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Faut-il choisir entre compétitivité coût ou hors coût ?
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To be or not to be

Quelles solutions envisager pour doper la compétitivité de la France ?

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Alors que la remise du rapport Gallois se profile à l’horizon, le débat sur les leviers de la compétitivité française s’invite aujourd’hui dans le débat public. Il faut plutôt s’en réjouir : à défaut d’être d’accord sur les remèdes, experts et décideurs politiques partagent tous le même diagnostic sur notre pays, celui d'un déficit chronique de compétitivité.

Reste à savoir maintenant comment sortir le malade de cette délicate situation. Pour faire simple, deux thèses s’opposent, qui se résument souvent en une question lapidaire : êtes vous plutôt compétitivité coût ou plutôt compétitivité hors coût ?
D’un côté, les partisans d’une cure d’amaigrissement estiment qu’il suffit de réduire les coûts de production par un transfert massif de charges patronales et/ou par une réduction de la dépense publique ; de l’autre, les défenseurs du hors coût estiment que c’est par l’innovation que nous échapperons à la tyrannie des prix bas. Bref, nous devrions choisir entre deux thérapies de choc, présentées comme antinomiques. En réalité, ces deux politiques peuvent se révèler complémentaires.

Pour s’en convaincre, il faut repartir de ce qui est à la source même de la compétitivité d'une entreprise, à savoir le comportement des clients : pourquoi achètent-ils un produit A plutôt que le produit B d'un concurrent ? La réponse est très simple : parce qu'ils estiment –à tort ou à raison- que le produit A présente un meilleur rapport qualité/prix que le produit B. En d’autres termes, ce qui guide leur décision d'achat, ce n’est pas tant le prix du produit pris isolément –auquel cas personne n’achèterait un I-phone à 750 euros alors qu’il existe des smartphones à 100 euros- que la comparaison de ce prix avec l’utilité qu'ils en retirent ou croient en retirer (image de marque, etc). Dit en termes plus triviaux, "les clients veulent en avoir pour leur argent". Voilà pourquoi les produits du luxe accessible (parfums, maroquinerie, etc) ou du "terroir" (spiritueux, fromages, etc) se vendent si bien à l'exportation, affichant un prix élevé en contrepartie d'une forte valeur ajoutée perçue. Voilà aussi pourquoi les produits low cost -à l'image de la Logan- connaissent un tel succès : le faible prix est en adéquation avec une qualité certes minimaliste mais recentrée sur l'essentiel (la sécurité, la fiabilité, etc). Malheur en revanche aux producteurs positionnés sur le milieu de gamme avec des prix trop élevés.

Lorsque l’on regarde attentivement les enquêtes sur le positionnement des produits français (biens de consommation en particulier), il apparaît précisément qu'ils sont perçus par les clients étrangers comme ayant un plus faible rapport qualité/prix que leurs équivalents allemands, sur la plupart des critères de qualité : délais de livraison, contenu technologique, services, etc. Si l'on prend l'exemple de l'automobile, cela revient à dire qu'une voiture allemande, pourtant plus chère dans l'absolu qu'une voiture française équivalente (en particulier sur le segment du "haut de gamme"), est en réalité appréhendée par le consommateur comme "meilleur marché", compte tenu de son niveau de qualité perçue (design, service après-vente, standing, etc).

Pour remédier à ce déficit de qualité/prix sur les produits français, deux stratégies de compétitivité sont alors envisageables.
Une première stratégie consiste à diminuer le prix de vente, en laissant inchangé le niveau de qualité des produits : Il s’agit d’une forme de “compétitivité par le bas”. Dit autrement, nous faisons le choix de rester sur un positionnement de milieu de gamme mais avec des prix plus faibles qu'auparavant. Dans ce cas de figure, l’abaissement massif des coûts de production – notamment par l’allègement des charges patronales- devient l’alpha et l’omega d’une politique de redressement productif et s'apparente à une dévaluation : en diminuant les coûts de production, on permet aux entreprises de baisser en retour leur prix de vente à l’exportation. Cette politique a le mérite d'être assez rapide à mettre en oeuvre ; elle présente toutefois un risque majeur sur le long terme : en misant sur la seule variable du prix, notre pays fait le choix d'entrer en concurrence frontale avec les pays émergents, qui sont en train d'opérer de leur côté une montée en gamme de leur industrie.

Une seconde stratégie, plus porteuse d’avenir, est également possible : elle consiste à accroître le niveau de qualité perçue des produits, afin que le prix de vente soit mieux justifié aux yeux du client. Dit en d'autres termes, à défaut de baisser les prix, on augmente la qualité perçue. Il s’agit d’une forme de “compétitivité par le haut”. Cette stratégie est plus longue à déployer ses effets puisqu'elle suppose que les entreprises investissent d'abord dans l'innovation, entendue au sens le plus large : R&D mais aussi design, formation du personnel, service au client, marketing, etc . On pourrait penser que cette seconde option dispense d'un choc de compétitivité sur les coûts. En réalité, un abaissement des coûts de production constitue une condition préalable au développement d'une compétitivité hors coût, en permettant aux entreprises de reconstituer leurs marges pour investir dans l'innovation. Encore faut-il être sûr que les allègements de charges soient bien affectés à une stratégie de "compétitivité par la qualité". Voilà pourquoi un pacte de compétitivité prend tout son sens : une baisse des coûts ciblée, en échange d'un engagement de montée en gamme de la production. Il s'agit de restaurer la compétitivité par les coûts aujourd'hui pour mieux bâtir ... la compétitivité hors coût de demain.

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