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De Gaulle ou Giscard : quelle voie pour le futur politique de Nicolas Sarkozy ?
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Come-back ?

Alors que l'ex-président Nicolas Sarkozy envisagerait un retour en politique en 2017, plusieurs sondages indiquent qu'une majorité des Français ne le regrettent pas.

Josée Pochat, Carole Barjon et André Bercoff

Josée Pochat, Carole Barjon et André Bercoff

 

Josée Pochat est chef du service politique de Valeurs actuelles.

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique politique, chargée de l’Elysée et de la droite au Nouvel Observateur.

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), et de Qui choisir (First editions, 2012)

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Atlantico : Alors que le désamour de Hollande grandit dans les mentalités françaises, un sondage CSA pour RTL montre que 55% des Français ne souhaitent pas le retour de Nicolas Sarkozy. Un autre sondage Atlantico / i>TELE / CSA montre que François Fillon récolterait plus de voix que Nicolas Sarkozy face à François Hollande en 2017. Cela démontre-t-il que les Français ont tourné la page Sarkozy ?

Josée Pochat : La première chose, c'est que François Fillon est à droite l'homme politique qui monte dans l'opinion. C'est écrasant. Face à Jean-François Copé dans son duel pour la présidence de l'UMP et même face à Nicolas Sarkozy, il l'emporterait. A l'évidence, on constate l'arrivée d'un homme neuf qui est en train de se faire connaître des Français. Les poids lourds de la droite le rallient majoritairement, et il rassemble la diversité de l'UMP, de la droite sociale à la frange étiquetée droitière (comme celle d'Eric Ciotti, qui est son directeur de campagne). Cette image de rassembleur, posé et calme repose les Français. Cela n'aide pas Sarkozy à être dans la position du recours, car le peuple de droite est vraiment derrière Fillon. Ils sont certainement en train de se trouver un nouveau leader.

Carole Barjon : Je ne pense pas du tout. Le chiffre de 55% est assez logique car cela ne fait que quatre mois que Nicolas Sarkozy a été battu. Cela ne préjuge en rien de ce qui peut se passer dans deux ou quatre ans. Il reste très populaire dans son camp, et pour gagner une élection, il faut commencer par réunir sa famille politique.

Je trouve que le différentiel entre le score de François Fillon face à François Hollande et celui de Nicolas Sarkozy, qui est de 7 %, n'est pas très grand au vu du contexte. Ce ne sont pas des chiffres terriblement mauvais pour lui.

André Bercoff : Vous savez ma méfiance vis-à-vis des sondages qui s’assimilent plutôt à "la fiente de l’esprit qui vole" pour paraphraser Victor Hugo. Il en est un qui vient d’être publié sur le site de l’hebdomadaire Marianne, que l’on peut difficilement qualifier de sarkozyste enragé : il apparaît qu’une majorité de Français – surtout les abstentionnistes et les indécis – voterait aujourd’hui Sarkozy nettement devant Hollande. Les pages se tournent, mais elles peuvent aussi se relire. Différemment. Et puis, franchement, il peut se passer tellement de choses d’ici 2017... N’oubliez jamais que les poubelles de l’Histoire sont remplies de tendances prolongées.

Pour le peuple de droite, Sarkozy pourra-t-il vraiment représenter le sauveur de la France, comme l'a été Charles de Gaulle ?

Josée Pochat : La comparaison De Gaulle / Sarkozy n'est pas crédible. Ce n'est pas selon moi une stratégie qui peut tourner à son avantage car cela risque de faire rire plus qu'autre chose. Pourquoi pas Napoléon, ou Jules César ! On ne peut pas les mettre sur un pied d'égalité.

Carole Barjon : Laissons le Général de Gaulle tranquille. Personne ne peut prétendre se comparer à lui. Toutefois, la figure du sauveur est très présente dans l'inconscient de la droite. Sans parler de figure morale, il s'agit de voir si la gauche aura réussi ou échoué. Mais même si elle échouait, il sera tout de même difficile pour Nicolas Sarkozy de revenir.

André Bercoff : Comparaison n’est pas raison. Ce qui a fondé Charles de Gaulle et qui a érigé en raison et légende son mythe, c’est l’appel du 18 juin 1940. Si les sondages existaient à l’époque, vous savez très bien que Pétain aurait eu 90% d’approbations et de Gaulle, à peine 5%. Nous ne sommes ni en 40, ni en 45, et nos politiques d’aujourd’hui ne boxent pas dans la même catégorie.

Reste que le charisme de Sarkozy joue encore à plein pour le peuple de droiteet que, en dépit de ses foucades et de ses erreurs, pour des millions de Français, il a secoué le cocotier et essayé de faire le job, en trouvant les mots et en faisant l’inventaire des maux. Il n’est pas allé au bout de la rigueur, mais il a montré le chemin. La preuve : sur bien des domaines, force est de reconnaître que Hollande met ses pantoufles dans les charentaises de Sarko.

