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"Fifty Shades of Grey" : comment les fantasmes féminins ont-ils évolué ?
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Jardin secret

Une Britannique de 41 ans a demandé la divorce après avoir lu le best-seller "Fifty Shades of Grey", car son mari refusait de participer aux jeux coquins que lui avaient inspiré le livre.

Pascal De Sutter

Pascal De Sutter

Pascal de Sutter est psychologue-sexologue et enseigne dans plusieurs universités de France et de Belgique, dont Lille et Metz. Il est l'auteur, avec Catherine Solano, de plusieurs ouvrages sur la mécanique sexuelle des hommes aux éditions Robert Laffont : La mécanique sexuelle des hommes : l'éjaculation. Il organise également des séminaires d'épanouissement conjugal, voir le site les sens de l'amour Il est le co-fondateur du site ma santé sexuelle.

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Atlantico : Une employée de banque britannique de 41 ans a décidé de se séparer de son mari après avoir lu le best-seller "Fifty Shades of Grey". Son compagnon refusait de participer aux jeux coquins et sado-maso que lui avaient inspiré l’ouvrage. En quoi les fantasmes des femmes modernes sont-ils différents ?

Pascal de Sutter : Il est très difficile de comparer notre époque aux autres car on dispose de très peu de documents sur les fantasmes des femmes pendant l'Antiquité, au Moyen-âge ou à la Renaissance, car dans la plupart des cultures, la sexualité féminine est relativement opprimée. Si les hommes peuvent s'exprimer de manière relativement libérale sur leurs fantasmes, c'est beaucoup plus mal vu pour la gent féminine. C'est à partir du 19e siècle que l'on dispose de données.

Une grande thématique existe dans la fantasmatique féminine : beaucoup de femmes peuvent fantasmer sur des situations où, de manière consentie, elles sont dominées sexuellement, où un homme "abuse" d'elles, et leur fait accomplir des actes qu'elles ne voudraient pas. Ceci a un grand avantage psychologique puisqu'elles peuvent rester des femmes pures, honorables et naïves parce qu'elles sont sous l'emprise d'un "sadique" qui leur fait faire des choses qu'elles ne veulent pas. Alors que si elles exprimaient le désir d'avoir des pratiques sexuelles scandaleuses, elles perdraient leur honorabilité et leur statut. Cela permet de faire des choses de salope, sans être une salope.

"50 nuances de Grey" est intéressant car il traite clairement d'une relation de type sado-masochiste où la femme est dominée. Le livre n'est pas un succès par hasard, car il rencontre l'univers fantasmatique féminin, souvent fait d'une forme de soumission au plaisir sexuel de l'homme. Cependant, dans les rapports de domination-soumission, la personne qui a le pouvoir n'est pas toujours celle qu'on imagine. Même si c'est l'homme qui donne les ordres, c'est la femme qui dit lorsque cela lui plaît, ou non, et lorsqu'elle veut arrêter, elle a le pouvoir. On voit souvent dans ces histoires que la femme pourrait échapper à son "bourreau", mais c'est elle-même qui choisit de tomber entre ses griffes.

On retrouve aussi un autre archétype, celui de l'exhibitionnisme : la plupart des femmes en bonne santé sexuelle trouvent excitant de voir l'homme lui-même excité par leur apparence physique. Cela peut se manifester sous la forme d'un rideau de douche laissé entrouvert, car l'idée qu'un beau jeune homme la voie l'excite.

Cela explique que beaucoup de femmes aiment mettre une jupe un peu courte, une robe un peu moulante, un beau décolleté, des boucles d'oreille qui attirent le regard vers le cou, se maquillent pour mettre en valeur des lèvres pulpeuses ou un regard profond. Le regard d'un inconnu est plus excitant que celui du mari, cependant pour un couple qui fonctionne bien, il y a aussi cette envie de séduire son compagnon.Beaucoup de femmes se plaignent souvent que ces derniers ne soient plus assez "voyeurs" avec elles. Leur exhibitionnisme ne fonctionne plus, il est donc transformé en fantasme, et elle peut donc imaginer que deux hommes la regardent, se masturbent en la regardant, ou qu'un  homme soit fasciné en voyant son corps.

