Editorial
Renault sera-t-il le nouveau laboratoire de la réduction du coût du travail ?
Renault menait la danse dans les années 1950 en ce qui concerne les avancées données aux salariés. Mais avec la crise du secteur, cette tendance pourrait s’inverser. L’Etat, toujours actionnaire, devrait alors intervenir, et le cas de l’entreprise de devenir un test.
Renault a toujours été historiquement un précurseur de la politique sociale. Dès la fin des années cinquante, avec l’essor de la production automobile, l’entreprise publique donnait le « la » en faveur des salariés dans tous les domaines : rémunérations en hausse, congés plus longs, avantages en matière de prestations diverses. Ses initiatives faisaient ensuite tâche d’huile dans l’ensemble de l’économie.
Avec la crise, la chute des fabrications de voitures qui dépasse 20% depuis le début de l’année, Renault va-t-il encore rester un groupe innovateur, mais dans l’autre sens cette fois, celui de la réduction des avantages acquis pour s’adapter à un monde qui change, en clair, en prenant des décisions radicalement opposées, afin de retrouver la compétitivité disparue ?
Les dirigeants du groupe font un constat : les usines françaises connaissent des performances en perte de vitesse par rapport à celles qui produisent dans le reste de l’Europe ou au Maghreb. Le coût moyen par employé est beaucoup plus élevé, tandis que la durée du travail est plus courte.
Il devient donc indispensable de revoir une situation qui ne peut plus durer si l’on veut éviter d’autres délocalisations. Une négociation s’est engagée avec les syndicats dans un climat difficile pour ces derniers puisque leurs collègues espagnols viennent d’accepter des mesures draconiennes afin d’obtenir le maintien de l’emploi : la durée du travail sera allongée d’un à trois jours sans augmentation de salaires, les nouvelles embauches se feront à un niveau inférieur de 25% aux conditions actuelles.
Certes, il n’est pas question d’aller aussi loin en France. Et les syndicats vont se retourner vers l’Etat, qui est toujours actionnaire de Renault pour lui demander de faire entendre sa voix. Car l’attitude du pouvoir continue d’être ambiguë au lendemain de la conférence du chef de l’Etat.
Pour corriger l’impression de flottement qui a marqué les premiers mois de son mandat, François Hollande affirme soudain qu’il veut engager la réduction des déficits au pas de charge, en soulignant que l’accroissement des dépenses publiques passées en cinq ans de 52 à 57% du produit intérieur brut n’avaient pas permis de vivre mieux et qu’il était urgent de revenir à des prélèvements plus raisonnables, sans toutefois donner des indications précises sur les domaines où il faudrait manier la hache.
Pour l’instant, il considère qu’il en a assez fait avec le pacte de compétitivité et il renvoie la balle aux partenaires sociaux pour prendre à leur tour leurs responsabilités en proposant un certain nombre de réformes en matière de fonctionnement du marché du travail, pour en diminuer le coût.
Est-ce-à-dire que Renault pourrait constituer un test : en cas de succès, un accord pourrait être ensuite invoqué dans d’autres secteurs à l’image de ce qui se faisait dans le passé.
Mais, en cas d’échec, qui pour l’instant parait le plus probable, quelle sera l’attitude de l’Etat actionnaire, dès lors qu’il serait appelé à la rescousse ? Dans quel sens ferait-il entendre sa voix ? Certains estiment que l’ambigüité n’est pas levée et que le double jeu risque d’être toujours présent dans la dialectique du président.
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