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Barack Obama parviendra-t-il à trouver un accord pour éviter au monde la catastrophe de la "falaise fiscale" ?
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Trans Amérique Express

Tout juste réélu, Barack Obama se doit de trouver un consensus entre démocrates et républicains au Congrès pour trouver un accord sur la "falaise fiscale", un dispositif qui prévoit des coupes budgétaires automatiques comme jamais les Etats-Unis n'en ont connu.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Les Etats-Unis vont-ils éviter le précipice qui les attend ? Depuis la réélection de Barack Obama, une seule question monopolise média et politique, la « falaise fiscale », (« fiscal cliff », en anglais). De quoi s’agit-il ?

Concrètement, le Budget Control Act, voté par le Congrès le 2 août 2011, et permettant de relever temporairement le plafond de la dette, stipule que si une solution durable pour réduire le déficit budgétaire n’est pas trouvée avant le 31 décembre 2012, une série de hausses d’impôts (500 milliards de dollars) et de coupes dans les dépenses (plus de mille milliards sur dix ans) interviendront automatiquement et obligatoirement à compter du 2 janvier 2013. Ces coupes, appelées en anglais « sequestration », concerneraient pour moitié le budget de la défense, et pour moitié les dépenses intérieures, exceptés les retraites (social security) et les programmes de santé fédéraux (Medicare et Medicaid). Cette combinaison de réductions de dépenses et de hausses d’impôts a été surnommée : « falaise fiscale ».

Le Congressionnal Budget Office (CBO), équivalent du ministère du Budget, prévoit qu’elle permettra de réduire le déficit budgétaire de moitié. De 1,17 « trillions » de dollars (un trillion = mille milliards) en 2012 à 641 milliards en 2013. Toutefois les hausses d’impôts représenteraient un prélèvement supplémentaire moyen de trois à quatre mille dollars par ménage. Ces prélèvements auraient inévitablement un impact adverse sur la croissance, qui serait négative en 2013 et propulserait le chômage à plus de 9%.  Bref la « falaise fiscale » menace ni plus ni moins que de replonger l’Amérique dans la récession !

Tout accord permettant de l’éviter aurait un impact positif sur la croissance, mais résulterait sans doute dans une aggravation du déficit budgétaire et donc un accroissement de la dette américaine dans les années à venir.

Celle-ci dépasse aujourd’hui 16 trillions de dollars, soit 107% du PIB. Un montant considérable mais pas encore catastrophique. Les Etats-Unis étaient endettés jusqu’à 140% de leur PIB au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Leur économie était toutefois alors en plein « boom » ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Le vote du Budget Control Act avait évité aux Etats-Unis d’entrer en défaut de paiement. Mais il n’avait pas empêché l’agence Standard & Poor’s (S&P) de retirer son AAA au pays quelques jours plus tard. Une première historique. Cette décision avait été justifiée non tant par les difficultés économiques de l’Amérique, que par le blocage des institutions et l’incertitude politique. En clair S&P avait reproché aux responsables politiques américains, c'est-à-dire aux élus du Congrès, de ne pas être capables de parvenir au compromis nécessaire pour apporter une solution durable à la question du déficit. Ces mêmes élus, le seront-ils à présent ? C’est toute la question. Parvenir à un accord est le premier, et colossal défi, du second mandat de Barack Obama. Un échec aurait des conséquences majeures sur les marchés et la note américaine…

Sur le fond, les Républicains s’opposent à ce qu’une solution soit trouvée sur le dos des Américains, c’est-à-dire par une hausse des impôts. Quels que soient le niveau et la nature des revenus. Les Démocrates, au contraire, souhaitent relever les taux d’imposition des revenus les plus élevés ( plus de 250 000 dollars par an) pour que les « riches payent une part juste ». C’était une proposition de campagne de Barack Obama. Depuis la Maison Blanche, le 9 novembre, il a estimé que sa réélection « validait » cette approche. Il insistera donc pour que l’accord final passe par un relèvement de certains taux…

John Boehner, le « speaker » de la Chambre des Représentants, où les Républicains ont la majorité, a « tendu la main » au président. Tout en restant ferme sur son refus d’impôts nouveaux. Estimant que la réélection d’une chambre républicaine était aussi un message des électeurs…L’élection américaine a en effet reconduit une chambre des Représentants quasiment identique à la précédente. Les Républicains avaient 240 sièges, ils en ont 234. La majorité étant à 216 sièges ils gardent le contrôle de cette institution.

Surtout, les Républicains élus en 2010 sur la vague des Tea Parties, et sur un programme d’opposition farouche à toute hausse d’impôts, ont été réélus. Leur inflexibilité n’a pas été sanctionnée par les électeurs. Au contraire. Dès lors, pourquoi changer d’attitude. Ces élus sont redevables envers leurs électeurs, devant qui ils se présentent tous les deux ans. Pas envers le président.

Selon une enquête de l’Institut de sondages Rasmussen, pubilée le 9 novembre, les électeurs républicains souhaitent d’ailleurs à une très forte majorité que leurs élus poursuivent une politique d’opposition coriace. La question pourrait même provoquer un clivage au sein du parti, entre une aile radicale, et inflexible, attachée de façon dogmatique au rejet de toute hausse d’impôt, et une aile modérée, prête au compromis. Invité de la chaîne Fox News, le 11 novembre, le Sénateur du Tennessee Bob Corker a ainsi assuré «qu’une solution était possible sur les revenus…si un accord était aussi trouvé sur les dépenses (« entitlements » en anglais) ».

De leur côté les démocrates n’ont pas forcément intérêt à trop de concessions. La « falaise fiscale » est pour eux un argument électoral en or. Ils peuvent proposer des hausses d’impôts sur les plus hauts revenus, sachant qu’elles seront rejetées par les Républicains, ce qui renforcera, dans l’opinion, l’image du parti de l’éléphant comme le parti des riches. Et si aucune solution n’est trouvée à temps, les impôts augmenteront automatiquement. Précisément du taux souhaité par Obama : de 35% à 39,6% pour les revenus supérieurs à 250 000 dollars par an. Et Ils auront le loisir de blâmer l’intransigeance de leurs adversaires. Quitte ensuite à suggérer de « réduire ces hausses », via une nouvelle loi de finance, de façon à limiter leur impact négatif sur l’économie, sachant que les Républicains ne pourraient pas s’y opposer…Les démocrates gagneraient ainsi sur les deux tableaux.

Le seul perdant de l’affaire serait évidemment le président Obama. Car au-delà des détails budgétaires ce qui est en jeu ici, c’est son « leadership ». Sa capacité à diriger le pays et à mobiliser les élus.

Barack Obama présentera ses propositions au Congrès dès ce vendredi 16 novembre. Il restera alors 49 jours aux élus pour trouver une solution.
Un scénario optimiste le verrait présenter un plan de compromis, imposant des concessions aux deux camps et qui serait voté au nom de « l’intérêt national ». L’ironie d’un tel scénario est qu’il reprendrait très probablement les suggestions avancées par Mitt Romney durant la campagne. Car le moyen d’augmenter les « revenus d’impôts », sans toucher aux « taux d’imposition », est de réduire les déductions et les « niches fiscales » (« tax loopholes » en anglais). C’est exactement ce que suggérait de faire le candidat républicain.

Par sûr qu’il se consolerait de voir ses politiques mises en place après que sa personne eut été rejetée par les électeurs...

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