Des paroles et des actes : Jean-Marc Ayrault s'est fait "Général dans la bataille", sans toutefois avancer de propositions concrètes<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre était l'invité de France 2 jeudi soir.
Le Premier ministre était l'invité de France 2 jeudi soir.
©Reuters

Grand oral

Le Premier ministre a défendu son action économique et sociale, jeudi soir sur France 2, à la veille de la présentation du budget.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Jean-Marc Ayrault a-t-il été convaincant ? Son intervention est-elle de nature à calmer les inquiétudes sur la situation économique et à affirmer son autorité parfois remise en cause ?

Christian Delporte : La tâche du Premier ministre était rude, alors qu’au moment où il parlait tombait un nouveau sondage OpinionWay montrant que 62% des Français étaient mécontents de la politique sociale du gouvernement. Indéniablement, le Premier ministre a voulu redresser son image, en affirmant son autorité et son volontarisme. Il suffit, pour s’en convaincre, de relever les multiples formules employées pour montrer sa détermination et sa ténacité. Trois fois au moins, en début d’émission, Ayrault a souligné : « je ne renonce pas ». Pujadas (« il faudra que vous appreniez à me connaître, M. Pujadas ») et Lenglet (un peu débordé) en ont fait les frais. Offensif, le Premier ministre s’est fait Général dans la bataille : « c’est un budget de combat ».
Plus question de minimiser la crise, tout au contraire. Pas question, non plus, d’être trop précis sur le moment de la sortie de crise, contrairement à Hollande évoquant « deux ans d’efforts ». Ayrault s’est voulu pragmatique (« j’aime bien les choses qui marchent »), ferme (« je dis stop » aux dérives de la dette) tout en évitant soigneusement les mots qui fâchent (« rigueur »). En termes d’image, le Premier ministre a sans doute réussi l’examen, et NKM, dans le débat, ne l’a pas vraiment mis en difficulté, au contraire.
Reste que nous n’avons pas entendu de propositions très concrètes. Je ne suis pas sûr que de dire, à propos de Mittal-Florange, « nous voulons des actes », soit suffisant pour apaiser les angoisses. De même, sur Sanofi, affirmer « il n’est pas fait, ce plan social », « le gouvernement prendra ses responsabilités » ne répond pas aux inquiétudes des salariés concernés. Ayrault a évoqué, à ce propos, un éventuel « projet de loi », dont il n’a pas dessiné les contours. Les Français, hier soir, ont bien compris la nécessité de faire des efforts, mais aussi que ces efforts seraient durables. L’obstacle premier du gouvernement est celui de la confiance. Les téléspectateurs ont peut-être été rassurés sur la personnalité du Premier ministre, mais il faudra plus qu’une émission de deux heures pour redonner confiance aux Français.

L'exécutif s'est engagé à réduire à tout prix le déficit public à 3% du PIB l'année prochaine, avec à la clé un effort historique de 30 milliards d'euros malgré une croissance inexistante... A-t-il répondu à la question :" Qui va payer ?"

Ayrault a été clair sur le diagnostic, reprenant curieusement l’image du budget d’un ménage menacé par le surendettement, qu’avait avancée avant lui François Bayrou dans la campagne électorale ! En revanche, il est resté très flou sur « qui va payer ? ». Certes, le Premier ministre affirme toujours que les classes moyennes et populaires seront protégées, soient « 9 Français sur 10 ». Mais comment « 9 Français sur 10 » ne verraient-ils grimper leurs impôts, alors que le gel du barème, annoncé par le gouvernement, touchera 16 millions de foyers ?  

 A-t-il réussi à conjuguer rigueur et justice sociale ?  Le chômage, qui a dépassé en août la barre des 3 millions en métropole, a été un autre thème de l'émission. Jean-Marc Ayrault a-t-il réussi à tracer des perspectives d'avenir ?

De la même façon, on pouvait s’attendre à des annonces sur les coupes budgétaires, et la discrétion a prévalu. Les rares indications concernent les niches fiscales, avec, notamment,  le maintien dit « DOM-TOM », qui coûte très cher et rapporte peu. Sur un autre plan, comment interpréter les propos du Premier ministre sur l’aide à la dépendance : concrètement « qui va payer » ? Au fond, la seule mesure concrète annoncée a concerné les emplois « contrats d’avenir » dont il a dit qu’ils seraient engagés dès novembre.
On comprend alors qu’Ayrault est venu d’abord délivrer un message : je suis solide, j’ai de l’expérience, j’ai de l’autorité, je sais où je vais, vous pouvez me faire confiance. Il s’agissait moins de convaincre les électeurs de Nicolas Sarkozy que de rassurer les électeurs de François Hollande, enclins à s’en détacher. En période de crise, seule la confiance dans le pilote compte. C’est pourquoi le Premier ministre a joué à fond l’image de l’homme lucide, solide, réaliste, sans faiblesse. Pour peser sur l’opinion, il ne devra pas être pris en défaut.

n-Marc Ayrault a-t-il été convaincant ? Son intervention est-elle de nature à calmer les inquiétudes sur la situation économique et à affirmer son autorité parfois remise en cause ?

La tâche du Premier ministre était rude, alors qu’au moment où il parlait tombait un nouveau sondage OpinionWay montrant que 62% des Français étaient mécontents de la politique sociale du gouvernement. Indéniablement, le Premier ministre a voulu redresser son image, en affirmant son autorité et son volontarisme. Il suffit, pour s’en convaincre, de relever les multiples formules employées pour montrer sa détermination et sa ténacité. Trois fois au moins, en début d’émission, Ayrault a souligné : « je ne renonce pas ». Pujadas (« il faudra que vous appreniez à me connaître, M. Pujadas ») et Lenglet (un peu débordé) en ont fait les frais. Offensif, le Premier ministre s’est fait Général dans la bataille : « c’est un budget de combat ».
Plus question de minimiser la crise, tout au contraire. Pas question, non plus, d’être trop précis sur le moment de la sortie de crise, contrairement à Hollande évoquant « deux ans d’efforts ». Ayrault s’est voulu pragmatique (« j’aime bien les choses qui marchent »), ferme (« je dis stop » aux dérives de la dette) tout en évitant soigneusement les mots qui fâchent (« rigueur »). En termes d’image, le Premier ministre a sans doute réussi l’examen, et NKM, dans le débat, ne l’a pas vraiment mis en difficulté, au contraire.
Reste que nous n’avons pas entendu de propositions très concrètes. Je ne suis pas sûr que de dire, à propos de Mittal-Florange, « nous voulons des actes », soit suffisant pour apaiser les angoisses. De même, sur Sanofi, affirmer « il n’est pas fait, ce plan social », « le gouvernement prendra ses responsabilités » ne répond pas aux inquiétudes des salariés concernés. Ayrault a évoqué, à ce propos, un éventuel « projet de loi », dont il n’a pas dessiné les contours. Les Français, hier soir, ont bien compris la nécessité de faire des efforts, mais aussi que ces efforts seraient durables. L’obstacle premier du gouvernement est celui de la confiance. Les téléspectateurs ont peut-être été rassurés sur la personnalité du Premier ministre, mais il faudra plus qu’une émission de deux heures pour redonner confiance aux Français.

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