La voiture, dépense qui étrangle le portefeuille de plus en plus de ménages<!-- --> | Atlantico.fr
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Le coût d'une voiture est estimé à 519 euros par mois, une dépense de plus en plus pesante pour le budget des ménages.
Le coût d'une voiture est estimé à 519 euros par mois, une dépense de plus en plus pesante pour le budget des ménages.
©Reuters

Grosse dépense

Chromes rutilants, ronronnement de grosses cylindrées... Le Salon de l'automobile célèbre la voiture comme un plaisir, presque un art. Mais ce plaisir, pour beaucoup de Français, est surtout une contrainte. Son coût : près de 519 euros par mois.

Eric Bataille

Eric Bataille

Eric Bataille est le fondateur de Drivepad.fr, un site pour informer l'automobiliste sur l'entretien de son véhicule : maintenance, réparations, alertes (contrôle technique, renouvellement de l'assurance...). Il a auparavant été directeur général d'AutoScout24 France, site d'annonces automobiles.

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Atlantico : En ces temps de salon de l’automobile, on parle beaucoup de la voiture comme d’un plaisir. Or, selon l’Observatoire Cetelem de la Consommation, les deux principaux critères cités pour le futur choix d'une voiture neuve sont le prix d'achat (pour 82% des sondés) et les coûts d'utilisation (60% des sondés). Seulement 11% citent le plaisir de conduire. L’automobile est-elle devenue une contrainte ?

Eric Bataille : Oui, pour plusieurs raisons. Il y a 1,5 véhicule par foyer en moyenne en France, un dans les grandes villes et deux dans les zones rurales. Sorti des grandes villes, si vous n'avez pas de véhicule, vous ne pouvez pas vous déplacer pour aller faire vos courses, par exemple, ou aller travailler. Vous êtes obligé d'avoir un véhicule.

Cela a toujours été et reste une contrainte, sachant que le plaisir disparait de plus en plus, puisqu'aujourd'hui, il est impossible de sortir sans rencontrer un radar. Personne ne voit l'intérêt d'acheter un "véhicule plaisir" pour ne pas pouvoir l'utiliser en dehors des circuits.

Le plaisir est-il simplement lié à la vitesse ?

Non, il y a la vitesse et la motorisation du véhicule, mais aussi son confort et son équipement. Mais aujourd'hui, quand vous commencez à prendre des équipements de confort (climatisation, vitres électriques, etc.), ça coûte beaucoup plus cher en équipement et en entretien.

Les dépenses liées aux transports représentent le deuxième poste de dépenses des ménages après le logement. Selon votre étude, le budget des ménages motorisés serait cette année de 6221 euros, soit 519 euros par mois. A quoi est dû ce chiffre ?

Le plus gros poste est l'entretien/réparation, qui représente 32% de ce chiffre. C'est les révisions, la vidange, l'entretien courant lié au plan d'entretien du véhicule, puis lorsque le véhicule est plus âgé, l'échappement, la courroie de distribution...

L'achat du véhicule représente quant à lui 27%, et l'essence représente 30% des dépenses.

Ce budget est-il en augmentation ?

Le budget mensuel a augmenté, sur les douze derniers mois, de 3,8%. Cela est dû en grande partie à l'augmentation des prix de l'essence, mais pas seulement. Le budget entretien-réparation a en effet progressé de 4% sur un an.

Les véhicules sont de plus en plus techniques à réparer. Ils font donc appel à une main d’œuvre de plus en plus qualifiée et donc mieux payée. Au final, comme la facture est due à 50% à la main-d’œuvre et 50% aux pièces, si la première augmente de 6%, cela fait au moins 3% d'augmentation. D'autant qu'il est maintenant difficile de changer soi-même certaines pièces, comme les ampoules de phare, qu'il faut changer tous les 2 ou 3 ans.

Les diverses incitations mises en place par le gouvernement, par exemple le bonus écologique, ont-elles fait baisser ce coût global ?

Dans ce budget global, l'achat du véhicule progresse moins vite que les autres coûts : on est à +1,8%. Il est vrai qu'on a eu jusqu'à maintenant une évolution sage des prix des véhicules, en dessous de l'inflation, un phénomène qui s'expliquait par les diverses primes. Aujourd'hui, c'est différent.

