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Pourquoi François Hollande a raison de mentir sur les objectifs de croissance française
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Positive attitude

Après la dégradation de la note de la France par l'agence de notation Moody's cette semaine, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a insisté sur le maintien d'une perspective de croissance à 0,8% pour 2013.

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau est l'ancien patron du marketing chez Citibank, ancien Directeur général des groupes Crédit Lyonnais et HSBC.

Il a notamment publié La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance, paru aux éditions Jacques Flament en 2011.  Il publie également "Au pays de l'eau et des dieux"

Il tient également un blog évoquant les questions économiques et financières.

 

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0,8% de croissance, en 2013, le chômage qui commence à diminuer, décroissance de la dette en 2014…inflation limitée…Le président qui fait de telles promesses est-il un équilibriste ou un bonimenteur de place de village ?

Et si le président avait raison de lancer des chiffres qui fleurent (trop) l’optimisme ? On dira, qu’il n’est pas du rôle du président que de plonger son pays dans la dépression psychologique parce qu’il craint, qu’il a toutes les raisons raisonnables de craindre, l’arrivée d’une dépression économique. On dira qu’un président "normal" est quelqu’un qui, dans la tempête, alors que l’esquif est ballotté par des vagues gigantesques, demande à l’équipage de croire qu’on peut s’en sortir. Il n’a aucune raison de noircir les tableaux : le reste du monde, à commencer par ses ennemis en terminant par ceux qui se prétendent ses amis, va s’en charger. Il aurait donc raison de prendre le risque de décrire un avenir moins noir ?

Il faut  poser la question autrement. Les chiffres cités contiennent par eux-mêmes l’énoncé du problème. 0,8 % de croissance ? La France est ouverte sur le monde extérieur, 30% du PNB dépend de l’étranger, un peu plus de la moitié de ses exports vont vers l’Union européenne. Que se passera-t-il si le monde extérieur et surtout l’Europe pataugent ? Zéro de croissance dans le monde en 2013, cela ne donnera surement pas 0,8% de croissance pour la France ! Pire : on sait que la récession s’installe doucement et tranquillement en Allemagne. C’est normal. A force d’austérité, les Espagnols, les Portugais, les Français, les Italiens réduisent leur consommation. Or les pays de l’Union européenne contribuent à 80%¨à l’excédent commercial allemand. Les Européens ont-ils encore de l’appétit pour les belles bagnoles allemandes ? En ont-ils seulement les moyens ? Or L’Allemagne à l’industrie arrogante et triomphante doit beaucoup à ses bagnoles ! Trop peut-être ? Quelle importance pour le président français ? Essentielle ! C’est ici que ses annonces se montrent pour ce qu’elles sont : stratégiques.

Après avoir sermonné la Grèce, puis l’Espagne, puis…. les Allemands, aveuglés par l’intime conviction de leurs ménagères électrices, en sont  à se saisir du cas français et à réfléchir à la politique que les Français devraient suivre, se préparant à l’assaut en matière de recommandations et de conseils, voire d’objurgations et d’exigences. Plus proche est la dépression,  plus ses répercussions menacent les bons élèves du Nord et plus les positions de principe se crispent : les bons élèves se renforcent davantage encore dans leurs convictions de bons citoyens de l’Europe. Ils se confortent en assistant, comme s’ils pouvaient se contenter d’être spectateurs, à l’explosion des désordres dans le Sud et aux manifestations anti-austérité. Les donneurs de leçons sont-ils si sûrs de leurs arrières ? Croient-ils être "dépression proof ?"

Si les Allemands ne veulent pas voir que les politiques d’austérité style "ménagère allemande" sont en train de plomber l’Europe, si les voyages d’Angela Merkel dans les pays du Sud, les "cigales" ou les BRICS, n’ont pour but que de stimuler l’enthousiasme des foules pour la "règle d’or", s’il s’agit de faire comprendre que les méchants seront punis, avec la Grèce pour faire un exemple, alors, oui, le président optimiste aura menti : "les faits ne lui donneront pas raison". Malheureusement pour tout le monde, la situation européenne sera telle que personne ne pensera lui reprocher "ses visions ensoleillées".

Alors l’annonce présidentielle est-elle si déraisonnable ?

Non, si l’Allemagne cesse de se fantasmer "modèle pour tout le monde" et de se comporter en fossoyeur de l’idée et de la réalité européennes. Non, si le concert européen cesse de jouer la partition Merkelienne : "les bons du Nord et les méchants du Sud". Non, si la croissance redevient une "idée moderne".

Oui, si telle que l’Europe est conçue et pensée par l’Allemagne, la croissance n’est qu’un sous-produit de l’austérité. S’il faut purger, comme chez Molière, sauf que ce ne sera pas drôle : la dépression des uns deviendra celle des autres. Dans ces conditions, personne ne s’avisera de réfléchir aux prévisions que le président n’aurait pas dû faire ou de condamner a posteriori ses chiffres optimistes.

L’annonce présidentielle est stratégique en ce sens que ne pouvant rien imposer à l’Allemagne, la France doit lui opposer, dans un contexte d’efforts et de respect des idées d’outre-Rhin, que la croissance est nécessaire et que l’Europe ne peut pas être le champ clos d’une bataille stérile de principes économiques antagonistes.

Elle est stratégique à ce point que si les "faits ne lui donnent pas raison", on devra lui être reconnaissant de passer le plus vite possible à d’autres sujets ! Par exemple : "la France quitte l’euro" !

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