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Les relations France-Afrique ne se limitent pas à la “françafrique”
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Pas d'amalgames

François Hollande a récemment annoncé la fin de la "Françafrique" pour mettre un terme aux réseaux d'influence souvent corrompus qui se sont établis entre ces pays. Toutes les relations d'affaires entre la France et l'Afrique sont-elles pour autant de même acabit ?

Jean-Yves  Ollivier

Jean-Yves Ollivier

Jean-Yves Ollivier est un homme d’affaires français engagé depuis plus de quarante ans en Afrique qui, au-delà de ses activités commerciales, a entrepris de nombreuses médiations de paix.

 

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Homme d’affaires engagé en Afrique depuis près de quarante ans, ami proche de chefs d’Etats et d’anciens chefs d’Etats du continent, je vis au quotidien les particularismes africains, faits de relations personnelles et d’une grande porosité entre milieux politiques, diplomatiques et économiques. Loin des manichéismes ambiants en Europe, ces relations de proximité sont indispensables, et je suis fier des liens que j’ai su créer au fil des décennies. Hélas, de faux émissaires s’acharnent à dévoyer les relations entre la France et l’Afrique.

Si la France est en train de perdre pied en Afrique, l’image désastreuse de la « Françafrique » n’y est pas étrangère. Une situation qui pénalise aujourd’hui aux quatre coins du continent les acteurs économiques et diplomatiques condamnés à porter malgré eux ce lourd héritage. Actif depuis les années 1970 dans les affaires en Afrique, je sais que la « Françafrique » ne recouvre qu’une infime part de l’activité économique et diplomatique française en Afrique.

La Françafrique : des réseaux marginaux qui font du tort à la France

Qu’est-ce que la « Françafrique » ? Des réseaux hérités des lendemains de la décolonisation et initialement mis en place par Jacques Foccart afin de préserver des liens étroits – à travers des accords de défense et de Coopération - entre la France et ses anciennes colonies. Au fil des décennies, ces réseaux se sont transformés en nébuleuse occulte dans laquelle priment les intérêts particuliers.

Une nébuleuse constituée d’une poignée d’individus qui s’arrogent le droit de parler au nom de la France (alors que, bien souvent, ils ne sont que les émissaires d’eux-mêmes) et qui rencontrent des interlocuteurs africains dans le but de court-circuiter les relations d’État à État traditionnelles… avec, hélas, fréquemment des arrière-pensées pécuniaires n’ayant rien à voir avec les relations franco-africaines.

Sous la casquette de la « Françafrique », ces hommes vendent leur influence et mènent un jeu de dupes sur deux tableaux, en Afrique et en France. Ces émissaires véreux causent un tort considérable aux intérêts de la France, dont la réputation et le crédit auprès des Africains sont ainsi entachés. Les investisseurs français sont également fragilisés face à des partenaires locaux ulcérés par les comportements de certains faux mandataires de la République – que les Africains perçoivent dès lors comme une « République de voyous ».

Or, les hommes de la « Françafrique »ne sont justement pas, pour la plupart d’entre eux, des hommes d’affaires. Simples commissionnaires (réels ou inventés), ils ne contribuent pas au développement économique de l’Afrique mais bénéficient en réalité de leurs médiations pour gagner de l’argent facile. Un système parfaitement décortiqué par l’ancien journaliste du Monde, Stephen Smith, et son co-auteur, Antoine Glaser de La Lettre du Continent, dans leur ouvrage Ces Messieurs Afrique.

La spécificité des relations avec l’Afrique

Le rejet de la« Françafrique » ne doit toutefois pas masquer les réalités et les spécificités des relations entre la France et l’Afrique qui ne sont pas comparables, par exemple, avec la relation franco-allemande. Si la communication entre pays occidentaux passe par des circuits courts extrêmement standardisés et balisés, les échanges avec les pays africains comportent une grande dose de contacts informels.

Dans les relations France-Afrique, les organigrammes officiels ne sont pas systématiquement les meilleurs moyens d’obtenir des résultats et de faire avancer des discussions politiques ou économiques, ce qui explique et justifie qu’au-delà des exigences protocolaires, des relations de confiance se nouent d’hommes à hommes.

C’est notamment grâce à mes relations personnelles avec des hauts responsables en Angola, au Mozambique et en Afrique du Sud que je suis parvenu en 1988 – avec l’aval des autorités françaises - à initier une rencontre secrète entre ministres des trois gouvernements, préambule aux accords de Brazzaville ouvrant la voie à la paix en Afrique australe et, in fine, à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.

Nier ces spécificités africaines et l’impact qu’elles peuvent avoir serait absurde. Hélas, par leur nature informelle, ce type de relations a généré de nombreuses dérives ayant nécrosé les rapports franco-africains. Certes, les responsabilités sont partagées. Cependant, vu d’Afrique, de plus en plus d’intermédiaires en tous genres ont débarqué : des porteurs de valises ou trafiquants d’influence. Les Africains ont appris, à juste titre, à s’en méfier.

Il faut toutefois rester prudent et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Face à une Afrique pleine de promesses économiques, la France a plus que jamais besoin de retisser des liens sur le continent. Inscrit dans le long terme, un tissu relationnel débarrassé de l’affairisme de la « Françafrique » peut et doit jouer ce rôle. Par exemple, une société comme Total, très présente en Afrique, joue un rôle de médiateur indispensable entre la France et les autorités locales de nombreux pays.

Essor économique de l’Afrique et déclin de l’influence française

Des médiations informelles qui conviennent au contexte africain, mais qui ont tendance à être marginalisées tant le désengagement économique et politique de la France en Afrique est patent. Ce qui est paradoxal à l’heure où le continent affiche une croissance moyenne de près de 5%.

Le désengagement de la France en Afrique, qui est un effet pervers des abus de la « Françafrique », traduit une double motivation. D’une part, l’opinion publique française perçoit désormais négativement tout ce qui a trait au continent africain, et les investisseurs français sont extrêmement frileux à l’idée de se lancer sur un marché jugé risqué voire préjudiciable à leur réputation. D’autre part, les pays africains se défient d’une France avec laquelle ils ne sont souvent en contact que par l’entremise de marchands d’influence avides de gain.

De surcroît, le retrait français va de pair avec les appétits de plus en plus aiguisés d’un certain nombre de puissances émergentes, en premier lieu la Chine, qui investissent massivement en Afrique et se positionnent pour l’avenir dans le cadre d’une compétition internationale dont le continent sera l’un des acteurs majeurs des décennies à venir.

Si la France veut encore avoir un futur en Afrique, elle doit désavouer ses faux mandataires et, peut-être aussi, s’ouvrir davantage aux régions situées en dehors de son « pré carré » colonial où elle pourra nouer des relations plus saines et apaisées. C’est d’ailleurs le choix que j’ai fait à titre personnel depuis de longues années en concentrant mes activités dans des pays n’ayant jamais appartenu au giron de la France. Je constate que les relations professionnelles y sont beaucoup plus faciles pour un Français.

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