Valérie Giscard d'Estaing est, avec Nicolas Sarkozy, le seul président de la Ve République à ne pas avoir été réélu. Un président sortant qui a échoué à une élection peut-il vraiment réussir un retour en politique, après un tel désaveu du peuple ?

Josée Pochat : Giscard et Sarkozy sont effectivement plus dans le même registre. Ils ont fait tous deux un mandat, et Giscard a longtemps rêvé de faire son retour en politique après son échec en 1981. Cela n'a jamais pu se faire. Mais il est difficile de comparer les deux situations car la période est foncièrement différente. Giscard a été évincé à l'époque où les Français venaient de vivre les trente glorieuses et considéraient que c'était la normale. Ils pensaient que cela était la faute du président et de sa mauvaise gestion du pays.

Aujourd'hui, nous sommes face à une situation très inquiétante. L'état d'esprit n'est pas le même. Si François Fillon n'arrive pas à s'imposer comme leader naturel de la droite, Sarkozy pourrait tout à fait envisager de revenir. En quatre mois, la côte de François Hollande est au plus bas. Le contexte est tellement différent qu'il rend la comparaison impossible.

Carole Barjon : Sa situation est comparable sur certains points avec celle de Giscard, mais elle est tout de même meilleure. Il faut se souvenir que le président Giscard était rejeté par son propre camp, ce qui n'est pas le cas de Nicolas Sarkozy.

Pour ce qui est du retour, premièrement impossible n'est pas français, deuxièmement, on n'est jamais mort en politique et troisièmement le retour sera très dur. Il faudra cumuler l’effondrement de Hollande avec un manque de leadership à droite. Il ne faut pas oublier que c'est sa personne qui a été rejetée et toute la question tourne autour du fait de son changement.

André Bercoff : Tout est possible en politique : aucun des princes qui nous ont gouvernés, qui nous gouvernent ou qui aspirent à le faire, ne peut être considéré comme mort tant qu’il ne l’est pas physiquement. De Mitterrand à Chirac, cet axiome est devenu banalité de base. Encore une fois, il faut se dire et répéter que les circonstances fabriquent l’élu comme les grappes le vin. Qui aurait parié un kopek, en 1954, sur le retour de de Gaulle ? Qui aurait pensé que Mitterrand, après l’affaire des fuites, celle de l’Observatoire, et Mai 68, se hisserait un jour au sommet de l’Etat ? Il y a eu un incontestable rejet de Sarkozy qui a été maintes fois expliqué. Pour lui, aujourd’hui, le silence est d’or, d’autant plus que son successeur se débat dans des difficultés croissantes. L’avenir est le fils naturel du hasard et de la nécessité.

Nicolas Sarkozy a transformé l'exercice de la présidence aussi bien dans le style que dans la fonction. Peut-t-il réussir à rentrer dans l'histoire comme un grand président ou sera-t-il enterré ?

Josée Pochat :Il est encore trop tôt pour avoir un vrai jugement de Nicolas Sarkozy. Il y a, à droite, des personnes qui le regardent avec des étoiles plein les yeux en affirmant qu'il restera un grand président et d'un autre côté des personnes, notamment des économistes, qui expliquent que Nicolas Sarkozy n'était pas un grand président et était même l'un des pires, tant dans le style que dans la politique, internationale ou économique par exemple. C'est pour l'instant une image très contrastée qui montre qu'on ne peut pas répondre aujourd'hui.

Carole Barjon : Pour ce qui est du rythme présidentiel, en effet il a imprimé un tempo mais il n'a fait que s'adapter au rythme du quinquennat, ce que n'avait pas fait Jacques Chirac.Toutefois, c'est un rythme qui a beaucoup fatigué les gens et qui a été très anxiogène.

Pour ce qui est de rentrer dans l'histoire, on va dire que c'est un peu trop tôt pour le dire...

André Bercoff : Quelle que soit sa trace dans les manuels, il aura eu, pour moi, le mérite d’avoir désacralisé la fonction présidentielle, à la fois dans le fond et dans la forme. L’époque présente n’a besoin ni d’un président au-dessus de la mêlée, ni d’un chef d’Etat normal – une contradiction dans les termes – mais d’un commandant, d’un entraîneur, d’un capitaine d’équipe qui ne dirait pas : "en avant", mais : "suivez-moi", en expliquant clairement le plan de vol  et les méandres du chemin. Sarkozy a franchi le Rubicon, mais s’est arrêté au milieu du gué.  Ne parlons pas à la place de la postérité, mais parions qu’elle ne lui dira pas : "casse-toi pauvre con".

Propos recueillis par Célia Coste

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