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9 Français sur 10 ne paieront pas de hausse d’impôts, vraiment ?
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Trop beau pour être vrai

Jean-Marc Ayrault l'a promis jeudi sur France 2.. Pourtant, le choc subi par les uns - qui consommeront et investiront moins - affectera nécessairement les autres, sous la forme d'impôts supplémentaires, créant un cercle vicieux.

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay est Associé d’Anthera Partners. Il conseille des institutions financières en Europe et au Moyen-Orient.

Il est notamment l'auteur de l'étude Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (Février 2010, Institut Montaigne).

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Atlantico : Le budget pour l'année 2013, dont l'objectif est d'atteindre un déficit de 3% du PIB, a été révélé hier. Au programme, notamment des hausses d'impôts. Jean-Marc Ayrault a pourtant déclaré que 9 Français sur 10 ne seront pas affectés par les hausses d'impôts lors de son passage à l'émission "Des paroles et des actes" jeudi soir. La droite, elle soutient unanimement le contraire. Concrètement, qui sera concerné et à quelle hauteur ?

Frédéric Bonnevay :Les particuliers vont être touchés par des hausses des prélèvements de 10 milliards d'euros environ, auxquelles il faut ajouter 13 milliards au titre de la loi de finance rectificative de 2012. Ces mesures pèseront malheureusement très lourd sur une croissance française déjà faible. Une baisse des dépenses prononcée aurait été plus appropriée, dans la mesure où elle aurait eu un moindre impact sur l'activité.

Pour les ménages, l'essentiel de cette hausse prendra la forme d'une hausse de l'impôt sur le revenu, notamment avec les nouvelles tranches supplémentaires à 45% et, pour quelques 2 000 contribuables environ, celle à 75%, malgré les dispositions prises par l’exécutif pour éviter qu'elle ne soit qualifiée de confiscatoire et n'en devienne inconstitutionnelle.

Tout le monde finira à long terme par être touché par la hausse annoncée des prélèvements obligatoires. Déclarer que seule une frange minoritaire de la population est concernée relève de la casuistique - en ne prenant en compte que l'impact immédiat ou encore en ne considérant l'effet que d'un seul type de prélèvement - sinon du complet déni de réalité.


Mais qui sera le plus pénalisé par cette réforme fiscale ?

Si le premier tiers ou la première moitié des contribuables, du fait d'une hausse d'imposition ciblée, consomme et investit moins, la croissance et les recettes fiscales chuteront inévitablement. Il faudra donc bien se résoudre à étendre l'effort fiscal au reste de la population. C'est une illusion de croire que les différents segments de la communauté des contribuables vivent isolés les uns des autres.

Selon les groupes sociaux-professionnels, quelles sont les pratiques (légales) privilégiées pour l'abaissement du niveau de l'impôt (niches fiscales, investissement dans l'art...) ?

Avec le plafonnement imposé par le gouvernement les niches fiscales sont l'ombre d'elles-mêmes, mais c'est un autre débat. La simplification de la fiscalité française est une excellente chose et le recours plus sélectif aux mesures fiscales dérogatoires est une initiative tout à fait salutaire. Ceci dit, l'État a tout intérêt à utiliser le levier fiscal pour inciter les contribuables à consolider les principaux moteurs de notre économie.

La recherche et l'économie de la connaissance ont retrouvé un second souffle, en France, grâce au crédit impôt recherche. La culture, elle aussi, joue un rôle clef dans le maintien de notre dynamisme. Hélas, les engagements publics, dans ce domaine, s'amoindrissent chaque année, tout comme le concours du secteur privé, durement touché par la crise : il faut à tout prix entretenir le capital culturel du pays, source directe de plus de 150 000 emplois et de plus d'un million, indirectement, si l'on prend compte les secteurs afférents (dont le tourisme). Accroître la dépense fiscale au profit des activités culturelles relèverait donc d'une très bonne politique.

Pour résumer et parler sans détour, le budget 2013 se résume donc à une hausse généralisée des impôts...

Elle est généralisée paramétriquement, c'est-à-dire que la plupart des impôts ont vu leur taux augmenter. Il y a néanmoins un faux-semblant à dissiper dans l'analyse qui est faite de cette réforme,suivant lequel elle ne concernerait que les plus hauts salaires, alors même que le choc sera indirectement, à terme, tout aussi fort sur les salaires les plus faibles.

Une lecture superficielle de certaines mesures laisserait croire qu'augmenter la charge fiscale sur les plus hauts revenus - la première moitié ou le premier tiers, par exemple - permettrait de protéger les contribuables moins bien lotis. C'est évidemment faux : il y a un seul budget à financer et un seul taux de croissance à soutenir, si bien que le choc subi par les uns - qui consommeront et investiront moins, notamment - affectera nécessairement les autres, tôt ou tard, sous la forme d'impôts supplémentaires qui les frapperaient à leur tour ou d'un déclin du dynamisme économique et de l'emploi. Se forme un cercle vicieux (baisse de la consommation et donc moins de TVA, tout en alourdissant les prélèvements obligatoires à l'avenir). La réalité est que l'impact sera ressenti par tous, directement ou indirectement, aujourd'hui pour les uns et demain pour les autres.

Une réforme fiscale saine et équilibrée doit reposer sur trois principes :

1. Un bon impôt affiche une base large et un taux faible ;

2. Il ne faut pas taxer les facteurs intermédiaires (donc ne pas frapper plusieurs fois la même ressources dans la chaîne économique) ;

3. Il faut taxer le moins possible les facteurs mobiles, c'est-à-dire ceux, qui, comme le capital, peuvent s'expatrier et sortir de la base d'imposition.

Le gouvernement devra se rendre à la raison : les seules hausses d'impôt vraiment efficaces doivent toucher la TVA et, dans une moindre mesure, la CSG, dont un seul point de hausse vaut, toutes choses égales par ailleurs, 7 et 12 milliards d'euros, respectivement.

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