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Pourquoi Nicolas Sarkozy a finalement renoncé à mettre en place "l'immigration choisie"
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Mea culpa

Malgré les promesses du candidat Sarkozy d'une "immigration choisie et réussie", les afflux de migrants et le nombre de naturalisation n'ont pas diminué sous son quinquennat. La faute à un diktat idéologique ?

Maxime  Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l’immigration, l’intégration des populations d’origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l’Intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog personnel.

Sylvain Saligari est avocat au barreau de Paris. Il est spécialisé dans le droit d'asile.

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L’idée qu’il serait possible d’interrompre totalement l’immigration relève de l’imposture et ne fait que nourrir le chaos qui règne en France sur cette question. Il faudrait interdire les mariages mixtes authentiques, aux universités d’accueillir des étudiants sérieux, ou aux entreprises de faire venir des cadres dont elles ont besoin. Je ne sais même pas si les Etats totalitaires du siècle passé ont réussi à verrouiller entièrement leurs frontières.

En revanche, en entrant dans le cabinet de Nicolas Sarkozy en 2005, j’avais l’espoir que la France pourrait sortir durablement du chaos migratoire dans lequel elle vit depuis des décennies et qui s’amplifie d’année en année. En effet, il y a bien longtemps que l’Etat a renoncé à assurer sa mission de garant des lois et de l’ordre public dans ce domaine. Dans un contexte de pression migratoire colossale à l’échelle du monde, les migrants, attirés par le travail clandestin et le système de protection sociale, entrent par tous les moyens dans le pays – passage des frontières, filières criminelles, visas de court séjour – sachant qu’ils ont peu de chance d’être expulsés et en attendant une régularisation qui finit un jour ou l’autre par arriver. Ce désordre ne profite à personne, surtout pas aux arrivants, plongés dans la précarité et la marginalisation. Il est à l’origine de la ghettoïsation des populations d’origine étrangère dans les « cités sensibles », de l’exclusion, du chômage des étrangers, de la révolte et de la montée des violences, du repli identitaire, de la fragmentation de la société.

En 2005, à travers le thème de l’immigration choisie, nous voulions organiser l’immigration, y apporter de l’ordre et de la cohérence. L’Etat doit pouvoir décider qui il accueille, dans quelles conditions, quelles limites et selon quels principes. La France ne peut pas recevoir tout le monde. Il faut au moins disposer d’un travail, d’un logement, faire preuve de sa volonté de se plier aux règles du pays pour pouvoir s’y installer, en nombre compatible avec ses capacités d’accueil, notamment les perspectives d’emploi. En période de fort chômage, l’immigration doit être restreinte au strict minimum ce qui implique une réduction sensible du flux migratoire annuel estimé aux alentours de 200.000. En tout cas, il faut être en règle, disposer d’un visa de long séjour, accordé avant l’arrivée en France, sans lequel il est impossible de s’installer dans le pays. Celui qui fraude, entre et réside sans y avoir le droit, en forçant le passage et en violant la loi de la République, devra inéluctablement repartir. Les régularisations, sauf quelques cas humanitaires, doivent être bannies. Ce sont les consulats (donc avant l’arrivée) qui délivrent les visas de long séjour et non les préfectures qui régularisent des migrants illégaux.

Cependant cette démarche, la seule raisonnable et réaliste, n’a été admise par personne. Elle est insupportable aux tenants de l’immigration zéro qui ne veulent pas voir la réalité, par aveuglement. Elle était totalement incompréhensible aux élites françaises, de droite comme de gauche, dont l’esprit est imbibé de l’idéologie exprimée par M. Kofi A.Annan en 2006, alors secrétaire général des Nations Unis selon laquelle « [l’immigration] est depuis toujours le moteur du progrès […] l’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de ceux qui s’exilent mais aussi font avancer l’humanité tout entière ». Cette idéologie prend le contrepied du « nationalisme intégral » exprimé par Maurras au début du siècle dernier selon lequel « la France n’est pas un terrain vague (1912) » alors en vogue auprès d’une génération. Mais toutes les idéologies sont excessives, manipulatrices, perverses et dangereuses. L’actuelle n’est pas meilleure que celle d’hier, cultivant elle aussi la naïveté et conduisant à l’abîme.

Sous l’influence de ce diktat idéologique, les éléments se sont déchaînés pour nous empêcher de réaliser nos projets : la presse et les médias, les associations les ont caricaturés (racistes, xénophobes), les partis politiques, les tribunaux les ont combattus avec un acharnement qu’on ne peut pas imaginer. Je songe au Sénat de droite, en 2006 et en 2007, qui a rejeté le principe du visa de long séjour obligatoire permettant de lutter contre les mariages blancs, ou à cet arrêt Dridi de la cour de justice européenne, en 2010 et son interprétation par les tribunaux français, qui ont quasiment interdit les reconduites à la frontière. De ce que nous avons voulu ou tenté de faire, organiser l’immigration, la soumettre au respect de la loi, à la volonté générale, il ne reste pratiquement plus rien. L’immigration reste subie, l’Etat mis devant le fait accompli. Les consciences peuvent-elles un jour évoluer dans le bons sens qui ne saurait être que celui du réalisme, de la mesure, de l’autorité de l’Etat ? L’occasion se représentera-t-elle ? Franchement, je n’en ai pas la moindre idée. En attendant…

Billet publié initialement sur le blog de l'auteur

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