Beaucoup de femmes apprécient d'ailleurs les miroirs dans les chambres pour faire l'amour, et des lumières tamisées qui cachent un peu les défauts, car pratiquement toutes les femmes sont complexées de leur corps.

Il est aussi beaucoup plus excitant pour une femme ou un homme d'ailleurs de se trouver face à un inconnu. Certaines femmes vont souvent dire qu'elles se masturbent en imaginant un homme, peut-être sans visage ou sans corps. Quelque part, l'autre n'existe plus, il est juste là pour son plaisir et il n'y a plus de compte à rendre. Cela permet de surmonter les a propri sociaux, le jugement de la société, celui d'être une femme de "mauvaise vie".

C'est aussi plus facile de se lâcher et plus excitant de faire des choses indécentes avec un inconnu, car ce n'est pas quelqu'un dont on prévoit à l'avance les caresses, ou ce qu'il va dire et faire. Il va surprendre par son attitude différente et originale. C'est un fantasme très présent.

Les femmes modernes peuvent-elles plus réaliser leurs fantasmes aujourd'hui ?

Paradoxalement, les interdits stimulent parfois l'imagination. Si on ne peut pas montrer son mollet, le fantasme serait d'exhiber ce dernier. Quand on peut tout montrer, on stimule un peu moins. Il y a aujourd'hui une forme de libération par rapport à l'expression de la sexualité des femmes dans le sens où beaucoup de revues féminines parlent de fantasmes ou de la façon de faire l'amour de manière un peu inhabituelle. La parole est un peu plus ouverte, en tout cas en Occident.

Cela s'oppose au grand retour du puritanisme en France qui devient le pays le plus puritain en Europe. Avant, il y avait une émission qui proposait un strip-tease avant le journal de 20h, cela paraît inconcevable aujourd'hui. Il existe une censure dans les médias. Les émissions ne parlent pas de sexualité avant 23h, certains mots sont interdits. Les femmes sont en France moins libérées que dans les années 70, c'est flagrant et la société est plus puritaine qu'en Italie et en Espagne, pays pourtant très catholiques autrefois.

Les femmes ont-elles besoin de "stimulateurs" (livres, séries, sexualité, etc.) pour "booster" leur libido ?

Beaucoup de femmes vont chercher dans l'imagination ou les lectures, les petits "plus" qui parfois permettent de rendre leur quotidien un peu plus pimenté. C'est un assaisonnement, qui n'est qu'une partie du plat, il faut que ce dernier soit appétissant.

Il peut prendre la forme de petites fantaisies érotiques qu'on réalise. Les femmes étant moins visuelles et voyeuses que les hommes, ce n'est pas tellement les films érotiques ou pornographiques qui vont les stimuler et qui peuvent activer leur imagination. Ce sont des éléments que l'on peut appeler fantasmes et qui alimentent l'érotisme féminin.

Les femmes modernes assument-elles plus leurs fantasmes aujourd'hui ?

Probablement. La femme moderne, dans ses comportements, se rapproche un peu de l'homme et peut parfois exiger que son compagnon soit un peu plus fantaisiste, un peu plus dynamique, et qu'il ait des fantasmes hors des sentiers battus. Elles ont des exigences en matière de sexualité plus importantes qu'autrefois, où cette dernière était à visée reproductive ou pour le plaisir de l'homme.

Beaucoup s'imaginent qu'on ne peut pas réaliser les fantasmes, que cet acte représente quelque chose de dangereux, ou mauvais. Cependant, en réalisant des fantaisies érotiques, c'est-à-dire des idées conscientes qui peuvent exciter, et qui n'ont pas de conséquence dramatiques (pas de choses illégales, violentes, ou extrêmes), les couples sont plus heureux.

Changer le lieu, les circonstances, la manière de faire l'amour, ou ajouter un déguisement pour des jeux, permet de réaliser des fantasmes légers, fleuris et sympathiques et d'être épanoui. Les gens qui réalisent peu, ou pas du tout leurs fantasmes, sont moins heureux. Tout cela doit se faire dans le consentement mutuel, bien sûr.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

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