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Sommet européen : ces sujets occultés par des négociations sur le budget déjà en échec
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Cartes sur table

Le sommet européen s'ouvre ce jeudi à Bruxelles sur fond de fortes tensions autour du budget européen. Au-delà des rapports de force entre les différentes parties prenantes, de nombreux sujets éminemment plus importants pour l'avenir de l'Union risquent d'être occultés par les négociations.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Les négociations sur les perspectives financières devant fixer le cadre du budget de l’Union Européenne pour les années 2014-2020 s’annoncent périlleuses. Quoiqu’indépendantes de celles couvrant la rectification du budget 2012 et le projet de budget 2013, qui n’ont toujours pas trouvé d’issue, les positions tranchées et incompatibles affichées par les protagonistes, relatives aux propositions qu’elles émanent de la Commission, du Président de l’Union ou de la présidence Chypriote, constituent un très mauvais présage. Cependant, les différences en valeur absolue représentent des montants relativement limités et certainement dérisoires par rapport à la somme totale des dépenses publiques des 27 pays Membres, d’autant plus qu’ils comptabilisent tous leurs contributions en « dépenses » mais omettent d’inscrire les « retours » en recettes.

Le vrai problème n’est pas de trouver un compromis à l’intérieur des paramètres avancés qui permettrait à tel Chef d’Etat ou de Gouvernement de clamer « victoire » et de recueillir l’approbation de son opinion publique nationale ou à tel autre de se vanter d’avoir préservé l’unité des Pays Membres.

Le drame est le manque total d’ambition et de vision des négociateurs ! En effet, il est dores et déjà clair que même si le projet le plus ambitieux (celui de la Commission, déjà en retrait des propositions du Parlement Européen) devait être adopté, le cadre budgétaire pour les 7 années à venir serait privé des ressources élémentaires nécessaires pour financer toute avancée significative en matière de politiques communautaires devant servir à relancer la croissance et favoriser l’emploi. Prendre en otage le budget européen au motif que la crise impose l’austérité à tous les Pays Membres est hypocrite car cela empêche de mettre en œuvre progressivement la solidarité que tous réclament mais qu’aucun ne veut financer ! In fine, peu me chaut que ce soit l’exigence des Britanniques de geler le budget au niveau de 2011 ou la proposition de la Commission marginalement plus ambitieuse qui l’emporte ; dans tous les cas le résultat sera totalement en deçà des besoins.

S’engager en pleine crise dans un exercice qui fixe un carcan budgétaire rigide jusqu’en 2020 risque d’asphyxier le processus d’intégration et ôter tout espoir au citoyen de trouver dans l’Union une réponse crédible, ne fusse que partielle, aux défis politiques, économiques et sociaux posés par un monde en mutation profonde. Le résultat inévitable sera de renforcer le nationalisme et le protectionnisme, annonciateurs de la fin inexorable de cette magnifique aventure qui a si bien servi l’Europe depuis 1945.

Même si cela paraît utopique, le Conseil Européen devrait, plutôt que de perdre son temps à la recherche d’un mauvais compromis, se limiter pour l’instant à l’adoption de budgets annuels (et d’abord celui de 2013) et réfléchir à complètement redéfinir le cadre budgétaire de l’Union sur le long terme, lequel devrait être intégré dans un nouveau Traité. Ceci implique de doter l’Union de suffisamment de « ressources propres » pouvant servir de socle à une importante capacité d’emprunt autonome, encore largement sous utilisée.

Poursuivant l’utopie, l’Union pourrait se fixer comme objectif d’atteindre en 20 ans un budget égal à 20% du PNB en l’augmentant chaque année de 1% de celui-ci. Le financement pourrait être réparti entre, d’une part, des nouveaux prélèvements « européens », par exemple 0,01% sur les factures d’électricité et de communications (facile à collecter étant le nombre limité des pourvoyeurs) et d’autre part, des contributions des Pays Membres dans la mesure où le budget européen se substituerait à des dépenses nationales (défense – affaires étrangères – recherche et développement – éducation, etc.).

Une telle perspective sur le moyen et long terme dégagerait des marges d’intervention très considérables ; elle redonnerait vigueur et donc de espoir au projet européen tout en donnant le temps au temps pour une mise en œuvre progressive. Cette initiative pourrait se fondre dans les propositions faites en septembre dernier par l’Institut Thomas More (Le fédéralisme … c’est maintenant !) prévoyant une Union à deux vitesses où les Membres de la Fédération souscriraient à l’ensemble de l’acquis alors que les Membres de l’Union seule rapatrieraient les compétences budgétaires et perdraient leur voix au chapitre, tout en pouvant participer « à la carte » aux politiques communautaires.

Voilà un débat de fond qui mérite d’être entamé plutôt que de se laisser enfermer dans les mesquineries d’une négociation de « marchands de tapis » dont l’issue ne peut que décevoir. Le spectacle de désunion qui serait donné par une incapacité d’arriver à un accord sur le budget serait aussi de nature à mettre en doute la capacité de l’Union d’avancer sur les autres dossiers brûlants tels que celui de l’Union bancaire ; alors il n’y aura pas lieu de s’étonner si les marchés réagissent avec nervosité à un tel déballage d’incohérences.

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