Les prix n'augmentent pas forcément, mais le profil des ventes change : il y a un ou deux ans, les primes fortement incitatives faisaient vendre beaucoup de petits véhicules. Maintenant que ces primes n’existent plus, on retrouve un marché normal, ou plus de véhicules de moyenne gamme sont vendus, avec un prix moyen plus élevé.

A cette hausse des coûts s'ajoutent la congestion des centres urbains et la difficulté à circuler ou à se garer, la pollution, les places de parking… Observe-t-on une différence dans un rapport contraire à la voiture entre les zones urbaines et zones rurales ? Le budget consacré s'en ressent-il ?

Dans notre étude, nous n'avons pas eu accès à des statistiques géographiques. Par contre, on sait que le taux horaire - le prix de l'heure de travail - d'un garage dans une grande ville peut être de 20 à 30% plus cher que dans les villages. Il faut donc comparer les prix : sur un même entretien, demander des devis dans différents garages.

Il y a un phénomène nouveau : des gens se séparent de leurs véhicules sans nécessairement en racheter de nouveau. Le taux d'équipement des ménages, de 80% en moyenne en France, est inférieur dans les villes que dans les villages. Il y a 37 millions de véhicules en France, mais de moins en moins dans les grandes villes et de plus en plus dans les campagnes.

Quels conseils peuvent permettre de faire baisser ce chiffre de 519 euros par mois ?

Le premier est de regarder le plan d'entretien de son véhicule : faut-il faire sa révision tous les ans, tous les deux ans, tous les 20 000 kilomètres ? Si la révision est à 20 ou 30 000 kilomètres et que vous ne faites que 10 000 kilomètres par an, vous n'avez donc pas besoin de la faire tous les ans. Par contre, vous pouvez faire à la place un "contrôle intermédiaire", pour surveiller les niveaux de liquide de frein, de refroidissement, d'huile... Ca vous coûtera seulement la mise à niveau et vous évitera le coût d'une révision qui n'a pas lieu d'être.

La deuxième économie consiste à bien entretenir son véhicule. Car repousser ou sauter une vidange, par exemple, aura un impact à un moment donné. Choisir la bonne huile permet ainsi d'économiser de 2 à 3% de carburant et d'user moins rapidement le moteur.

Troisième exemple, les pneus. Il y en a trois types aujourd'hui. Les pneus "confort", qui permettent de compenser des amortisseurs un peu durs, les pneus "sport" pour ceux qui aiment les voitures nerveuses, et une nouvelle catégorie méconnue : les pneus "basse consommation". En mettant ces derniers, la consommation de carburant baisse de 5%, sans aucun impact sur la sécurité, bien sûr.

En faisant les bons entretiens au bon moment, en ne faisant que ce qu'il y a à faire, on peut faire de belles économies.

Seulement 20% des Européens ayant l'intention d'acheter une voiture neuve le font pour se faire plaisir, selon l'observatoire Cetelem. Comment inverser la tendance ?

Il faut faire en sorte que le coût d'utilisation baisse. Et il baissera si les constructeurs le décident. S'ils veulent une révision tous les ans ou tous les 15 000 kilomètres - un risque qu'on voit poindre - les coûts vont forcément augmenter. Alors que les moteurs d'aujourd’hui sont aussi performants, voire plus performants, de ceux d'hier, et il n'y a donc aucune raison que les cycles d'entretien soient plus rapides. Il faut que les constructeurs ne reviennent pas sur des cycles plus courts, malgré leur tendance naturelle de vouloir faire revenir les gens plus souvent dans leurs ateliers.

Une autre révolution doit avoir lieu dans les garages : celle d'individualiser l'entretien en fonction du véhicule. Quand il est relativement neuf, il faut demander des pièces constructeurs. Par contre, si le véhicule a quatre ou cinq ans, il ne faut pas hésiter à demander des pièces d'origine équivalente, c'est-à-dire du même équipementier, mais sans le nom du constructeur automobile. Ces pièces sont 30% moins cher. Et quand le véhicule a plus de 8 ans - 15% du parc a plus de 15 ans en France - il faut demander des pièces de réemploi, récupérées puis sur des véhicules partis à la casse. C'est une économie de 50%.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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