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Pourquoi l’impressionnisme a-t-il toujours la cote ?
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Indémodable

La fondation Beyeler organise une exposition sur la fin de l’œuvre d’Edgar Degas à Bâle jusqu’au 27 janvier 2013. De multiples expositions fleurissent à travers le monde et notamment en France sur l’impressionnisme. Comment expliquer que le succès du mouvement impressionniste persiste encore aujourd'hui ?

Guy  Boyer

Guy Boyer

Guy Boyer est journaliste et critique d’art. Il est Directeur de la Rédaction de Connaissance des Arts, magazine qui a connu récemment plusieurs innovations, dont le lancement d’un trimestriel consacré à la photographie (Connaissance des Arts Photo). Il a également une chronique hebdomadaire sur Radio Classique (Arts Plastiques).

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Atlantico : La fondation Beyeler organise une exposition sur la fin de l’œuvre d’Edgar Degas à Bâle jusqu’au 27 janvier 2013. De multiples expositions fleurissent à travers le monde et notamment en France sur l’impressionnisme, on peut citer par exemple la derrière exposition au Musée d’Orsay sur l’impressionnisme et la mode. Comment expliquer que le succès du mouvement impressionniste persiste encore aujourd'hui ?

Guy Boyer : Ce succès est déjà très ancien. Depuis à peu près 20 ans, ce succès ne se dément pas, puisque des grandes expositions au Grand Palais sont organisées depuis très longtemps, autour de toutes les monographies de tous les artistes impressionnistes, qui sont tous passés à la moulinette du Grand Palais et ont eu un énorme succès. La tendance n’est donc pas nouvelle.

Mais aujourd’hui, les expositions ont fait le tour de la plupart des grandes monographies, et il est de plus en plus difficile d’obtenir des prêts nécessaires à une monographie couvrant 150 à 200 tableaux. Il faut donc bien trouver un autre moyen pour parler des impressionnistes, qui reçoivent de toute façon un succès public.

Les organisateurs se tournent donc vers des sujets thématiques beaucoup plus pointus, qui permettent d’aborder soit une période de l’œuvre d’un artiste, soit  thème transversal qui réunira tous les impressionnistes, et permettra de voir des tableaux différents de ceux que l’on voit dans une monographie. C’est pour cela que la fondation Beyeler organise cette exposition du Degas tardif, et c’est aussi la raison d’être de cette exposition sur l’impressionnisme et la mode : dès le départ, on est assuré que l’exposition sera un blockbuster, un record de fréquentation, car ce mouvement est très populaire.

Comment expliquer cette fascination du public pour la peinture impressionniste ? Qu’est ce qui touche tant le public ?

C’est un art tourné vers la vie dans la nature, qui montre beaucoup le portrait de la femme, le bonheur de vivre, les moments heureux et des gens souriants, cela fait rêver, et attire le public. C’est une peinture très accessible pour le grand public, figurative, colorée, donc les gens se sentent à l’aise face à elle et l’apprécient. Cet art nous fait rêver, il nous fait oublier nos conditions, la difficulté de la vie, et au contraire d’œuvres d’artistes qui seraient trop dures, l’impressionnisme donne au public cette impression de liberté, de nature que tout un chacun recherche.

Autre point important : dans l’histoire de l’art, le début de l’impressionniste correspond à un mouvement de réaction voire de révolte face à l’académisme, qui était une peinture cultivée, pratiquée par l’élite. Les impressionnistes faisaient au contraire une peinture de rupture : ce n’est pas pour rien que les premiers tableaux de Manet sont exposés au salon des « refusés ». Je pense que le public est sensible au fait qu’il s’agissait d’un art contemporain, d’avant-garde et de rupture par rapport à l’époque de Napoléon III, au Second Empire. Le public est admiratif car les impressionnistes  ont bouleversé le code qui était trop stricte, ils ont cassé l’étiquette. Je pense que cet aspect plait encore au grand public.

Les peintres actuels sont-ils encore aujourd’hui inspirés par le mouvement impressionniste ?

Ce n’est presque plus une source d’inspiration en peinture. Ce n’est pas du tout un style de peinture que l’art d’aujourd’hui regarde, en particulier l’art le plus contemporain et innovant, qui s’en désintéresse.

Cependant, d’autres artistes se réfèrent encore à l’impressionnisme. De nombreux photographes s’y intéressent à ce que les impressionnistes ont produit en matière de peinture et de photographie, qui existait déjà à l’époque. Par exemple, le photographe Bernard Plossu a fait une série sur le jardin de Giverny de Monet, et il travaille actuellement sur la Sainte-Victoire de Cézanne : il expose toute une série en ce moment même à Aix en Provence au Musée Granet et à Marseille. Ce photographe est un vrai photographe contemporain et fait référence à l’art des impressionnistes.

Mais dans l’ensemble, les  thématiques du bonheur de vivre, de la nature, les effets de lumière et de reflets sur l’eau, ne sont pas des thématiques que l’on retrouve beaucoup dans l’art contemporain, qui se préoccupe davantage du corps, de la mort, de la société, de la difficulté de vivre, autant de thèmes qui ne sont pas du tout des thèmes impressionnistes.

N’y a-t-il pas aujourd’hui un certain dédain pour ce mouvement impressionniste populaire et accessible, dans le milieu de l’art aujourd’hui ?

Oui, il y a une sorte de rejet de l’impressionnisme, auquel on reproche d’être une peinture facile, populaire, que tout le monde peut comprendre. Une certaine intelligentsia a tendance à dire que cela suffit, qui en a ras-le-bol. A cela s’ajoute une certaine lassitude, car voilà 20 ans que l’on nous sert les impressionnistes à toutes les sauces et de toutes les manières : « Degas et les femmes », « Degas et les danseuses », Degas et la nature, Degas et la photo, Degas et ses dernières années, etc. Des expositions Degas ou Monet sont organisées toutes les années, sur tous les sujets.

Mais il reste des critiques d’art qui continuent à trouver cela formidable, et il reste des sujets à traiter, l’impressionnisme n’est donc pas du tout une tendance qu’il faudrait rejeter. Je pense qu’il faut trouver les bons sujets qui peuvent encore nous dire des choses aujourd’hui. Par exemple, l’impressionnisme et la mode, qui est un sujet très grand public, est aussi un sujet nouveau que l’on n’avait jamais traité.

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