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Islam : les nouvelles générations n’ont pas le même rapport à la religion que leurs parents, qui pratiquaient toujours avec discrétion
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Bonnes feuilles

Les nouvelles générations n’ont pas les mêmes vues sur l'islam que leurs parents et grands-parents, lesquels ont toujours pratiqué leur religion avec discrétion, conviction et dans l’acceptation de l’autre, selon Raouf Oufkir. Extraits de "Pourquoi l'intégrisme nous menace ?" (1/2).

Raouf  Oufkir

Raouf Oufkir

Raouf Oufkir est né au cœur du pouvoir marocain. Il a passé vingt ans dans les oubliettes d'Hassan II (il a raconté cette épreuve dans Les Invités, paru chez Flammarion en 2003). Francophone et francophile, il est né musulman mais se déclare laïc, libéral et démocrate. Il vit depuis 1996 en France. Il a fait notamment des études d'histoire, dont un mémoire de DEA qui portait sur les mouvances islamistes dans le monde. Il est l'auteur de Pourquoi l'intégrisme nous menace ?

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L’islam d’hier, dans certains milieux, n’est certes pas celui d’aujourd’hui. Ni dans le monde, ni en France d’ailleurs. Le fléau de l’islamisme intégriste radical, autant dans ses pays d’origine qu’en Occident, explique en grande partie cette réalité. Il y a, en effet, une grande différence entre la conception, la pratique et le rapport à l’islam des premières générations et ceux de certains de leurs descendants en 2012.

Un élément primordial distingue les premiers immigrés de leurs petits-enfants, ou arrière petits-enfants : pour ceux ayant une certaine connaissance de l’islam, les nouvelles générations n’ont pas les mêmes vues sur lui que leurs parents et grands-parents, lesquels ont toujours pratiqué leur religion avec discrétion, conviction et dans l’acceptation de l’autre, comme le leur avaient enseigné leurs ancêtres. Car il faut rappeler, cela me semble essentiel, que l’islam nordafricain, contrairement à ceux de la péninsule Arabique, de l’Iran, du Pakistan ou de l’Afghanistan, a toujours été parmi les plus ouverts et tolérants. Mais, en ce début de XXIe siècle, la violence de l’islamisme radical a dénaturé dans certains esprits la vision et la pratique mêmes de la religion.

Jusque vers la fin du XXe siècle, l’islam radical était très marginal, et sa confrontation avec l’Occident « infidèle et impie » ne s’exprimait pas aussi ouvertement. Au cours des décennies qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, les premiers immigrés et leurs descendants baignèrent uniquement dans la réalité géopolitique de leur temps : ils étaient face à un monde bipolaire né de la Guerre froide, opposant les démocraties occidentales et leurs alliés à l’URSS et à ses satellites. Dans un temps, aussi, où, contrairement à la médiatisation à outrance actuelle, on ne divulguait pas dans l’instant et on n’offrait pas un écho planétaire à toutes les pratiques extrêmes d’une religion, quelle qu’elle soit. L’époque, certes, connaissait déjà des confrontations idéologiques, mais leurs connotations religieuses étaient faibles, pour ne pas dire pratiquement inexistantes. Les premiers Maghrébins et Africains musulmans arrivés en France ont donc d’abord grandi avec la conviction que leur religion était comme toutes les autres ; qu’on pouvait la pratiquer sans être pointé du doigt. Le prosélytisme agressif de l’islamisme radical n’existait pas dans les cités. Ainsi, ont-ils vécu en harmonie avec les autres cultes, d’autant que les pays nord-africains étaient eux-mêmes marqués par la présence du judaïsme et du christianisme en leurs terres, et avaient aussi, pendant des siècles, pratiqué ces deux religions, et cela bien avant l’arrivée de l’islam au Maghreb en 640.

Les immigrés maghrébins cantonnaient, donc, dans ces décennies, leur religion à la sphère privée, et ne pensaient qu’à travailler dur pour nourrir et éduquer leur famille. À cette époque, les croyants priaient chez eux et ne se sentaient pas l’obligation d’exposer leurs prières sur la voie publique pour s’acheter une « réputation d’homme pieux »… À l’exception de la prière du vendredi – qui peut être comparée à la messe du dimanche chez les chrétiens –, les musulmans ne se rendaient pas systématiquement à la mosquée, convaincus, comme le disent les sages de l’islam, « que Dieu écoute les prières sincères indépendamment du lieu d’où elles sont proférées… ».

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Extraits de Pourquoi l'intégrisme nous menace, aux éditions Pygmalion, pp.145-147

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