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Menace sur la liberté de la presse en Géorgie : "non, la télévision publique ne subit pas la censure du gouvernement"
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Big Brother is (not) watching you

Atlantico a publié mardi le manifeste de plusieurs journalistes qui alertent contre la campagne orchestrée par le gouvernement géorgien dans le but de faire taire toute velléité de prise de parole indépendante dans le pays. Une situation que réfute Sébastien Couderc, consultant en stratégies publiques pour le gouvernement de Géorgie.

Sébastien  Couderc

Sébastien Couderc

Sébastien Couderc est consultant en stratégies publiques. Il travaille pour le gouvernement de Géorgie.

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A (re)lire sur ce sujet : Menace sur la liberté de la presse en Géorgie : des journalistes du monde entier signent un manifeste

"Le comité consultatif de la chaîne télévisée indépendante géorgienne TV9 pousse un cri d'alerte contre la campagne orchestrée par le gouvernement géorgien dans le but de faire taire toute velléité de prise de parole indépendante dans le pays."

C'est par cette phrase que commence le manifeste publié sur Atlantico mardi 2 octobre. Les signataires décrivent la chaîne TV9 comme un "média indépendant et digne de confiance" et imperméable "à tout favoritisme". Un tel objectif ne peut paraître que louable, mais malheureusement ne correspond en rien à la réalité des objectifs de cette chaîne. TV9 appartient en effet à l'épouse de M. Ivanishvili, leader de la coalition "Rêve Géorgien" qui vient de remporter les élections législatives et qui est en passe de devenir le Premier ministre du pays. Tous les rapports d'observation des médias au cours de la campagne, dont ceux de l'Union européenne et de l'OSCE, ont mis en avant le fait que seule la télévision publique avait fourni une couverture équilibrée de la campagne.Ils ont également mis en avant le parti pris de TV9 en faveur du parti de M. Ivanishvili, tant dans les commentaires que dans le contexte général et le discours des journalistes. Il a également été noté que dans plusieurs cas les propos des journalistes ne correspondaient pas aux faits. Il s’agit également de la chaîne qui, le jour des élections, a publié, en violation de la loi et de l’éthique journalistique, des sondages plusieurs heures avant la fin du vote.

Malgré cela, TV9 a été diffusée dans tout le pays grâce à la loi dite du "Must carry, must offer", votée par l’ancienne majorité, obligeant tous les câblo-opérateurs à diffuser toutes les chaînes au cours de la campagne à travers tout le pays.

Les signataires de ce manifeste vont même jusqu'à faire une comparaison avec "les usages du régime de Poutine en matière d'intimidation et de harcèlement". Cela se passe de commentaire.

Le gouvernement est également accusé d'avoir entravé l'activité de TV9 et de Global TV. Cette entreprise, qui appartient au frère de M. Ivanishvili, a tenté de distribuer gratuitement des antennes paraboliques afin de permettre la réception de la chaîne de l'épouse de M. Ivanishvili, en flagrante violation du droit électoral.

Au-delà de ces questions spécifiques, le gouvernement est accusé de sacrifier les idéaux de la Révolution des Roses. Les signataires affirment que "ces idéaux ne peuvent ni doivent être sacrifiés". Sur ce deuxième point, je ne peux que soutenir cette affirmation. En effet il est crucial pour ce pays de sauvegarder les idéaux de la Révolution des Roses. Le meilleur exemple de cet idéal a été la reconnaissance par le Président Saakashvili de la défaite de son parti. Celui qui a sans cesse été attaqué par ses opposants, M. Ivanishvili en tête, comme étant un dictateur, a, par cet acte, prouvé qu'il était réellement un démocrate. Transmettre le pouvoir à une opposition avec laquelle il a une profonde divergence sur la vision du pays, selon ses mots, illustre parfaitement les idéaux de la Révolution des Roses qui ont été portés par son gouvernement.

Malheureusement, la main tendue par le Président Saakashvili n'a pas été payée en retour. Lors de sa première conférence de presse, M. Ivanishvili a demandé la démission du Président, même s'il a tenté de revenir sur ces propos dès le lendemain, affirmant qu'il ne s'agissait pas d'une demande. En tout cas, il s'agit d'une attaque contre les institutions, les résultats d'élections législatives ne concernent en rien le mandat du Président élu par le peuple.

M. Ivanishvili a également réfuté l'idée d'une chasse aux sorcières affirmant dans le même temps que ses futurs opposants devraient répondre devant la justice. Ces déclarations contradictoires ne sont pas sans faire peser un doute sur ses réelles motivations.

Lors de la même conférence de presse, M. Ivanishvili s'en est pris à la correspondante de Bloomberg. N'appréciant manifestement pas une question posée, il l'a invectivée et a demandé si c'était Saakashvili ou Bokeria [conseiller du Président] qui lui avaient demander de poser la question, restée sans réponse. Cette conférence de presse n'est pas sans rappeler ses attaques contre les journalistes qui ne partageaient pas ses opinions, ce qui est à la base même de la liberté de la presse.

Les derniers développements depuis le scrutin laissent également planer une autre ombre. De nombreuses manifestations, menées par des leaders de Rêve Géorgien, ont lieu autour de commissions locales, dont les membres on fait l'objet d'intimidations et de menaces, pour ne pas confirmer des résultats qui seraient faux. Même dans un tel cas, des procédures d'appel existent et c'est celles-ci qui doivent être suivies. Cela a notamment été rappelé par l'ambassadeur de France qui s'est exprimé sur le sujet.

On pouvait espérer l’ancrage de la démocratie, de ses institutions, de l’Etat de droit et d’une transition stable du pouvoir avec le discours du Président reconnaissant la défaite de son parti. Mais la transition démocratique du pouvoir implique une attitude également constructive du parti élu, ce qui est pour l'instant loin d’être le cas.

NB : L'auteur de cette tribune, Sébastien Couderc, travaille pour le gouvernement de Géorgie de Mikheïl Saakashvili.

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