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De l'hyper-président à l'hypo-président : Hollande met les média en cure de désintox'
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Sevrage

Après avoir fustigé "l'hyper-présidence de Nicolas Sarkozy", la presse fustige "l’hypo-présidence" de François Hollande. Les média seraient-ils en manque de la culture de l'urgence imposée par Nicolas Sarkozy ?

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : François Hollande a donné ce mardi sa première conférence de presse à l’Elysée alors qu’il traverse une passe difficile dans les sondages. Ce rendez-vous était pour le président de la République l’occasion de fixer un cap, mais aussi un exercice de style et de stature. Six mois après son arrivée au pouvoir, François Hollande a-t-il enfilé le costume de chef de l’Etat ?

Thomas Guénolé : En France, depuis de Gaulle, le président de la République est un monarque élu. La balance des pouvoirs est tellement déséquilibrée en sa faveur que les Français attendent de lui une réponse à toutes leurs préoccupations. Cela explique cette tradition des conférences de presse très longues et sur des sujets très variés, puisqu’alors, au sens strict, le monarque élu apporte ses réponses à toutes ces préoccupations. Dans l’ordre des symboles, on est là au cœur de la mystique de l’homme providentiel de la Ve République. Donc simplement en se livrant à cet exercice, qui plus est sans commettre d’impair, oui, François Hollande a davantage habité la fonction hier soir. Il a également imposé son propre style : en substance, un mélange de solennité, parfois jusqu’au surjoué, et d’humour, souvent empreint d’ironie.

Selon sa propre expression, François Hollande voulait apparaître "en première ligne". Est-ce la fin de la présidence normale ?

En tenant cette première longue conférence de presse semestrielle, le président a ressuscité une pratique qui remontait elle aussi au général de Gaulle : Georges Pompidou l’avait perpétuée, tout comme Valéry Giscard d’Estaing. François Mitterrand l’avait abandonnée. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ne s’y étaient livrés qu’une fois chacun. Plutôt que de présidence normale, on devrait donc parler de présidence "classique" ou "traditionnelle". Voire, si l’on s’amuse, de présidence  "vintage".

Après avoir fustigé "l'hyper-présidence de Nicolas Sarkozy", la presse critique "l’hypo-présidence" de François Hollande. Les journalistes sont-ils schizophrènes ?

Au sens étymologique, les médias sont des intermédiaires, puisque c’est le pluriel du latin medium. Ils servent notamment d’intermédiaires entre l’opinion et les détenteurs de pouvoir. Ministre de l’Intérieur puis président de la République, Nicolas Sarkozy a adopté pendant dix ans envers les médias, et à travers eux les électeurs, ce qu’on appelle une stratégie de sidération. Concrètement, il s’agit d’un bombardement permanent d’annonces de réformes, de déplacements filmés, d’interviews auprès de médias de tous types et de provocations sur le fond ou la forme de ce qu’on dit, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le but de cette stratégie de sidération était pour Nicolas Sarkozy d’établir un monopole sur l’attention des médias et, à travers eux, des électeurs. Cela a si bien marché qu’en 2007 comme en 2012, l’élection présidentielle n’a pas été une compétition, mais un référendum pour ou contre lui.
A l’heure des chaînes d’information en continu, du "tout, tout de suite", de la culture de l’urgence permanente dans nos vies professionnelles, les médias et les électeurs se sont vite habitués à leur dose quotidienne de spectacle sarkozyste, répondant à toutes leurs attentes, tout de suite, tous les jours, quitte à ce que ce soient souvent de purs effets d’annonce. Le nouveau président, lui, sitôt élu, rompt avec la stratégie de sidération et réhabilite le temps long, le temps lent, de l’action politique. Assez logiquement, quand François Hollande leur impose une cure de désintoxication de la sidération sarkozyste, médias et électeurs réagissent comme des drogués en manque : ils réclament leur dose. Reste à savoir si cette tentative de sevrage du "tout, tout de suite, tout le temps" fonctionnera.
Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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