Procès Chirac ou procès de la politique ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Procès Chirac 
ou procès de la politique ?
©

Accusé, levez-vous !

Reporté ou pas, le procès de l'ancien président de la République montre combien les Français doutent désormais du pouvoir politique.

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse est le pseudonyme d'un consultant en poste auprès du gouvernement.

Voir la bio »

Ne nous méprenons pas. La séquence qui s’ouvre, avec le premier procès pénal mettant en cause un ancien président de la République, pour des faits remontant une période antérieure à son élection en 1995, ouvre une brèche symbolique. Jamais, en effet, sauf cas de changement de régime et de procès politique, une personnalité politique de cette stature, n’avait été traduit en justice.

La politique désacralisée

C’est assurément cette brèche que nombre de dirigeants français, de droite comme de gauche, espéraient, et espèrent encore colmater. Certes, il y a quelques années, il eût peut-être été possible de circonscrire l’opprobre sur la personne de Jacques Chirac, représentant d’une époque révolue de la vie politique française, et de magnifier l’action des générations nouvelles marquant l’avènement d’une République exemplaire. Seulement voilà, le temps a passé, la rupture déçue et le Jacques Chirac, qui plus de quinze ans après les faits, rend des comptes à la justice est devenue une icône de la douce France perdue.

Le contexte rend la portée politique de ce procès plus ambiguë et plus dangereuse. Renvoyé devant un tribunal, l’ancien pnrésident de la République n’est pas seulement un justiciable parmi d’autres, il doit devenir un justiciable comme les autres. Le procès de Jacques Chirac participe de la désacralisation du politique dans la société française, une désacralisation plus rageuse que réfléchie, expression d’un reproche d’impuissance davantage que d’un amour du Droit.

Le malaise des citoyens français

Les enquêtes d’opinion nous apprennent que ni le suffrage universel, ni le prestige de la fonction présidentielle, ni la popularité de l’homme retiré de la vie politique ne permettent d’échapper à l’obligation de justice. En considérant qu’il est normal que l’ancien Président de la république soit jugé, les sondés portent un jugement qui ne vise pas la personne de Jacques Chirac mais son appartenance au corps politique. Si l’homme suscite la sympathie, le politique doit renoncer à ses privilèges. La personnalité est considérée avec sympathie tandis que la figure politique est abaissée : dans cette nouvelle déclinaison des deux corps du Roi appliqué au souverain démocratique s’exprime le malaise politique de la France.

Nombreux sont les responsables politiques qui jouent désormais leur carrière devant les tribunaux. Dans la France d’Ancien Régime, les tribunaux ont tenu lieu de scène politique en raison des défaillances des institutions politiques elles-mêmes dans une société de privilèges. Ils redeviennent aujourd’hui l’instrument d’une exigence de reddition de compte alors que les citoyens doutent de la capacité du politique.

Justice : ultime planche de salut du politique

Dans une démocratie déprimée, les citoyens qui perdent foi dans les moyens d’action collective s’intéressent au train de vie des hommes et des femmes politiques, exigeant qu’ils en rendent compte avec de plus en plus d’insistance et parfois de virulence. Mais ce n’est pas le simple fait d’un abaissement de la politique de l’extérieur. En effet, quand, à l’instar de Michèle Alliot-Marie récemment, des ministres font de la légalité le seul critère de leur responsabilité, ils consacrent eux-mêmes le règne aveugle du droit aux dépens de la politique.

Une brèche est ouverte. Tout ce qui entoure le procès de Jacques Chirac peut devenir le procès de la politique. Dans ces circonstances, il eut peut-être été préférable que ce procès tardif n’eût jamais lieu conformément à l’avis du parquet. Mais désormais il est trop tard pour y surseoir. Si les Français ne désirent peut-être pas qu’il soit condamné, ils estiment normal que l’ancien chef de l’Etat soit jugé. Le non lieu serait compris, moins une subtilité procédurale pour clore le procès. Assumer ses responsabilités, y compris devant la justice, c’est là l’ultime planche de salut de la politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !