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Venezuela : l’émergence d’une opposition forte et unifiée, mauvaise nouvelle pour Chavez
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Iceberg droit devant

Le président vénézuélien, Hugo Chavez, a été réélu dimanche 7 octobre avec 55,25 % des suffrages, contre 44,13 % à Henrique Capriles Radonski. Si "El Comandante" a gagné l'épreuve des urnes, le pire reste peut-être à venir.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Giacomo Puccini fait débuter son opéra la Tosca avec la phrase "Ah ! Finalement !". Etrange manière de commencer une œuvre que celle-là, avec des paroles qui, logiquement, auraient plutôt leur place lors d’une conclusion. Et pourtant, la suite des événements justifie pleinement le choix du compositeur : Angelotti, le personnage prononçant ces mots, croit en ce moment-là que, enfin, ses craintes se trouvent derrière lui, alors qu’en réalité le pire est encore à venir pour lui et ses amis. Un scénario semblable risque bien de se dérouler au Venezuela, cette fois sur le plan politique et non pas lyrique.

Hugo Chávez vient de remporter les élections présidentielles avec une majorité confortable – 55,15% de voix contre 44,25% pour son rival Henrique Capriles – bien que largement inférieure à celle obtenue lors des dernières élections. Aussi, lui et son mouvement pourraient-ils, à l’instar d’Angelotti dans la Tosca, être tentés de penser que le pire – la perte du pouvoir dans les urnes – a été surmonté et qu’ils peuvent continuer à gouverner comme ils l’ont fait jusqu’ici, c’est-à-dire harcelant l’opposition, la presse et les médias indépendants, mettant la magistrature et les forces armées au service d’un projet politique partisan, rétrécissant le secteur privé dans l’économie du pays et utilisant les recettes du pétrole à des fins clientélistes et pour financer des alliés à l’extérieur, au péril de la maintenance et de la modernisation de l’industrie pétrolière.

La tentation de suivre cette voie est grande. Elle n’en est pas moins périlleuse. A commencer par le fait que Chávez aura désormais affaire à une opposition structurée, unifiée derrière un leader ayant réussi à gagner le soutien de presque la moitié des Vénézuéliens. Un leader qui, par ailleurs, a fait preuve d’un civisme exemplaire, reconnaissant sa défaite et félicitant le président réélu sitôt les premiers chiffres officiels connus.

Et l’émergence de cette opposition – forte et pleinement respectueuse du jeu démocratique – ne peut que modifier la donne, obligeant le chavisme à ajuster son discours et son action. 

Après la performance de Capriles et son fairplay le soir des élections, Chávez et son mouvement ne peuvent continuer à diaboliser l’opposition et ses dirigeants, les accusant d’être des laquais de la "bourgeoisie" et de "l’Empire" (lisez : les Etats-Unis). Désormais ils ont intérêt, au contraire, à reconnaître la place de premier plan qui revient de tout droit à cette opposition dans l’échiquier politique du Venezuela.

Deuxièmement, pendant la campagne électorale, Chávez fut obligé d’admettre que bien des choses vont mal au Venezuela : l’inflation galopante (la plus élevée du continent avec celle de l’Argentine), la pénurie d’articles de première nécessité, les incessantes coupures d’électricité, le délabrement de l'infrastructure physique et, la dernière chose mais non la moindre, un taux de criminalité digne d’un pays en guerre civile. Ayant reconnu ces maux et promis de faire amende honorable, l’opinion l’attend au tournant, sous peine de faire grossir davantage encore les rangs de l’opposition. Chávez est désormais tenu par l’obligation de résultat.

En troisième lieu, la question de la succession de Chávez est dans toutes les bouches et risque de devenir la pomme de discorde au sommet du pouvoir. Le ministre des Affaires étrangères, Nicolas Maduro, vient d’être nommé vice-président de la République. Mais il n’est pas certain que le dauphin désigné soit en mesure d’asseoir son autorité parmi ses pairs. La hiérarchie chaviste est composée de figures sans un poids politique propre, qui dépendent entièrement du leader, et qu’il déplace comme bon lui semble. Difficile dans ces conditions pour quiconque de se faire respecter. Qui plus est, Chávez garde constitutionnellement le pouvoir de révoquer son vice-président à tout moment.

Le fameux "Moi ou le déluge", que Chávez avait brandi lors de la campagne électorale pour dissuader les Vénézuéliens de voter pour l’opposition, s’applique plutôt à l’égard de son propre mouvement. Les ambitions sont démesurées, les aspirants, multiples – et il n’y a qu’une place à pourvoir en tant que successeur du caudillo.

La nomination d’un vice-président et dauphin – même si une telle nomination s’avérait éphémère – n’enlève en rien la possibilité que le "déluge", à savoir des luttes intestines, tombe sur les rangs du chavisme. Car maintenant que le nom du dauphin est connu, les déçus exprimeront en temps voulu, et non sans fracas, leur ressentiment. D’aucuns seront même tentés de franchir le rubicon pour rallier une opposition qui vient de donner une démonstration de force et de popularité et, de ce fait, se pose désormais comme une alternative d’avenir.

Pour toutes ces raisons, alors qu’on pourrait penser que le chavisme sort renforcé de sa victoire aux élections présidentielles, en réalité c’est maintenant que, à l’instar du début du chef-d’œuvre de Puccini, le drame du pouvoir s’apprête à être joué au Venezuela.

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