reposer la question 
du principe de précaution ?
©

Débat catastrophe

Après le séisme survenu au Japon, la question du principe de précaution ressurgit dans le débat public... mais il convient de faire la part des choses.

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

Voir la bio »

Le Japon vient d’être touché par deux catastrophes naturelles. A cela s’ajoute des accidents nucléaires majeurs. On entend maintenant les écologistes de tout poil s’exprimer sur les dangers du nucléaire, l’intérêt de la décroissance, le manque de précautions prises par les autorités japonaises et autres arguments qui sont rabattus depuis des années.

Sans déplorer la récupération de ces évènements par un discours politique creux, il est important d’en noter l’absurdité. Premièrement, il est difficile d’accuser le Japon de ne pas tenir compte de son environnement. Il s’agit certainement de la civilisation la plus concernée par la problématique environnementale (cf. Nishida et Watsuji, et aussi Augustin Berque, Ecoumène). N’oublions pas que c’est Descartes qui a voulu rendre “L’homme maître et possesseur de la nature” et certainement pas un samouraï !

Deuxièmement, on ne parle jamais assez de la pollution liée aux batteries chimiques des éoliennes, à l’extraction des matériaux nécessaires à la fabrication des panneaux solaires, ou de la destruction des terres agricoles dédiées à la nourriture pour cultiver de quoi produire des bio-carburants, etc… Bref, les différentes catastrophes japonaises doivent nous inviter à une réflexion plus profonde que celles que propose habituellement le débat français.

De la catastrophe au principe de précaution

En ces temps de catastrophes naturelles et nucléaires il est nécessaire de s’interroger sur la notion même de précaution et sur ce fameux principe constitutionnalisé par la France. Fait-il défaut au Japon ? Cela expliquerait-il le manque de précaution des autorités japonaises vis à vis de leurs installations nucléaires ?

Il est étonnant de voir l’idée de précaution venir justifier a posteriori la catastrophe. Et pourtant c’est ce que l’on entend de diverses manières dans la bouche des ministres français analysant les catastrophes japonaises lorsqu’ils parlent, étrangement – pour rester courtois – de “retour d’expérience”. Au-delà du nucléaire, la situation au Japon doit nous inviter à nous interroger sur le principe de précaution à la française et sur ses conséquences.

On peut voir deux origines à ce principe français : la philosophie de Hans Jonas (Le Principe responsabilité) et celle de Jean Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé). Deux visions de la catastrophe et, si j’ose dire, deux visions du monde.

Le principe de précaution version Hans Jonas

Pour Jonas, le progrès technique est, depuis la seconde guerre mondiale, potentiellement porteur de la destruction totale de l’humanité. Afin de se prémunir de se risque il faut donc toujours se demander si la découverte que porte telle ou telle théorie scientifique n’est pas elle-même porteuse d’une telle possibilité de destruction.

Si tel est le cas, ou si on ne peut démontrer le contraire, il faut alors appliquer le principe responsabilité et suspendre toute action à venir. Voilà donc l’explication du retard toujours plus abyssale de la France en matière de recherche sur le vivant ? S’agit-il d’un principe nécessaire à la sauvegarde des générations futures, ou simplement d’un principe conservateur et réactionnaire ? Je vous en laisse, cher lecteur, seul juge…

Le principe de précaution version Jean-Pierre Dupuy

De l’autre côté de la route, on retrouve Jean-Pierre Dupuy. Pour lui, la catastrophe est inévitable. Il ne sert donc à rien de vouloir s’en prémunir au sens stricte. Par contre, il est possible d’en anticiper les conséquences et donc de se préparer au pire. Au-delà de la polémique sur la definition du pire, il est ici étrange de vouloir porter le terrain de la réflexion sur un avenir hypothétique.

Je suis moi-même un lecteur avide de science-fiction, mais je n’en fais pas pour autant un principe de jugement de l’action et par extension un moyen de désignation d’un futur coupable qui n’aurait pas bien anticiper les conséquences possibles, probables et improbables de la catastrophe ( comme on le fait aujourd’hui vis-à-vis du gouvernement japonais qui n’aurait pas suffisamment anticiper les risques de tsunami). Mais qui peut bien dire ce qui est capable de résister à un tremblement de terre sans précédent et à une vague haute comme un immeuble de 4 étages ?  Superman et Batman en sont certainement capables, mais qui peut lutter avec l’homme d’acier et le plus grand détective du monde aujourd’hui ?

Des limites de la précaution...

En attendant la prochaine catastrophe (un album de Céline Dion, une attaque bio terroriste, sans oublier les abeilles tueuses) je vous laisse réfléchir à l’opportunité de rechercher les responsables des conséquences d’une catastrophe. Réfléchissez aussi à l’opportunité de suspendre toute recherche et toute prise de risque afin d’éviter l’hypothétique disparition prochaine de l’espèce humaine à cause d’un docteur Folamour.

Surtout, n’oublions pas que le peuple japonais n’est ni responsable, ni coupable de ce qui lui arrive. Les “écolos” franchouilards imbibés de moraline ont trop tendance à l’oublier pour servir “leur cause”.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !