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Commission européenne : le lobbying va-t-il trop loin ?
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zones grises

Soupçonné de trafic d'influence par l'Office européen de lutte antifraude (Olaf), le commissaire européen en charge de la Consommation et de la Santé, John Dalli, a démissionné de ses fonctions le 16 octobre dernier.

Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort est full professeur à l’ ESSEC et co-directrice du Centre Européen de Droit et d’Economie, spécialiste des OPA.

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C’est avec une certaine émotion que je rédige ce papier, car je porte depuis des années, une vision professionnelle et vertueuse du lobbying d’experts, assumé en toute transparence et acceptant le bien fondé de thèses inverses. Je suis restée confiante en la capacité des décideurs politiques à arbitrer pour le bien commun, au prix parfois de choix politiques pragmatiques, même si ceux-ci ne satisfont pas toujours mes exigences universitaires. Le lobbying comme outil de démocratie, moyen d’associer la société civile et économique à la décision, c’est mon credo, ma pédagogie, mon engagement.

Face au scandale, à Bruxelles, du limogeage d’un commissaire pour suspicion de connivence avec des acteurs qu’il a pu rencontrer dans le cadre de consultations menées sur le sujet du tabac et qui n’auraient pas du peser plus que d’autres, je doute… Et j’interpelle la subversion du système. Celui-ci est censé être vertueux : transparence des processus, circulation large des informations et surtout système de pouvoirs et contrepouvoirs au sein de la Commission elle-même, puis entre le Parlement européen et les Etats membres réunis au sein du Conseil.

Alors accident ? Certes, mais si la rumeur est vraie, c'est inacceptable… Faut-il alors muscler les dispositifs existants en s’inspirant de celui du Québec, où depuis 2002, une loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme a mis en place un dispositif plus directif : registre obligatoire, code d’éthique, sanctions potentielles, responsable du lobbyisme auprès du gouvernement… Et, devoir de transparence des élus. 

Et en France ? L’héritage culturel du Contrat social et de la Révolution, la méfiance à l’égard des corps intermédiaires[2]  fait de l’Etat le garant de l’intérêt général. Dès lors, les activités de lobbying, expressions d’intérêts particuliers, sont encore mal perçues. Pourtant, les élus le disent eux-mêmes, la technicité croissante des dossiers requiert une expertise extérieure et puis la diversité des points de vue des parties prenantes impose des processus de consultations ouverts, facilités par les moyens offerts par les NTIC[3] qui modifient  les canaux d’influence traditionnels (par exemple lors du Grenelle de l’environnement). La France doit muscler son dispositif de régulation, or s’interroger sur le lobbying, sa place, son rôle, c’est s’interroger sur la gouvernance publique du pays.  Plus un pays se dote d’un système équilibré de pouvoirs  et contrepouvoirs, plus le processus de décision est transparent, moins les risques de dérives existent.

En France, il existe un dispositif pénal contre la corruption et le trafic d’influence ainsi qu'un Service central de prévention de la corruption, mais ce sont les zones grises qui restent à éclairer. Le dispositif qui existe est encore trop timide, depuis 2009, pour l’accès à l’Assemblée nationale et au Sénat[5], tandis que  les professionnels se sont pris en mains depuis un moment avec des "chartes de déontologie" telle celle de l'Association française des conseils en lobbying. Mais on peut clairement mieux faire[6] et la commission Jospin en charge de la réflexion sur la gouvernance publique devrait de toute évidence intégrer la régulation du lobbying dans son champ et s’inspirer du code de l’OCDE de 2010 ou des exigences de Transparency International France.

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