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Handball, tickets restaurants, visites médicales : quel est l’héritage du régime de Vichy ?
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Contre-pied

Période sombre de l’histoire de France, le régime de Vichy est un sujet qui reste sensible près de 70 ans plus tard. De très nombreuses lois et habitudes qui constituent notre socle culturel français sont pourtant issues de ces quatre années. C’est ce que Cécile Desprairies nous décrypte dans un livre dénué de passéisme.

Cécile  Desprairies

Cécile Desprairies

Cécile Desprairies est auteur et chargée de cours à l'Université Paris V Sorbonne et à l'Université de Nantes. Elle a écrit l'héritage de Vichy : ces 100 mesures toujours en vigueur ainsi que Paris dans la collaboration

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Période sombre et impossible à effacer de l’histoire de France, le régime de Vichy est un sujet qui reste sensible près de 70 ans après la fin de celui-ci. De très nombreuses lois et habitudes qui constituent notre socle culturel français sont pourtant issues de ces quatre années. C’est ce que Cécile Desprairies nous décrypte dans un livre dénué de passéisme.

Atlantico : La France est-elle prête à parler de Vichy ?

Cécile Desprairies : S’il est devenu possible de parler de Vichy aujourd’hui c’est que la génération des acteurs de cette époque est en train de disparaître. C’est donc la génération suivante qui se permet d’ouvrir les dossiers, de consulter les archives et de comprendre ce qu’était Vichy. Le tabou disparaît en même temps que les intervenants de Vichy. De plus, nous sommes enfin prêt à regarder d’avantage ce passé parce que l’Europe n’est plus ce qu’elle était, elle vit unie et en paix. Vichy reste et restera malgré tout une tache terrible dont il ne faut jamais oublier les actes sordides, les 70 000 déportés pour raisons raciales, les juifs, les francs-maçons, les tziganes, les résistants, français, américains, anglais, et surtout les 11 000 enfants. Au cours des quatre années qu’a duré le régime de Vichy, plus de 16 000 lois concernant tous les aspects de la vie des Français ont été promulguées, c’est à dire rédigées et signées par le Maréchal Pétain puis Laval, et leurs équipes puisqu’il n’y a plus de République, donc plus de chambre. Exécutif et le législatif sont concentrés en une seule et même personne. A la Libération, avec le rétablissement de la légalité républicaine, ces lois ont toutes été déclarées nulles et non avenues puis certaines ont ressurgi, essentiellement dans la décennie qui a suivi. D’autres encore récemment. Ces lois issues de Vichy que l’on a décidé de remettre en place ont vu leurs noms être changés, parfois un simple mot, pour ne pas qu’elles soient assimilées au régime de Vichy.

Le régime de Vichy est très souvent considéré comme une parenthèse, une rupture, avec l’histoire de France. Pourtant, la présence de ces mesures dans notre système de fonctionnement juridique et social semble prouver le contraire ?

C’est une vision souvent diffusée en France mais qui est totalement fausse, Vichy n’est absolument pas un OVNI venu ex nihilo arrivé par opportunisme. Ce régime témoigne au contraire de la réalité de certains courants de pensée politique et sociaux qui existaient en France. Les racines de Vichy sont profondes. De la même manière que le régime de Vichy n’est pas apparu par hasard, les hommes qui l’ont fait n’ont pas disparu du jour au lendemain. De très nombreux hauts fonctionnaires de la IVe République l’étaient aussi sous le Maréchal Pétain.

Création du carnet de santé, mise en place des vaccins mais aussi tickets-restaurants, création des comités d’entreprises, accouchement sous X. Est-il paradoxalement possible de parler d’une certaine forme de modernité sociale du régime de Vichy ?

Parler de modernité sociale reviendrait à projeter notre perception actuelle de la modernité sur le passé, en réalité c’est dans l’autre sens qu’il faut analyser la question. En effet, ce qui est surprenant, c’est de voir comment certaines lois correspondent aux nécessités d’encadrement juridique de notre époque. L’un des exemples les plus frappants est le délit de non-assistance à personne en danger. Celle-ci, de création nazie, était initialement couplée à une loi sur la délation qui obligeait à dénoncer un terroriste vu en train de commettre un attentat. Le délit de non-assistance à personne en danger avait donc en grande partie pour but d’obliger les Français à aider les soldats ou officiers allemands blessés. Une fois la partie sur la délation abandonnée à la Libération, l’obligation d’assistance à personne en danger trouve une place naturelle dans la législation de notre société très individualisée dans laquelle les gens s’entraident de moins en mois. Au-delà de cela, il faut regarder Vichy comme un véritable projet social correspondant à une ligne idéologique très influencée par l’Allemagne nazie. Cette vision du monde correspond à la création d’une femme et d’un homme nouveaux, propres, sains et sportifs, dans une France qui à l’époque est en retard sur le plan de l’accès à l’hygiène. Les rapports sociaux sont simplifiés plus de partis ni de syndicats) et on encourage au corporatisme. La plupart de ces lois avaient pour but d’encadrer et d’améliorer la vie des Français. De plus, la structure politique de Vichy a aidé à la mise en place très rapide de ce projet. En l’absence de députés, de presse libre, de syndicats et de toutes autres formes de contrepouvoir, le Maréchal Pétain puis Laval et ses ministres avaient le champ libre. La promulgation d’une loi prenait rarement plus de 48h alors qu’il fallait parfois des mois entier de négociations sous la IIIème république. L’application de ces lois est immédiate et sans concession ce qui oblige les Français à s’y adapter nolens volens.

Au delà des lois de Vichy, la France a connu à cette époque une très forte influence culturelle germanique. Quel en est l’héritage actuel ?

La culture est le cheval de Troie de l’occupantcar celle-ci peut se diffuser dans la vie quotidienne par le biais d’activité de loisir, de plaisir. S’il fallait ne citer qu’un exemple, ce serait la musique. De nombreux concerts gratuits en plein air étaient organisés et Radio Paris diffusait presque en boucle de la musique classique. De nombreux témoignages révèlent que les Français ont découvert des compositeurs qui n’étaient pas programmé en France avant l’Occupation. Mozart par exemple est entré dans la culture commune française par ce biais là, on peut aussi citer Vivaldi et une partie de la musique baroque. Pour autant, l’Allemagne nazie n’avait pas pour projet définitif de transformer la France en une partie de l’Allemagne. Il s’agissait plutôt d’en faire une sorte de vitrine d’une Europe unie sous le Reich.

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